Avec 7 milliards d'euros sur la table, l’innovation santé tricolore bouillonne

DOSSIER SANTÉ. À l’heure où la deeptech et le numérique réinventent les soins, la France se réarme pour appuyer son écosystème et accélérer dans la course à la recherche. La stratégie France 2030, les données et les solutions de rupture des pépites tricolores ont ainsi été mises en avant lors de la première édition du forum « Impacts Santé » le 25 avril dernier.
Le débat « Financement, recherche, data : la France est-elle (dés)armée ? » lors de l'événement Impacts Santé du 25 avril, organisé par La Tribune.
Le débat « Financement, recherche, data : la France est-elle (dés)armée ? » lors de l'événement Impacts Santé du 25 avril, organisé par La Tribune. (Crédits : Georges Vignal/La Tribune)

C'est l'un des mots-clés du plan France 2030 dévoilé il y a deux ans : l'innovation, dans des secteurs stratégiques, dont celui de la santé. Celle-ci a été dotée d'une enveloppe de 7 milliards d'euros sur les 54 milliards mobilisés. « La moitié de cette poche a déjà été engagée par l'Etat. France 2030 finance les IHU (instituts hospitalo-universitaires), les programmes de recherche exploratoire dans de très nombreux domaines, les bioclusters, qui visent à créer, sur des thématiques médicales spécifiques, l'alliance entre la recherche et l'industrie », explique Bruno Bonnell, secrétaire général pour l'investissement France 2030.

Avec l'Agence d'innovation en santé, une structure qui a pour ambition de soutenir financièrement les innovations en santé, médicamenteuses ou concernant les dispositifs médicaux et autres, « nous essayons d'accélérer et de remettre la France au niveau par rapport à d'autres pays », dit-il.

De fait, le berceau de la découverte de l'ARN messager - par le prix Nobel de médecine François Jacob, a pourtant, dans la course aux vaccins contre le Covid, « raté collectivement le rendez-vous », quand l'Allemagne ou des pays anglo-saxons ont su prendre le virage et faire preuve d'agilité, rappelle de son côté Philippe Gillet, président de l'EPFL (Ecole polytechnique fédérale de Lausanne) et auteur d'un récent rapport visant à dynamiser et simplifier l'écosystème de recherche français.

Retrouvez en vidéo et en podcast la table ronde « Financement, recherche, data : la France est-elle (dés)armée ? » lors de l'événement Impacts Santé du 25 avril.

« La recherche implique tant le long terme que le court terme, mais aussi le droit à l'erreur, la prise de risque, la sérendipité et le droit à explorer l'inconnu. Un dispositif de financement ou d'organisation doit permettre cela », estime ce géophysicien. Autrement dit, « la stratégie d'un pays, c'est la capacité à prendre des risques, à financer, à ne pas être compliqué. Or aujourd'hui, les chercheurs sont perdus dans la complexité », dit-il. Exemple, le nombre d'acteurs dans la santé. « Le ministère de la Recherche, de la Santé, de l'Ecologie : tous ont des programmes sur la santé. Il n'y a pas de vision consolidée », diagnostique Philippe Gillet.

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Un écosystème favorable

Il n'en reste pas moins que l'écosystème de la recherche tricolore progresse. « Il y a dix ans, il y avait peu d'interlocuteurs, peu de moyens et une forte aversion au transfert [de technologies]. Aujourd'hui, c'est la norme », observe Robert Marino, le Pdg de Qubit Pharmaceuticals, une pépite issue de la Sorbonne/CNRS, qui élabore des algorithmes quantiques au service de la découverte de nouveaux médicaments. « Il y a eu un énorme changement dans l'écosystème en termes de mentalité et de prise de risques. Aujourd'hui, il faut avoir fait sa start-up quand on est dans un laboratoire, pas pour être à la mode, mais pour démontrer que sa recherche a un impact réel sur le monde », constate le dirigeant de cette jeune pousse de la deeptech qui compte 70 collaborateurs, à Paris et à Boston. En revanche, pour celui qui est aussi cofondateur de l'accélérateur Deeptech Founders, « se comparer en direct avec les Etats-Unis, qui ont cinq fois plus d'habitants, n'a pas de sens. » Cependant, en France, « nous avons un vrai écosystème qui nous soutient », souligne-t-il.

Retrouvez en vidéo la table ronde « Numérique et innovation en santé : le grand big-bang » lors de l'événement Impacts Santé du 25 avril.

