Climat : à deux doigts d’être franchis, des points de basculement pourraient déclencher des catastrophes naturelles en cascade

L'humanité est face à plus de deux douzaines de points de basculement sur Terre qui, s'ils devaient être franchis, pourraient déclencher un effet domino de catastrophes en cascade, souvent irréversibles, ont averti des chercheurs mercredi. Une publication qui intervient alors que le mois de novembre a été le plus chaud de l'histoire.
La fonte des calottes glaciaires du Groenland pourrait faire augmenter le niveau des mers de deux mètres d'ici 2100.
La fonte des calottes glaciaires du Groenland pourrait faire augmenter le niveau des mers de deux mètres d'ici 2100. (Crédits : Bob Strong)

A l'heure où les débats font rage à la COP 28 de Dubaï pour trouver un compromis sur la sortie des énergies fossiles, de nombreuses études scientifiques viennent rappeler l'urgence climatique. Alors que le mois de novembre a connu une température record, que les émissions de CO2 ne cessent d'augmenter, que la hausse de 1,5°C (objectif à ne pas dépasser d'ici à la fin du siècle selon l'Accord de Paris d'ici) pourrait être atteint d'ici à sept ans, une étude de chercheurs, la plus complète jamais réalisée sur les conséquences d'un franchissement de points de basculement sur Terre, tire une nouvelle fois la sonnette d'alarme  sur « une menace sans ampleur pour l'humanité ».

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Les données scientifiques sont désormais « claires comme de l'eau de roche », estime Sarah Das, scientifique à la Woods Hole Oceanographic Institution (États-Unis) qui n'a pas participé à l'élaboration du rapport. « Les risques pour l'humanité de franchir les points de basculement sont terribles, et l'impact sur les vies humaines potentiellement horrible. »

Pour le Groenland, il est peut-être déjà trop tard

L'étude a identifié 26 points de basculement sur Terre qui, s'ils sont franchis, pourraient déclencher un effet domino de catastrophes en cascade, souvent irréversibles, ont averti des chercheurs. Ainsi, la fonte des calottes glaciaires de l'Antarctique occidental et du Groenland qui, si elle franchit un certain seuil, pourrait faire augmenter le niveau des mers de deux mètres d'ici à 2100, exposant près d'un demi-milliard de personnes à de fréquentes inondations côtières. « Le point de basculement est-il dépassé ou bien est-il encore possible d'inverser la tendance ? Personne n'en est tout à fait sûr », déclare Tim Lenton, spécialiste du système terrestre à l'université d'Exeter et auteur principal du rapport.

« Un système de gouvernance mondial inadapté pour faire face aux menaces à venir »

Les trois autres points de basculement les plus critiques sont la disparition des récifs coralliens tropicaux, la fonte du pergélisol et un courant océanique appelé gyre subpolaire de l'Atlantique Nord. Ce dernier fait partie de la « circulation méridienne de retournement atlantique » (AMOC), système complexe de courants océaniques qui permettent de réguler la chaleur entre les tropiques et l'hémisphère nord. Le nouveau rapport indique qu'il est plausible - bien que peu probable - que l'AMOC s'effondre au cours de ce siècle. Le risque d'effondrement de l'AMOC est comparable à la détection d'un élément susceptible de faire « tomber l'avion du ciel », estime Tim Lenton. Il pourrait entraîner une diminution considérable des précipitations dans de vastes régions, ce qui pourrait réduire de moitié la superficie mondiale où l'on peut cultiver du blé et du maïs. Pour Manjana Milkoreit, de l'université d'Oslo, coauteur de l'étude, « notre système de gouvernance mondiale est inadapté pour faire face aux menaces à venir et mettre en œuvre les solutions requises d'urgence ». Les auteurs réclament que les points de basculement soient inclus dans le bilan mondial débattu lors des négociations de la COP28, ainsi que dans les objectifs nationaux de lutte contre le changement climatique.

« Il n'y a pas que des mauvaises nouvelles »

Une fois qu'un seul de ces points de basculement sera franchi, la gestion des catastrophes qui pourraient en découler pourrait détourner l'attention des autres points critiques, créant ainsi un « cercle vicieux » contribuant à la faim, aux déplacements de population et aux conflits de masse, selon le rapport.

