Düsseldorf, la madone du Rhin

Düsseldorf n'est pas la plus importante ville d'Allemagne, loin s'en faut. Elle n'est pas un objet symbolique comme Berlin, ni une capitale financière comme Francfort, ni le porte-drapeau du commerce international allemand comme Hambourg ou Brême. Mais elle incarne cette culture rhénane si singulière qui fait d'elle, plus que jamais, un centre économique, industriel, culturel et artistique de premier plan.

 D'abord, il y a le Rhin, large, tourbillonnant, gris métallisé, qui s'enroule autour de Düsseldorf en deux généreux méandres, que sillonnent, de Rotterdam à Duisbourg et Cologne, de lourdes barges chargées d'hydrocarbures et de charbon. Ensuite, il y a l'histoire, celle d'un groupe d'habitants de Cologne, qui décide de se soustraire à l'autorité et à l'avidité de l'Archevêque et de construire à l'embouchure de la Düssel, à quelques dizaines de kilomètres en aval, un nouveau village marchand sur les bords du Rhin. Nous sommes en 1288. Depuis, la trace de l'archevêque trop gourmand s'est perdue dans les sables de l'histoire, et le village sur la Düssel a prospéré. Il fut dirigé un temps par un adepte des Lumières, Jean-Guillaume II de Pfalz Neubourg, né en 1658 d'une famille d'origine bavaroise, dont la s?ur Eléonore fut l'épouse de l'empereur d'Autriche Léopold 1er, son autre s?ur Marie-Sophie, reine du Portugal et une troisième, Mariana, reine d'Espagne... Jean-Guillaume II sera le dernier des princes régnants à être nés ou morts dans sa ville. Les autres dirigeront de plus loin, de Mannheim, de Heidelberg, de Munich, de Paris (Murat et Napoléon furent les souverains en titre du Grand Duché de Berg). Puis en 1815, le Congrès de Vienne place Düsseldorf sous la domination de la Prusse, qui sécurisait alors sa présence sur le Rhin. Mais l'absence physique de prince-électeur pendant tant d'années devait conférer à la ville un certain esprit d'indépendance. Düsseldorf fût appréciée de Jefferson, lorsqu'il était ambassadeur à Paris, de Goethe et bien sur de l'enfant de la cité Heinrich Heine, qui y est né en 1799. Mendelssohn Bartholdy y fut directeur de la musique en 1830  et Robert Schuman et sa femme Clara s'y installent en 1850. C'est à Düsseldorf que fut donnée pour la première de la Symphonie Rhénane....


Le bouffon Hoppeditz, symbole du carnaval

Enfin, il y a Düsseldorf aujourd'hui. Avec environ 600 000 habitants, elle est la neuvième ville d'Allemagne. C'est donc une métropole moyenne à l'échelle de l'Europe mais elle incarne ce mode de vie rhénan, plutôt convivial, dont le symbole est le carnaval, l'un des plus colorés du pays, dont le chef d'orchestre est le petit bouffon Hoppeditz, qui ouvre les festivités chaque année le 11 novembre à 11 heures onze minutes... En plus de soigner de cadre de vie, Düsseldorf veut aussi reconquérir sa place de capitale économique du Rhin, même si Cologne lui dispute naturellement ce titre, avec quelques arguments. Düsseldorf abrite le siège de quelques unes des plus grandes entreprises du pays comme E.ON, Metro, Henkel, Vodafone, RheinMetall, Ergo ainsi qu'une importante unité de production du groupe français Vallourec. Elle est aussi une capitale des médias ( Wirtschaftswoche, Handelsblatt), de la publicité, de la mode.... Mais elle doit aussi faire face à la concurrence des autres métropoles allemandes, et notamment de Berlin qui attire de plus en plus d'activités culturelles et de services, autrefois l'une des spécialités de Düsseldorf. « Il est clair que nous devons lutter pour renforcer notre rôle de capitale économique » confirme Uwe Kerkman, directeur général du développement économique de la ville. « Notre stratégie est de développer des activités diversifiées, de ne pas nous concentrer sur les seuls services mais de renforcer notre base industrielle. Nous savons que Berlin est une ville qui attire les jeunes, les activités high-tech et qu'elle est moins chère que Düsseldorf, mais cela ne nous empêche pas de nous fixer des objectifs ambitieux dans le domaine des nouvelles technologies, liées à la téléphonie mobile notamment mais aussi aux biotechs et aux industries de création ».

