Art Basel, toujours incontournable ?

[Art Media Agency] La foire de Bâle ne perd rien de sa superbe. 285 galeries triées sur le volet, représentant 4000 des plus grands artistes de l'art contemporain, s'y retrouvent chaque année.
Basel propose cette année une nouvelle scénographie, qui voit notamment le secteur « Unlimited » être l’unique proposition du Hall 1 de Messe Basel. | REUTERS

Art Basel n'en est pas à son coup d'essai. Créée en 1970 par les marchands bâlois Ernst Beleyer, Trudi Bruckner et Balz Hilt, elle a pour particularité d'attirer les superlatifs et de s'imposer comme un acteur incontournable du marché de l'art. Pour sa première édition, elle avait accueilli 90 galeries et 16.000 visiteurs. Cette année, Art Basel a sélectionné 285 galeries - sur plus de 1.000 candidatures - et présente ainsi pas moins de 4.000 artistes.

Une telle longévité nécessite une remise en question permanente. Interrogé par AMA, Marc Spiegler - le directeur de la foire depuis 2007 - acquiesce :

« Nous travaillons vraiment à ce que notre foire propose toujours de nouvelles choses. Cette année, un aspect devrait surprendre même les visiteurs les plus anciens : nous avons procédé à plusieurs changements spatiaux et architecturaux. »

Basel propose effectivement une nouvelle scénographie, qui voit notamment le secteur « Unlimited » être l'unique proposition du Hall 1 de Messe Basel. « Unlimited », créé en 2000, est un espace d'exposition dédié aux œuvres monumentales. Cette initiative a contribué à la spécificité et à l'aura d'Art Basel. Actuellement, 78 œuvres sont exposées sous le commissariat de Gianni Jetzer - pour la troisième année consécutive. Les artistes exposés dans le hall laissent rêveurs : Carl Andre, Bruce Nauman, Michelangelo Pistoletto, Rosemarie Truckel, Sam Falls ou Laure Prouvost, parmi d'autres.

 

Une foire qui se métamorphose sans cesse

Outre ce nouvel agencement, Marc Spiegler souhaite également innover dans le contenu de la foire :

« Un autre projet important est 'Fourteen Rooms', mené par Hans Ulrich Olbrist et Klaus Biesenbach. Quatorze artistes se voient offrir une chambre de 5×5 mètres dans laquelle ils doivent créer une œuvre à partir d'êtres humains : les visiteurs. »

Ce nouveau concept de performance voit des artistes comme Joan Jonas, Bruce Nauman, Yoko Ono, Marina , Laura Lima, Ed Atkins ou Tino Sehgal jouer et interagir avec le public, dans un espace créé par le cabinet d'architectes Herzog & de Meuron. Une nouvelle fois, la liste des artistes prenant part au projet est prestigieuse.

Ainsi, quand on interroge Marc Spiegler sur ce qui fait le succès de la foire qu'il dirige, il répond calmement :

« Ce n'est pas magique, c'est juste le fait de travailler dur. Notre modèle est fondé sur la qualité : celle des galeries que nous sélectionnons, des stands, des programmes et des collectionneurs. Nous essayons réellement de créer des plateformes qui vont permettre à nos galeries d'être performantes. Nous leur donnons un cadre afin qu'elles fassent au mieux ce qu'elles savent faire. »

 

Un territoire stratégique

Finalement, quel est l'avantage de Bâle ? Outre sa localisation très stratégique - en Suisse et à la frontière de deux pays -, Marc Spiegler explique qu'« à Bâle, la force de la foire est dans le puissant réseau d'institutions publiques qui travaille avec nous ». À l'intérieur même de ses frontières, ce n'est pas moins de 40 musées qui rythment la vie culturelle de Bâle. Et pas des moindres puisque la ville accueille la Fondation Beyeler, la Kunsthalle, le Museum Tinguely, etc. Difficile de trouver ailleurs une telle concentration dans une ville de moins de 200.000 habitants. Or, la présence de ce tissu institutionnel n'a évidemment pas empêché les plus grands marchands et collectionneurs mondiaux d'êtres présents dans les allées d'Art Basel pendant son vernissage. Ont été aperçus Anita Zabludowicz, Beth DeWoody, Budi Tek, Richard Chang, Tico Mugrabi et les Rubell.

Pourtant, même si les organisateurs s'attendent à une fréquentation stable de la foire - près de 65.000 visiteurs en moyenne - ils craignent l'absence de certains méga-collectionneurs, présents notamment au Brésil pour la Coupe du Monde. En outre, Art Basel ne se tient qu'un mois après Art Basel Hong Kong, ce qui diminue la portée internationale de la foire, qui tend à s'européaniser. L'année prochaine, Art Basel Hong Kong aura d'ailleurs lieu plus tôt pour alléger le calendrier.

Pour Marc Spiegler : 

« C'est un grand effort d'organiser ces foires qui se chevauchent presque, mais c'est aussi la dernière année que nous le faisons. L'année prochaine, Art Basel Hong Kong aura lieu en mars ».