Mais il n'y a pas que des mauvaises nouvelles. Le rapport met également en évidence une série de points de basculement positifs, tels que les véhicules électriques, les énergies renouvelables et l'adoption d'un régime alimentaire à base de plantes, qui pourraient rapidement prendre de l'ampleur et faire basculer les choses dans l'autre sens. « Imaginez que vous vous appuyiez sur une chaise jusqu'au point d'équilibre où un petit coup de pouce peut faire une grande différence », ajoute Tim Lenton. « Vous pourriez vous retrouver sur le dos, par terre, ou, si vous avez de la chance, à la verticale ».

Novembre le plus chaud de l'histoire

Pour l'heure, les signaux négatifs se multiplient. Selon Copernicus, novembre 2023 est 1,75°C plus chaud que la moyenne d'un mois de novembre pour la période 1850-1900, qui correspond à l'ère préindustrielle. L'automne boréal (septembre à novembre dans l'hémisphère nord) est ainsi le plus chaud de l'histoire, avec 15,30°C, soit « une marge large » de 0,88°C au-dessus des moyennes.

« 2023 a maintenant six mois et deux saisons records. Ce mois de novembre extraordinaire, comprenant notamment deux jours avec des températures supérieures de 2 degrés à l'ère préindustrielle, signifie que 2023 est l'année la plus chaude jamais enregistrée dans l'histoire », a déclaré Samantha Burgess, cheffe adjointe du service changement climatique (C3S) de Copernicus, dans un communiqué.

Depuis janvier, la température moyenne est la plus chaude jamais mesurée sur les onze premiers mois de l'année : 1,46°C au-dessus de la moyenne du climat de la période 1850-1900, et 0,13°C au-dessus des onze premiers mois de 2016, l'année la plus chaude jusqu'à maintenant.

« Tant que les concentrations de gaz à effet de serre continueront d'augmenter, il ne faut pas s'attendre à des résultats différents de ceux observés cette année. La température continuera d'augmenter, de même que les effets des vagues de chaleur et des sécheresses », a averti Carlo Buontempo, directeur du C3S, cité dans le communiqué.

Le phénomène climatique cyclique El Nino, au-dessus du Pacifique, continue d'alimenter la hausse des températures en 2023 mais n'a, pour l'instant, pas encore atteint son apogée.

En novembre 2023, la température à la surface des océans est également la plus chaude pour cette période de l'année, 0,25°C plus élevée que lors du précédent pic en novembre 2015. Ce nouveau record de chaleur s'ajoute à ceux déjà battus chaque mois depuis avril.

L'étendue de la banquise de l'Arctique, au nord, enregistre son 8e minimum mensuel pour novembre, 4% en dessous des moyennes. Dans l'Antarctique, c'est un deuxième plus bas niveau pour un mois de novembre qui a été enregistré, 9% en dessous de la moyenne, indique Copernicus.

La sécheresse s'est poursuivie le mois dernier sur plusieurs régions des Etats-Unis, de l'Asie centrale et de l'est, et est particulièrement prononcée en Amérique du Sud. En revanche, l'Europe a été plus arrosée, dans le sillage de la tempête Ciaran qui a provoqué d'importantes précipitations.

((Avec AFP)

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Commentaires 20
à écrit le 07/12/2023 à 9:15
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Lévi-Strauss avait prédit ds les années 50 que si l'humanité dépassait les 3 milliards d'habitants la Terre serait en danger et les populations en souffrance, aucune décision politique sur cette explosion démographique responsable en grande partie de...

à écrit le 06/12/2023 à 18:21
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"Mais il n'y a pas que des mauvaises nouvelles. Le rapport met également en évidence une série de points de basculement positifs, tels que les véhicules électriques" Ah, c'est donc ça le but ,nous vendre des bagnoles électriques ,fallait le dire ....

à écrit le 06/12/2023 à 14:02
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Il faut arrêter de financer ces organisations mondiale qui font leurs beurres sur les catastrophes et la peur. En France , on a des organisations nationale , des universitaires de très bon niveau, des experts et des indépendants qui peuvent nous le...

