Accélération des énergies renouvelables : ces maires qui se sentent « orphelins de l’Etat »

Si de nombreux maires ruraux sont satisfaits de prendre directement part à la planification énergétique du pays, beaucoup regrettent de ne pas disposer d'un accompagnement suffisant pour définir les zones les plus propices au développement des énergies renouvelables sur leur commune dans le délai qui leur a été donné. Dans le flou, ils déplorent un manque de moyens humains, une communication insuffisante et des outils peu accessibles... Le gouvernement assure que les retardataires pourront rendre leur copie ultérieurement.
Juliette Raynal
(Crédits : Juliette Raynal pour La Tribune)

Les communes veulent reprendre le pouvoir sur l'aménagement de leur territoire et elles ont été entendues par le gouvernement. Promulguée en mars dernier, la loi d'accélération des énergies renouvelables accorde aux maires un rôle clé dans le développement des parcs éoliens et solaires, des unités de géothermie et de méthanisation, en leur confiant la définition des zones d'accélération du développement des énergies renouvelables dans leur commune.

Injonction contradictoire

Un véritable changement de paradigme après deux siècles d'une gestion hyper centralisée des moyens de production énergétique. « On estime avoir été écoutés. C'est un renversement du mode de faire », apprécie Fanny Lacroix, maire de Châtel-en-Triève (Isère) et vice-présidente de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), en charge de la transition écologique. Oui mais voilà, « seule une minorité des communes rurales rendront leur copie avant le 31 décembre prochain », prévient-elle.

« Aujourd'hui, nous sommes pris dans une injonction contradictoire. Les maires sont bien dans le tour de table comme demandé, mais n'ont pas les moyens pour agir. Les communes ne sont pas structurées pour ce genre d'exercice. Elles n'ont pas les cellules d'ingénierie, ni les capacités d'animation du débat public », regrette-t-elle.

Ainsi, seules les plus grandes communes, qui sont mécaniquement plus outillées, ou celles dont les élus sont déjà sensibilisés à la transition énergétique, devraient remettre le document à la préfecture en temps et en heure, laissant sur le banc de touche les plus petites communes. Or, les communes rurales représentent 88% de l'espace national. Leur implication dans la transition énergétique est donc cruciale à l'heure où la France doit impérativement se muscler dans ce domaine pour tenir ses objectifs climatiques.

« Pas un échec » pour le gouvernement

Pour autant, l'exécutif ne considère pas cette perspective d'une faible participation comme « un échec » et précise avoir déjà eu plusieurs remontées de zones d'accélération.  « Les 35.000 communes de France ont très clairement des caractéristiques et des visages très différents.(...) Nous étions conscients que cela allait être un challenge, mais, en même temps, c'est une nécessité », explique l'entourage d'Agnès Pannier-Runacher, la ministre de la Transition énergétique, laquelle a tenu à rassurer les sénateurs, la semaine dernière, lors d'une séance de questions au gouvernement : « le 31 décembre n'est pas une date butoir », même si elle est inscrite dans la loi. Autrement dit, les maires pourront continuer à rendre leurs copies au-delà de cette échéance.

« Évidemment, il faut des moyens supplémentaires », reconnaît toutefois son entourage.

Le ministère de la Transition énergétique a mis plusieurs outils à la disposition des maires. Au menu : des fiches synthétiques sur les différents types d'énergies renouvelables, un guide de planification, un portail cartographique ou encore des webinaires organisés tous les mois par la ministre. Un référent préfectoral énergies renouvelables a, par ailleurs, été identifié dans chaque département et un travail similaire est en cours auprès des Directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) et des Directions départementales des territoires (DTT). Le gouvernement mise également sur les effectifs de l'Ademe, l'agence gouvernementale en charge de la transition écologique, pour constituer « une équipe de France » au service des élus locaux, et explique vouloir mobiliser d'autres réseaux.

Des outils incomplets et peu accessibles

Cet accompagnement demeure largement incomplet, selon François Descoeur, maire de Anglards-de-Salers, une petite commune du Cantal d'environ 700 habitants. « Ce n'est pas suffisant pour que nous puissions nous positionner. Même si nous connaissons très bien notre territoire, il nous faut être entourés de spécialistes », explique-t-il. Avec d'autres maires ruraux, ils ont donc engagé des recherches pour solliciter des bureaux d'études ad hoc. Ancien architecte et urbaniste, il projette d'ores et déjà de remettre sa copie au-delà du 31 décembre. « Aujourd'hui, nous réfléchissons seulement à la méthodologie », indique-t-il.

Outre le manque de moyens humains, certains élus critiquent également les outils mis à disposition, notamment le portail cartographique, qui doit fournir des informations sur les capacités de production des territoires, les capacités d'accueil dans le réseau ou encore les contraintes réglementaires. « C'est une version bêta qui est incomplète. Par exemple, les contraintes liées à la présence d'un monument historique n'apparaissent pas. La finesse d'informations n'est pas la même d'une région à l'autre », relève Michel Maya, maire de Tramayes, une commune d'un millier d'habitants de Saône-et-Loire « Par ailleurs, c'est un outil très technique et difficilement accessible. Les élus ne vont pas passer des journées entières à se battre avec un outil cartographique », prévient-il. « C'est un outil impraticable » confirme un autre élu, ayant requis l'anonymat, qui se considère pourtant comme technophile.

