Énergies renouvelables : la filière veut gonfler les retombées financières à destination des communes

Dans le cadre des discussions du prochain projet de loi de finance, le Syndicat des énergies renouvelables (SER) veut pousser trois propositions pour renforcer les retombées financières à destination des communes accueillant les parcs éoliens et solaires. Un levier indispensable pour faciliter leur acceptation et atteindre les nouveaux objectifs de développement, selon Jules Nyssen, son président.
Juliette Raynal
(Crédits : Juliette Raynal pour La Tribune)

Multiplier par trois les capacités solaires installées d'ici 2030, par 3,5 les capacités des éoliennes en mer, par 1,5 celles des éoliennes terrestres et par plus de 3 les volumes de production de biogaz. Voici les nouveaux objectifs de travail sur lesquels planche le Secrétariat général à la planification écologique (SPGE), tandis que les annonces officielles ne seront dévoilées qu'à la fin du mois d'août, le discours du chef de l'Etat ayant déjà été décalé à deux reprises.

Dans un tableau de bord, rendu public en fin de semaine dernière, l'organe de planification placé sous l'autorité de la Première ministre Elisabeth Borne, indique vouloir porter la part globale des énergies renouvelables dans la production électrique de 27% en 2023 à 34% en 2030. Cette hausse doit permettre de contribuer au nouvel objectif climatique de l'Hexagone : diminuer de 55% ses émissions nettes de gaz à effet de serre (GES) à l'horizon 2030.

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Un objectif qui « n'est pas assez ambitieux » selon le Syndicat des énergies renouvelables (SER), qui considère que l'on peut porter à 42,5% la part d'électricité renouvelable dans la production électrique, et même viser 51% en 2035.

« Je précise que ces pourcentages s'appliquent à une production en forte hausse du fait de l'augmentation de la demande, notamment sur le plan industriel. Or, d'ici 2035, la production nucléaire va rester stable. Seules les énergies renouvelables pourront répondre à cette nouvelle demande », explique Jules Nyssen, le président du SER.

Des difficultés dans toutes les filières

Si le potentiel existe, de nombreux freins restent encore à lever pour débloquer les projets en développement, qui représentent une puissance identifiée par les gestionnaires du réseau (Enedis et RTE) de 27 gigawatts dans le solaire et l'éolien terrestre.

« Aujourd'hui, toutes les filières des énergies renouvelables restent difficiles à développer », constate le représentant de la filière. « Le problème, c'est leur image. Elles sont trop souvent perçues comme une nuisance sans que soit considérée leur utilité sociale [dans la lutte contre le changement climatique, ndlr] », poursuit-il.

Si la loi d'accélération des énergies renouvelables, promulguée le 10 mars dernier, a eu le mérite de mettre les énergies renouvelables au milieu de la table (c'est la première fois qu'un texte législatif est entièrement dédié à ces énergies), le débat parlementaire a été révélateur des très grandes crispations et contradictions de la société française sur le sujet.

Plus de retombées financières pour les communes

« En moyenne, l'état d'esprit des élus locaux est beaucoup plus positif que ce que le débat parlementaire a pu laisser paraître », rapporte toutefois Jules Nyssen. Le président du SER plaide ainsi pour un accroissement de leur accompagnement (ce sont aux communes de définir les zones d'accélération des énergies renouvelables) et un renforcement des dispositifs de redistributions locales, alors que les collectivités ont grandement souffert de la flambée des prix de l'énergie.

« Le projet de ristourne sur la facture des riverains d'infrastructures renouvelables a été vivement rejeté par les parlementaires et retiré du texte de loi. L'explication tient sans doute du fait que cela court-circuitait les élus », analyse Jules Nyssen. « Nous pensons qu'il faut passer par une intermédiation : les maires. Pour faciliter l'acceptation, il faut que la commune ait une retombée financière », insiste-t-il.

Dans cette optique, le SER veut soumettre trois propositions dans le cadre des discussions du projet de loi de finance (PLF). Le syndicat plaide ainsi pour que les communes perçoivent une part plus importante des recettes de l'IFER, une imposition forfaitaire dont doivent s'acquitter les entreprises développant des infrastructures au bénéfice des collectivités. Aujourd'hui, le fruit de cet impôt est réparti sur trois échelons : les départements, les intercommunalités et les communes, qui n'en touchent toutefois pas plus de 20%.

