L'euro, le dollar et les réformes

C'est presque une manie. Déjà, à l'été 2007, Nicolas Sarkozy avait réussi à glisser dans une lettre cosignée par Angela Merkel que le cours de l'euro était un sujet méritant la plus grande attention. Les deux chefs d'État n'étant pas tout à fait d'accord sur l'urgence qu'il y avait à prendre des mesures pour le faire baisser face au dollar, le président français avait dû se contenter d'une formulation sibylline.
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Aujourd'hui, le ministre de l'Économie, Arnaud Montebourg, a repris avec beaucoup de conviction les griefs formulés à l'époque où Christine Lagarde était aux commandes à Bercy.

Sur ce point, on ne peut pas dire que la présidence Hollande marque une rupture radicale.

Ce consensus bipartisan serait-il l'indice qu'il y a là une vérité ?

C'est à voir. Car, si le cours de l'euro - actuellement aux alentours de 1,35 dollar - pèse sur les exportations françaises, il n'empêche pas celles de l'Allemagne de prospérer. Plus, à chaque fois que Paris tente de soulever ce point devant les ministres des Finances, elle essuie un tir de barrage de quelques poids lourds de l'Eurogroupe, à commencer par son président, Jeroen Dijsselbloem, qui rabat un peu vite toute velléité de politique de change sur une violation pure et simple de l'indépendance de la Banque centrale européenne.

Le traité européen autorise bel et bien les ministres à formuler des « orientations de politique de change ». Le prédécesseur de Dijsselbloem, Jean-Claude Juncker, déclarait récemment à La Tribune :

« Si le taux de change réel de l'euro menaçait la reprise dans la zone euro, et pas seulement dans un État membre, je ne manquerais pas de proposer, au nom de la prochaine Commission, des orientations générales sur lesquels les ministres des Finances pourront décider. »

Rappelons toutefois qu'il est candidat à la présidence de la Commission, ce qui l'oblige sinon à la complaisance, du moins à une certaine attention aux demandes de nos dirigeants nationaux.

Alors, faut-il ou non agir contre l'« euro fort » ?

En tout cas, pas en le déplorant, rappelaient cet hiver les économistes du CAE*.

« Les déclarations des dirigeants en vue de faire varier le taux de change sont généralement inefficaces », notaientils charitablement.

Le consensus entre économistes est pourtant que l'Europe ne pourra sortir de l'impasse déflationniste dans laquelle elle se trouve qu'avec une monnaie plus faible. La Banque centrale européenne le reconnaît à mi-mot en s'avançant prudemment sur le chemin d'un « quantitative easing » à l'européenne. Mais, comme le faisait remarquer le directeur de Bruegel, le think tank bruxellois, Guntram Wolff : après avoir baissé de 0,7 % au moment de la dernière conférence de presse de Mario Draghi, le cours de l'euro avait retrouvé son niveau antérieur « une heure après ».

Le Français qui siège au directoire de la BCE, Benoît Coeuré, a reconnu qu'il faudrait attendre que les politiques monétaires européenne et américaine divergent plus significativement (avec la sortie attendue de la Réserve fédérale américaine de sa politique de taux hyperbas) pour que l'euro, enfin, baisse.

Est-ce réellement la solution pour rétablir la compétitivité française ?

Le CAE, toujours, a calculé qu'une diminution de 10% de l'euro augmenterait la valeur des exportations françaises (hors zone euro) de 7 à 8%... et renchérirait les importations de 3,5%. Et d'ajouter qu'une baisse de 10% des prix en France aurait le même effet qu'une dépréciation de 10%... sans impact sur les importations.

En d'autres termes, les réformes pourraient aussi s'avérer payantes pour nos exportateurs. Le représentant d'un puissant lobby parisien m'a avoué récemment que ses membres - des entreprises du CAC 40 étaient divisés sur la question.

« Certains sont très contents d'importer leur matière première à un meilleur prix », disait-il.

De là à penser qu'en l'absence de réforme le discours du prochain président de la République risque de ressembler fortement à celui de ses deux prédécesseurs... et d'avoir à peu près autant d'effet, il n'y a qu'un pas.

* Conseil d'analyse économique. L'euro dans la guerre des monnaies, note de janvier 2014.

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