D'autres sociétés avancent au sein de cet écosystème prometteur, à l'instar de TreeFrog Therapeutics, une biotech bordelaise qui vient de signer un accord d'ampleur, à plus de 700 millions d'euros, avec le poids lourd des thérapies cellulaires Vertex. Autre exemple, des laboratoires s'associent avec des start-up pour innover grâce au numérique. Ainsi, Pierre Fabre et Rofim réinventent le parcours de soin par la télé-expertise, avec un médecin dermatologue, via les pharmacies, tandis que Viatris et Ludocare proposent un robot connecté pour accompagner les enfants atteints d'asthme chronique et leurs parents dans la thérapie. Quant à la deeptech lyonnaise ACS Biotech, spécialisée dans la médecine régénérative et notamment dans la réparation des lésions de cartilage, elle est à l'origine d'une potentielle avancée majeure pour les patients atteints d'arthrose, grâce à son gel capable de regénérer du cartilage en une seule injection.

Reste que de tels projets demandent des années de recherche, d'essais cliniques et de parcours réglementaire avant la mise sur le marché. « Le financement est un vrai défi en deeptech et notamment en médecine régénérative », déplore ainsi Pascale Hazot, fondatrice d'ACS Biotech. En somme, s'il y a un véritable potentiel dans les laboratoires, les sociétés, les accélérateurs et les clusters, « il faut aussi un écosystème de financement qui soit capable de penser le temps long », résume Robert Marino.

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La donnée, l'or noir de la recherche

Sans oublier que l'une des voies pour aller plus loin dans le développement de l'innovation et de la recherche en santé passe par la donnée. « Nous allons avoir besoin de beaucoup de données, bien structurées, qui vont être la matière première pour pouvoir construire l'innovation de demain en France », rappelle Carole Dorphin, directrice des partenariats du Health Data Hub. C'est justement la vocation de cette plateforme de données de santé, créée dans le sillage du rapport sur l'IA de Cédric Villani. « Nous devons accompagner les chercheurs et les détenteurs de données pour les rendre accessibles à tous, faire de la recherche et accélérer les projets au service de l'innovation », affirme cette responsable.

Grâce à la récente adoption du règlement sur l'Espace européen des données de santé (EEDS), qui vise l'interopérabilité des dossiers numériques et leur consultation par les professionnels de l'Union européenne, l'horizon s'élargit. « Au sein du Health Data Hub, nous sommes la cheville ouvrière pour construire l'infrastructure de cet espace européen de la donnée. L'idée est d'apporter un service qui va permettre, demain, de donner de la visibilité sur l'ensemble de l'espace européen pour accéder plus rapidement aux données et faire des recherches innovantes », ajoute-t-elle. Un potentiel supplémentaire donc, au service des chercheurs, pour exploiter la masse des données et ainsi pousser l'innovation en santé.

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Commentaires 5
à écrit le 03/05/2024 à 7:44
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"le berceau de la découverte de l'ARN messager" Ho je me doutais bien que sur ce sujet un article amputé suffirait pour relever au moins une aberration ! C'est quoi le résultat du vaccin ARN svp ? Quand le vaccin sera validé pour la phase 4 vous pour...

à écrit le 03/05/2024 à 2:02
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Prenons un exemple pour les gens qui ne comprennent pas l'enjeu : la société Poxel. Cette société a développé un médicament pour diabétiques efficace et a reussi à obtenir une autorisation de lise sur le marché au Japon seulement. Faute de financeme...

à écrit le 02/05/2024 à 19:08
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Pourquoi vouloir toujours et en tout lieu aborder les sujets sous l'aspect financier ? il serait plus judicieux d'élaborer un schéma d'un système de santé souhaitable en y associant toutes les parties prenantes , humaines en premier lieu ( patients, ...

le 02/05/2024 à 20:03
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@Idx. Tout simplement parce qu'au sein de nos sociétés financiarisées à outrance, la santé s'est vue assimilée à une vulgaire marchandise. Ceci étant précisé, je soutiens pleinement votre réflexion. Bien à vous.

à écrit le 02/05/2024 à 18:49
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ah, voila, on depense la cagnotte grisbi financee par personne dans des projets justes de recherche qui n'aboutiront a rien......moi ca me va, on vote un impot sur les CE diriges par ultra neo paleo gauche pour financer ca, ca ne coutera rien a perso...

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