Un prix de l'électricité attractif

Deuxième proposition : que les communes ayant une infrastructure d'énergies renouvelables puissent bénéficier d'un droit de tirage pour leur alimentation en électrifié au tarif fixé dans le cadre de l'appel d'offres. De quoi les protéger de la volatilité des cours sur le marché de l'électricité et leur assurer une certaine visibilité.

La troisième piste vise, elle, à permettre aux communes de nouer plus facilement des contrats de fourniture d'électricité de long terme (ou PPA en anglais) auprès des producteurs d'énergies renouvelables. Objectif : que ces derniers assurent un prix du mégawattheure attractif et stable au lieu de payer un loyer à la commune.

« Il faut que les maires puissent dire : grâce à l'installation de ce parc éolien ou de ce parc solaire, nous avons pu financer une nouvelle salle des fêtes, un cinéma communautaire ou encore un terrain de sport. Cela permettrait de redonner du sens au bien commun », avance Jules Nyssen.

L'exemple texans

Un concept qui semble déjà faire ses preuves outre-Atlantique. Au Texas, devenu en quelques années l'eldorado des énergies renouvelables, les développeurs versent des taxes conséquentes aux comtés accueillants les parcs éoliens et solaires. À titre d'exemple, dans le cadre d'un projet éolien au sud de Dallas, Engie s'est engagé à verser 55 millions de dollars de recettes fiscales sur une période de 40 ans, dont 15 millions seront alloués aux deux comtés accueillants les parcs, tandis que le reste est directement fléché vers les écoles.

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Outre ces incitations financières, Jules Nyssen appelle à la création d'une « véritable administration déconcentrée de l'énergie » pour assurer le suivi des objectifs régionalisés de la PPE.  Aujourd'hui, chaque préfecture compte une personne déléguée aux énergies renouvelables, soit une centaine de personnes à l'échelle de la France. Mais cela reste insuffisant selon le représentant de la filière.

Le développement des « ZAD», la grande crainte des élus

Selon lui, « l'Agence nationale de la cohésion des territoires pourrait aussi jouer un vrai rôle d'accompagnement des communes en ingénierie », de même que les services de l'État dans leur fonction régalienne, car les élus locaux cherchent à obtenir « plus de sécurité publique » face au risque de développement « des zones à défendre [ou ZAD, ndlr] dans un contexte de radicalisation écologique ». « Tous ont cette crainte en tête à trois ans des nouvelles élections municipales », assure le représentant de la filière.

Un renforcement des effectifs sur le terrain est-il plausible ? Jules Nyssen veut y croire alors qu'Agnès Pannier-Runacher, la ministre de la Transition énergétique, aurait transmis une note en ce sens à l'Elysée. Réponse fin août avec le discours très attendu d'Emmanuel Macron.

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Développer, a minima, 2 gigawatts (GW) d'éoliennes terrestres par an

Dans son discours de Belfort de février 2022, le chef de l'Etat avait repoussé à 2050 l'objectif de développement des éoliennes terrestres initialement prévu pour 2028. Une sorte de moratoire qui ne dit pas son nom. Selon Jules Nyssen, cette trajectoire doit absolument être revue à la hausse. « Il faut, a minima, ajouter 2 GW de capacités supplémentaires d'éoliennes terrestres, c'est-à-dire respecter la trajectoire de la PPE actuelle, qui court jusqu'à 2028. Si on ne le fait pas et que l'électrification des usages et de l'industrie s'effectue au rythme attendu, on manquera d'électricité », prévient le président du SER. « Le solaire ne pourra pas compenser un trop faible développement de l'éolien terrestre. La référence, c'est un hectare pour un mégawatt de capacité solaire tandis qu'une éolienne, même petite comme en France, c'est 2 à 3 mégawatts avec une faible emprise au sol », souligne-t-il. Pour convaincre de leur utilité et briser l'idée qu'une éolienne est une nuisance, « un important travail de pédagogie » reste à faire, estime-t-il. Dans cette optique, le SER entend déployer une campagne de communication dès la rentrée.

Juliette Raynal

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Commentaires 2
à écrit le 25/07/2023 à 14:44
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Difficile de s'y retrouver quand le seul argument autorisé est celui du réchauffement climatique. La crise du gaz, l'inflation généralisée, l'électrification des transports et du chauffage, la propagande des opérateurs historiques associés aux fourni...

à écrit le 25/07/2023 à 13:48
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Des garanties intangibles pour les pseudos certitudes!!! Si mon gestionnaire de fortune - doté d'un mandat discrétionnaire - me dit qu'il va générer (assurément) un rendement de 15% annuel sur mon patrimoine, j'ai déjà des soupçons envers un schéma d...

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