Malgré ces nuances, le directeur de la foire voit l'avenir sereinement :

« Nous sommes très satisfaits de la situation actuelle. Je pense qu'Art Basel est reconnue internationalement comme la foire d'art la plus prestigieuse. »

Prétentieux ? Ce serait occulter les critiques souvent dithyrambiques sur Bâle.  Selon la journaliste américaine Carol Vogel, « dans la multitude des foires d'art moderne et contemporain, les collectionneurs savent qu'Art Basel est la plus grande et la meilleure » (International Herald Tribune, 2007). Point de vue partagé par Simon de Burton : « Art Basel est largement considérée comme la plus importante foire d'art contemporain et moderne » (Financial Times, 2007). Marc Spiegler tente toutefois de garder la tête froide :

« Le marché de l'art va toujours aller plus vite, et s'internationaliser de plus en plus. Je ne sais pas dans quelle direction il va évoluer, mais si nous restons statiques, nous serons vite dépassés. »

 

Une édition qui démarre fort

Quoi qu'il en soit, la foire est un incontournable du tempo international du marché de l'art, avec près de 4 milliards de dollars d'œuvres rassemblées pour l'événement, selon l'estimation de l'assureur Axa Art.  Cette année, les galeries sont nombreuses à considérer l'édition 2014 comme un bon cru, plusieurs faisant part d'un excellent démarrage dès le premier jour. La première surprise est venue lors de la VIP preview du mardi 17 juin avec la Skarstedt Gallery qui a mis la barre haut avec la vente d'un autoportrait d'Andy Warhol pour 32 M$ à des collectionneurs américains.

D'ailleurs, la Skarstedt Chelsea ? le troisième espace du marchand suédois ? consacre en ce moment même son exposition inaugurale à une confrontation Andy Warhol/Yves Klein avec dix travaux de la série Oxidation Paintings (1977-78) de Warhol, en parallèle de douze œuvres de Klein : Fire Paintings (1961). La galerie a ensuite enchainé les bonnes ventes avec une peinture de Georg Baselitz datée de 1982, Edward in front of the mirror Munch, vendue 3 M$ et une autre de Richard Prince de 1987, You No Tell-I No Tell, partie pour 2,2 M$. Baselitz rencontre le même succès chez le Parisien Thaddaeus Ropac, qui a immédiatement trouvé un acheteur pour la sculpture Volk Ding Zero (Folk Thing Zero) de 2009 pour 2,3 M€.

Dans la foulée, nombreuses sont les autres galeries qui ont annoncé que leur stand avait été dévalisé. La Lisson Gallery en fait partie. Outre les ventes d'œuvres d'Ai Weiwei, Rodney Graham, Carmen Herrera, Anish Kapoor, Richard Long, la galerie a annoncé avoir cédé l'œuvre monumentale de Richard Long, River Avon Driftwood Circle (1996), installée au sol à l'entrée de la salle d'Art Unlimited, qui est partie entre 200.000 £ et 300.000 £. D'autres pièces par Cory Arcangel, Ryan Gander, Shirazeh Houshiary, Haroon Mirza et Joyce Pensato se sont vendues entre 20.000 £ et 100.000 £. Les sommets sont atteints par celles d'Ai Weiwei, Rodney Graham et Anish Kapoor qui se sont vendues de 250.000 et à plus d'un million de livres sterling.

 

Pas de surprise du côté des superstars

Comme on peut s'y attendre à Bâle, les sommets sont disputés surtout du côté des galeries poids lourds et des superstars de l'art contemporain. D'emblée, Gagosian a cédé le Hulkpoussant sa brouette de fleurs de Jeff Koons ? mais n'a pas souhaité communiquer son prix. Jeff Koons dont les nouvelles sculptures de la série Gazing Ball ont été vendues entre 1,6 et 2 M$ par Almine Rech, selon une information du Figaro, et dont le Dauphin gonflable a été cédé 5 M$ par David Zwirner.

Toujours chez Zwirner qui accumule les bonnes ventes et titille Gagosian, une paire de têtes en cire empilées de Bruce Nauman est partie pour 3,2 M$ tandis que la galerie a vendu Large Symmetry #5 de Richard Serra 575.000 $, le portrait DA de Luc Tuyman (2014) 750.000 $, un Gerhard RichterFarbtafel (Color Chart) daté de 1966 aux alentours des 2 M$ ainsi qu'une toile d'Ad Reinhardt achetée pour une collection européenne qui pourrait frôler les 10 M$ et faire exploser le plafond de la cote de l'artiste, d'après une information relayée par Blouin Artinfo.

La White Cube n'est pas en reste avec le cabinet de curiosités de Damien Hirst Nothing is a Problem for Me de 1992 vendu 6 M$, le Grand Canal de Zhang Huan vendu 1,8 m$ et Mumbo Jumbo de l'Ethiopienne Julie Mehretu (2008) 4,85 M$. Hauser & Wirth également, puisque la galerie suisse a cédé WS, Dior, un collage et huile sur toile récent de Paul McCarthy pour 950.000 $.