Les entreprises chinoises aux premières loges

Depuis quelques années, la ville de Düsseldorf a mis en ?uvre une stratégie très offensive visant à attirer les investisseurs chinois. Sa situation géographique, proche de la Belgique, des Pays-Bas et de la France ( et des grands ports de la mer du Nord, accessibles par le Rhin) en fait un lieu assez privilégié pour des investisseurs extérieurs à l'Europe. La foire de Düsseldorf a ouvert cinq bureaux de représentation en Chine tandis que la municipalité multipliait le nombre de missions économiques à Shanghai, Hong Kong ou Chongqing. Des procédures accélérées ont été mises en place pour délivrer des permis de travail à des entrepreneurs chinois. Düsseldorf abrite aujourd'hui plus de 500 entreprises chinoises dont Huawei qui emploie 600 salariés dans la ville allemande. La cité peut aussi compter sur une très forte implantation japonaise, une communauté qui s'est formée juste après la seconde guerre mondiale, lorsque l'administration britannique, qui gouvernait alors la région, a fait appel aux experts nippons pour reconstruire la sidérurgie de la Ruhr. Düsseldorf abrite ainsi la troisième communauté japonaise d'Europe après Londres et Paris et les liens entre la ville et les grandes entreprises japonaises sont nombreux.

Un « hub » portuaire avec Anvers et Rotterdam

Enfin, la cité rhénane veut naturellement redévelopper ses activités portuaires. L'ancien port a été transformé en un nouveau quartier d'affaires, MedienHafen, littéralement le port des média, où se sont installées d'ailleurs des entreprises d'autres secteurs, comme la publicité et la mode. Misant sur des architectes mondialement reconnus comme Franck Gehry , Renzo Piano, Fumihiko Maki ou le français Claude Vasconi, mais aussi sur une nombreuse équipe d'architectes allemands, cette réalisation spectaculaire vise à modifier en profondeur l'image de l'ancien centre financier de la Ruhr en une ville ouverte vers le futur.

Quand aux activités portuaires proprement dites, elles sont promises à de nouveaux développements. Le projet est de construire le premier port intérieur d'Allemagne fin d'offrir aux ports d'Anvers et de Rotterdam la possibilité de s'appuyer sur un nouveau « hub » à Düsseldorf, qui deviendrait ainsi un centre logistique important en Europe du nord et de l'ouest. Sur le plan financier, la ville dispose d'un atout majeur pour financer ses nouvelles ambitions : elle n'est quasiment pas endettée, ce qui n'est pas le cas des autres grandes villes allemandes...

Mais la ville travaille aussi sur son attractivité sociale et culturelle. Des personnalités de renom ont choisi d'y travailler comme le chorégraphe Martin Schläpfer qui dirige le Ballet am Rhein ou Christoph Meyer, directeur général du Deutsche Oper am Rhein. Quant aux Jonges Düsseldorfer, une association créée en 1932, et qui rassemble des personnes physiques et des entreprises, elle se donne pour mission de renforcer l'attractivité culturelle de la ville en y favorisant le mécénat d'évènements, d'expositions et de rénovation de lieux historiques.

Tout cela fait de Düsseldorf l'une des villes les plus attrayantes d'Allemagne, empreinte de gemutlichkeit (confort, bien-être), si chère aux Allemands, sous la protection du fleuve vénérable, qui en demeure toujours le personnage central.

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Commentaires 2
à écrit le 24/06/2013 à 19:49
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Comment écrire autant sur Düsseldorf, où il n'y a strictement rien à voir, exception faite de stands de saucisses ?

le 25/06/2013 à 18:26
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retournez y madame car Duss a tout ses charmes, que ce soit au niveau architecture, musees, chateaux, shopping et vie nocturne. le seul hic, j'ai trouvé cette ville snob.

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