Le gouvernement détricote les 35 heures

L'avant-projet de loi sur la démocratie sociale suscite les critiques des syndicats et de la gauche. Le gouvernement veut aller loin dans le contournement des 35 heures.

Si le président Nicolas Sarkozy a promis de maintenir la durée légale du travail à 35 heures par semaine, le gouvernement vide celle-ci de sa substance dans un avant-projet de loi sur la démocratie sociale dont le contenu a été révélé ce mercredi matin par La Tribune.

Le projet de loi, qui doit encore faire l'objet de consultations jeudi et vendredi avec les partenaires sociaux, sera présenté en Conseil des ministres le 11 ou le 18 juin pour examen en première lecture au Parlement avec le 14 juillet.

Ce texte, transmis mardi soir aux partenaires sociaux par le ministre du Travail Xavier Bertrand et rendu public mercredi, reprend certes pour l'essentiel les propositions des partenaires sociaux en matière de représentativité syndicale.

Mais il va bien au-delà pour le volet temps de travail, qui ne faisait l'objet que d'un article de deux paragraphes dans la "position commune" adoptée en avril par le Medef et la CGPME du côté patronal, la CGT et la CFDT du côté syndical. Ces derniers n'évoquent que la possibilité de fixer par des accords d'entreprise, à "titre expérimental", les modalités de dépassement des contingents d'heures supplémentaires. Ils spécifient que ces accords doivent être conclus avec des organisations syndicales ayant recueilli la majorité absolue des voix aux élections des représentants du personnel.

Le projet gouvernemental, qui consacre à ce volet cinq longs articles sur 19, renvoie à la négociation d'entreprise ou, à défaut, à des accords de branche, non seulement les modalités de dépassement du contingent d'heures supplémentaires mais aussi la fixation de ce contingent et le repos compensateur octroyé pour les heures travaillées au-delà de ce contingent.

Selon ce texte, il suffira pour que ces accords soient valides qu'ils soient signés par des organisations syndicales ayant recueilli au moins 30% des suffrages aux élections des représentants du personnel, à condition que les organisations opposées à ces accords n'aient pas recueilli la majorité des suffrages lors des mêmes élections.

A défaut d'un accord collectif, un décret déterminera le contingent annuel et le repos compensateur, précise l'article 15 du projet gouvernemental.
Celui-ci étend d'autre part à tout salarié la possibilité de fixer la durée de travail sous la forme de forfaits en heures sur la semaine, le mois ou l'année, ou de forfaits en jours.

Pour les forfaits en heures sur la semaine ou le mois, des conventions individuelles pourront être conclues sans accord collectif préalable. La conclusion de forfaits en heures ou en jours sur l'année devra être prévue par un accord collectif d'entreprise ou, à défaut, par un accord de branche. Dans ce cas, l'accord collectif fixera la durée annuelle du travail, dans la limite de 218 jours, et le nombre maximal de jours travaillés au-delà. Pour ces "jours supplémentaires", la majoration de la rémunération ne pourra être inférieure à 10% et devra être négociée entre le salarié et l'employeur.

Le projet gouvernemental prévoit par ailleurs que la durée du travail pourra être répartie sur tout ou partie de l'année par un accord d'entreprise ou, à défaut, de branche, qui devra notamment prévoir des délais de préavis et un seuil de prise en compte des heures supplémentaires.

"Nous avions prévenu les partenaires sociaux que nous irions plus loin (que leur position commune) (...) Nous l'assumons pleinement", a expliqué aux Echos le ministre du Travail Xavier Bertrand, qui reproche aux partenaires sociaux de ne pas avoir "voulu réellement se saisir" de la question du temps de travail. Il estime que les "nouvelles souplesses" introduite par le projet gouvernemental permettront de "sortir définitivement du carcan imposé par les 35 heures".

Pour le secrétaire général de la CFDT, François Chérèque, "le gouvernement choisit de s'affronter à la CFDT et la CGT". "C'est un affront ou un défi, en tout cas une provocation", estime le responsable syndical dans un entretien publié mercredi sur le site internet du quotidien Le Monde, jugeant que "l'élargissement de la mobilisation sur les retraites à la question du temps de travail est clairement posée".

Avant même que l'avant-projet de loi ne soit public, il avait qualifié lundi avec le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, d'"inacceptable" les "velléités" du gouvernement de faire adopter "en catimini" des mesures de déréglementation du temps de travail. Dans une déclaration commune, ils avaient mis en garde Nicolas Sarkozy contre les conséquences d'un tel choix. L'Union syndicale Solidaires a brandi mercredi la menace d'un conflit majeur.

De son côté, la présidente du Medef, Laurence Parisot, tout en réaffirmant sa position en faveur d'un abandon de la durée légale du travail, a souhaité mercredi sur LCI que les termes de l'accord conclu avec les syndicats soient respectés.

"Le président de la République a menti" en disant qu'il ne toucherait pas à la durée légale du travail, a pour sa part déclaré Jean-Marc Ayrault, le président du groupe socialiste à l'Assemblée.

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