Rarement un communiqué d'une entreprise aura eu un tel impact sur les marchés. L'annonce par les laboratoires Pfizer et Biontech que leur vaccin serait "efficace à 90%" contre le Covid-19, selon les résultats de tests dits "de phase 3", avant une éventuelle homologation, a littéralement dopé les indices boursiers des principales européennes, et même dans le monde. "Plus de huit mois après le début de la pandémie, nous pensons que cette étape représente un pas en avant significatif dans la bataille contre le Covid-19", a même déclaré le PDG de Pfizer, Albert Bourla, dans un communiqué.
Les marchés étaient déjà bien orientés depuis l'annonce de la victoire de Joe Biden aux élections présidentielles américaines, avec notamment un indice CAC 40 repassé au-dessus des 5.000 points. Même si Wall Street n'avait pas vraiment tranché en faveur de l'un ou l'autre des candidats avant le vote du mardi du 3 novembre, les marchés avaient apprécié le vote favorable pour le candidat démocrate qui mettait fin à une période d'incertitudes.
De plus, les investisseurs peuvent espérer une pause dans la guerre commerciale avec la Chine et une certaine retenue de la nouvelle administration dans son programme économique, notamment sur la fiscalité, compte tenu d'un Sénat qui restera probablement conservateur.
Catalyseur pour assurer un soutien durable
Mais il manquait depuis un catalyseur pour assurer une reprise durable des marchés face à une situation sanitaire qui menace de perdurer jusqu'à l'été prochain, avec des périodes de "stop and go" en matière de confinement. Seule l'annonce d'un vaccin pouvait lever toute entrave au rebond. Les investisseurs tablaient cependant sur des annonces concrètes dans les premières semaines de 2021.
Cet objectif, qui pouvait relever de l'utopie il y a quelques mois, était en effet de plus en plus évoqué par les milieux scientifiques. La course que se livrent tous les grands laboratoires dans le monde, aiguillonnés par les pouvoirs publics et la communauté scientifique, a accéléré les essais cet été et les tests entrent tous désormais dans la dernière ligne droite.
Un rebond historique pour une séance
Cette nouvelle tombe à la fois plus rapidement que prévu et surtout de façon beaucoup plus affirmative et puissante qu'attendu.
D'autant qu'elle est annoncée par un laboratoire américain, l'un des leaders mondiaux du secteur, ce qui renforce sa crédibilité. Même Anthony Fauci, le très respecté et écouté directeur de l'Institut national des allergies et maladies infectieuses aux États-Unis ne cache pas son enthousiasme : " L'efficacité du vaccin est extraordinaire et il aura un impact majeur sur la réponse à apporter au Covid-19".
"Je n'ai pas souvenir d'une réaction des marchés aussi forte, même après des phases de stress, sur une simple annonce. Nous sommes sans doute à un tournant pour les marchés", se réjouit Alexandre Baradez, responsable de l'analyse des marchés du courtier IG France.
Ce sont logiquement les valeurs et les secteurs les plus durement touchés par les mesures de confinement ou de restrictions sanitaires qui sont montés en flèche, comme les secteurs de l'aéronautique, du tourisme, de la distribution de détail, de l'automobile et même les banques, déjà soutenues par des résultats résiliants au troisième trimestre, participent à la fête.
Certaines valeurs massacrées, comme la société foncière Unibail-Rodamco-Westfield, spécialisée dans les centres commerciaux, affiche un rebond de près de 25% ! Toujours sur la cote parisienne, des valeurs comme Vinci (concessionnaire d'autoroutes), BNP Paribas et Société Générale, Renault ou Airbus progressent de plus de 15% sur la séance. Et l'indice CAC 40 franchit le seuil des 5.300 points, soit une progression de 18 % depuis la sortie du premier confinement.
Rotation sectorielle
Sans encore parler de rotation sectorielle, les valeurs cycliques profitent à plein de ce mouvement et réduisent sensiblement leur écart de valorisation par rapport aux valeurs de croissance, notamment de la technologie. Certaines opérations de débouclage de positions vendeuses sur le secteur "value" ont pu également soutenir le mouvement de hausse, avance un observateur des marchés.
Ce changement de perspective devrait d'ailleurs davantage profiter aux Bourses européennes, dont le poids des valeurs "value" dans les indices est plus important qu'aux Etats-Unis, et initier un effet de rattrapage sur les valorisations des sociétés européennes.
Après cette hausse spectaculaire, il y aura inévitablement des phases de repli et de nouvelles périodes de stress. "Le contexte a radicalement changé et les investisseurs verront dans ces phases de creux des opportunités d'achat plutôt que de craindre un retournement de marchés", estime Alexandre Baradez.
D'autant que les alternatives d'investissement restent toujours aussi rares : les taux sont toujours promis à rester bas, y compris aux Etats-Unis où les anticipations de relance budgétaire s'annoncent plus modestes que ne le prévoit le programme économique de Joe Biden.
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