De son côté, le marchand d'art new-yorkais Dominique Levy a vendu pour 1 M$ Delaware Crossing, un petit format d'inspiration abstraction géométrique réalisé par Frank Stella en 1961, ainsi que Weisse Bilder (White Pictures), une importante série de huit grands formats de l'artiste allemand Gunther Uecker datant de 1989-1992 qui a été achetée 5 M$ par une fondation européenne et un Gerhard Richter proposé à 6 M$.

 

Après le In, le Off

Mais Art Basel ne se résume pas uniquement à son marché. En parallèle de la foire, le programme off est riche et les propositions multiples. La ville entière s'adonne réellement à l'art contemporain pendant ces quelques jours : foires satellites, musées, mais aussi lieux atypiques comme l'hôtel Baur Au Lac jouent le jeu. Focus sur les événements phares qui font vibrer la région.

 

Petites sœurs d'Art Basel, les foires satellites

Chaque année, la présence d'Art Basel incite à un fourmillement de foires qui se déroulent en marge. Certaines sont ancrées de manière durable dans le paysage, telle que The Solo project, organisée pour la dix-septième fois. D'autres peuvent être considérées comme de nouvelles arrivantes, comme le Salon du livre I Never Read. Quelle que soit leur ancienneté respective, chacune d'entre elles cherche à se distinguer et à assurer sa visibilité au milieu d'une offre pléthorique.

 

Le design mis à l'honneur, Design Miami/Basel

Adjacente à Art Basel, la 9e édition de Design Miami/Basel présente des pièces de design classiques, mais aussi des travaux plus innovants. Pour mettre le temps d'une semaine cette discipline en valeur, elle accueille cinquante galeries, issues de treize pays. La nouveauté de cette édition réside dans le lancement du forum « Design At Large », sous le commissariat de Dennis Freedman. Ce forum est l'écrin d'installations de design de grand format.

 

Des liens artistiques forts, Volta 10

Pour sa 10e édition, Volta réunit soixante-huit exposants au Markthalle, dont DCKT Contemporary, Honor Fraser, The Hole, Michael Janssen, Pierogi et Spinello Projects. La foire vise à présenter des galeries, jeunes ou établies, qui nouent des liens privilégiés avec leurs artistes et s'impliquent profondément pour suivre leur carrière. Un accent particulier est mis sur la présentation personnelle d'artistes, ou sur les propositions de dialogues entre les œuvres de deux créateurs.

L'art de la performance, Liste Art Fair 

Cette manifestation tend à se démarquer cette année en mettant tout particulièrement l'art de la performance. Présentant principalement des artistes émergents, ou en milieu de carrière, seize galeries de Colombie, de Pologne, ou encore d'Afrique du Sud y participent.

Sortir de l'ordinaire, SCOPE Basel 

SCOPE Basel réunit soixante-quinze exposants internationaux, venus notamment d'Asie et d'Europe de l'Est et a lieu dans un pavillon de 4.000m2 au sein du centre culturel Klybeckquai. Elle cherche à aller au-delà des propositions ordinaires de ce type de manifestations consacrées à l'art contemporian. Par ailleurs, à l'extérieur de la foire, Cyclope, une performance musicale de Jean Tinguely, sera présentée.

La découverte d'un artiste, The Solo project 

Ce projet met en lumière des artistes dans leur singularité. La foire se veut l'invitation priviligiée à la découverte approfondie d'un artiste, au Sankt Jakobshalle.

Du côté des institutions muséales

Les musées profitent également de l'afflux de visiteurs et du dynamisme que connaît la ville durant ces quelques jours. Ils ajoutent leurs propositions à la programmation culturelle de la ville.

Gerhard Richter et talks à la Fondation Beyeler

La Fondation propose une exposition consacrée à Gerhard Richter, mais aussi des talks d'artistes. L'un d'eux réunit John Armleder et Hans Ulrich Obrist, et l'autre Peter Doig et Ulf Küster.

Deux expositions pour le Kunstmuseum Basel

Le Kunstmuseum Basel accompagne Art Basel avec deux expositions ambitieuses. Le 15 juin, il a lancé l'exposition dédiée à Charles Ray « Charles Ray. Sculptures 1997-2014 », sous le commissariat : Bernhard Mendes Bürgi. Une autre se clôture pour la fin d'Art Basel : « Kazimir Malevich - The World as Objectlessness ».

Les nus d'Yves Klein à l'hôtel Baur Au Lac

Un autre lieu se transforme en espace d'exposition atypique, l'hôtel Baur Au Lac réitère ses expositions « Art in the Park ». Il donne à voir cette année des œuvres tardives d'Yves Klein. Fruit d'un partenariat entre Gigi Kracht, la femme du propriétaire actuel de l'hôtel, la Galerie Gmurzynska et la veuve de l'artiste Rotraut Klein-Moquay, trente sculptures de nus bleus Klein orneront le parc de l'établissement.

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