Résultat, Michel Maya a entrepris de développer lui-même, avec l'aide du réseau CLER entre autres, un outil d'aide à la décision à destination des autres élus et baptisé « Orientation Tepos ». « Il doit leur permettre d'avoir une meilleure connaissance de leur commune et de faire des simulations », explique-t-il.

« On se sent orphelin vis-à-vis de l'Etat »

D'autres maires regrettent également un manque de communication. « J'attends de recevoir des directives de la préfecture. Mais, pour le moment c'est : pas de son, pas d'image », constate un élu d'une autre petite commune du Cantal. Le courrier, que la ministre de la Transition énergétique a adressé aux maires des 35.000 communes de France en juin dernier, « n'est pas suffisamment explicite », regrette, en outre, Michel Maya. « Doit on rendre un document numérique ou papier ? Doit-on se contenter d'entourer sur une carte le secteur qui nous semble le plus pertinent pour de l'éolien ou du photovoltaïque ? Doit-on évaluer la puissance qui pourrait être installée ? », s'interroge-t-il.

« La semaine dernière, à l'occasion du congrès organisé par le réseau de collectivités Amorce, lorsqu'il a été demandé quel délivrable était précisément attendu, la représentante du ministère de la Transition énergétique n'a pas su nous donner de réponse. Lorsqu'on est à deux mois de l'échéance, il y a de quoi s'inquiéter, poursuit-il. On se sent orphelin vis-à-vis de l'Etat ».

Inverser la tendance

Pour de nombreux élus, la définition de cette zone d'accélération est donc perçue comme une obligation supplémentaire, qui s'ajoute à leur agenda, alors qu'ils manquent déjà de temps. Pourtant, Michel Maya est convaincu qu'il est possible d'inverser cette tendance en mettant en avant toutes les opportunités que peuvent apporter le développement des énergies renouvelables aux communes rurales : une meilleure protection vis-à vis-des coûts de l'énergie, une indépendance par rapport aux énergies fossiles, mais aussi un accroissement des ressources financières communales via un meilleur fléchage de l'Ifer (une taxe prélevée au profit des collectivités territoriales), en cours de discussions, et un fonds de partage de la valeur.

Une vision à laquelle adhère Roland Caillaud, le président de l'association des maires ruraux de l'Indre, pour qui la transition énergétique est l'occasion de réindustrialiser son territoire, de faire revenir des services et de créer des emplois. En somme, d'écrire un nouveau récit, après la forte déprise agricole du département.

Le gouvernement parie beaucoup sur ce bouche à oreille et partage d'expérience. « Il n'y a pas mieux qu'un maire pour motiver un de ses collègues à passer à l'action », estime l'entourage d'Agnès Pannier-Runacher. Dans cette optique, le ministère a développé une sorte de forum d'entraide dédié. L'idée est aussi de développer des « blocs d'inspiration » et des « objets énergétiques clés en main pour mâcher le travail » des élus. Pas sûr que cela réponde aux attentes des maires ruraux qui, eux, réclament que les services de soutien de l'Etat soient significativement musclés.

Juliette Raynal

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 9
à écrit le 31/10/2023 à 12:57
Signaler
Bonjour, En Sarthe la puissance du vent sauf la vallée du loir est faible, mais nous avons 3 grosses rivières au début généralement regulier et un moulin à eau de la puissance d'une éolienne en gros tout les 5 km 300 kw mais bridées à 30. Ben la ...

à écrit le 25/10/2023 à 12:46
Signaler
"'Ils déplorent un manque de moyens humains, une communication insuffisante et des outils peu accessibles". Franchement, depuis le temps, peuvent-ils ignorer les effets secondaires d'une politique budgétaire gouvernementale irrationnelle - comme les ...

à écrit le 25/10/2023 à 12:17
Signaler
Derrière chaque dispositif d'énergie renouvelable il existe une puissante centrale pilotable, pour la Bretagne c'est une centrale à gaz de 450 MW

le 25/10/2023 à 13:46
Signaler
centrale a gaz qui ne fonctionne que quelques heures par an.......

le 25/10/2023 à 15:35
Signaler
La Bretagne est le seul exemple français…de plus vous oubliez les champs eolien maritime à 20 klms des côtes bretonnes en cours de réalisation.. c est drôle il n y a qu’ en France qu’on ces arguments partout ailleurs en Europe ça accélère .. ces m...

le 25/10/2023 à 15:35
Signaler
La Bretagne est le seul exemple français…de plus vous oubliez les champs eolien maritime à 20 klms des côtes bretonnes en cours de réalisation.. c est drôle il n y a qu’ en France qu’on ces arguments partout ailleurs en Europe ça accélère .. ces m...

le 25/10/2023 à 16:36
Signaler
Pour mémoire, durant ces derniers mois de juillet et aout nous avions une belle MTO un peu chaudasse et un anticyclone sur la tète donc l'énergie éolienne à l’arrêt, et ce n'est pas parce qu’une éolienne tourne qu'elle débite sur le réseau de mémoire...

à écrit le 25/10/2023 à 11:52
Signaler
Bref ! La conséquence d'un trop plein d'énergie c'est que l'on recherche à le dépenser ! Il est indispensable d'inverser le processus par moins de "machine" ! ;-)

à écrit le 25/10/2023 à 9:34
Signaler
la pollution vient en grande partie des LOISIRS DES GENS AISES MAIS LA PAS TOUCHE Un exemple en sarthe venez voir les circuits PERMANENTS auto ,karting , course de camions tracteurs moto etc etc aérodrome 4x4 etc nos ^politiques AVEC LA COMPL...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.