à écrit le 06/12/2023 à 13:58
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Cela fait des décennies que les scientifiques de toutes nationalités alertent sur les risques de réchauffement du climat. Au fil des années les modèles s'affinent et les prévisions commencent à se matérialiser sous nos yeux : reculs des glaciers, de ...

à écrit le 06/12/2023 à 13:58
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Cela fait des décennies que les scientifiques de toutes nationalités alertent sur les risques de réchauffement du climat. Au fil des années les modèles s'affinent et les prévisions commencent à se matérialiser sous nos yeux : reculs des glaciers, de ...

à écrit le 06/12/2023 à 12:32
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Incroyable,chaque jour apporte son article plus catastrophique que le précédent et moins que le prochain. Tout cela est d'un risible.

à écrit le 06/12/2023 à 12:30
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Incroyable,chaque jour apporte son article plus catastrophique que le précédent et moins que le prochain. Tout cela est d'un risible.

à écrit le 06/12/2023 à 11:29
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Il faut arrêter de tromper les gens et leur fichent la trouille en leur disant constamment « c’est le plus chaud de l’histoire » !! En fait, l’histoire des enregistrements de températures de façon systématique ne date que des années 50 du XXeme siècl...

à écrit le 06/12/2023 à 11:20
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Le trafic du canal de Panama va être réduit du fait qu'il manque d'eau dans les bassins qui alimentent les écluses ce qui va avoir des conséquences sur le commerce mondial .Signe parmi d'autres des conséquences du changement climatique sur la vie éco...

à écrit le 06/12/2023 à 10:20
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Rendez-vous en 2030, pour constater que comme pour les prévisions catastrophistes d'il y a 5 ans, 10 ans, 15 ans, 20 ans, etc. celle-ci sera contredite par la réalité. Mais cela n'empêchera pas d'en faire de nouvelles, tout aussi catastrophistes. Ce...

le 06/12/2023 à 11:11
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Un bon franchouillard têtu … vous devez habiter en ville dans un appartement et dans votre bulle pour ne pas constater qu autour de vous tout change . Je vis en Seine et Marne depuis 45 ans et mon jardin et la forêt qui m’ entourent sont les témoin...

à écrit le 06/12/2023 à 10:07
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Bref : on a peur que le ciel nous tombe sur la tête. C'est très scientifique. Et il ne manque plus que la version religieuse : pêcheurs, repentez-vous ! car la Fin du Monde est proche !

à écrit le 06/12/2023 à 9:59
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Pour la énième fois je vous répète le scénario engagé est guerres, pandemies, famines, catastrophes naturelles, manque d’eau etc Tout le reste est du pi

à écrit le 06/12/2023 à 9:55
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En 1972, commandé par le Club de Rome, le rapport des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) au titre révélateur était pourtant clair: "The Limits to Growth". Tout comme le constat: la croissance économique ne pouvait se poursuivre...

à écrit le 06/12/2023 à 9:11
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"Le plus chaud jamais enregistré dans l'histoire": c'est un raccourci tendancieux. Car ce dans l'histoire n'est que depuis qu'il y a des mesures, c'est-à-dire à peine 2 siècles. Avant il y a eu nombre de périodes chaudes et froides successives, avec ...

à écrit le 06/12/2023 à 9:10
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"Novembre le plus chaud de l'histoire" Récente donc "pour la période 1850-1900" ,regardons un peu avant : C’est en 1303, au Moyen Âge, que la France a connu la sécheresse la plus importante du millénaire. “En Alsace, on voyait les raisins mûrs...

à écrit le 06/12/2023 à 8:51
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Malthus s’était trompé il y a 2 siècles. En fait non, il avait 2 siècles d’avance, le progrès technologiques n’ont fait que reporter l’addition, mais en la rendant encore plus salée.

à écrit le 06/12/2023 à 8:44
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La conclusion est qu'il faut se préparer individuellement à ce futur climatique. Certains choix seront essentiels pour une vie la plus supportable.

à écrit le 06/12/2023 à 8:35
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C'est grace au progrès ! J'ai toujours trouvé ce mot absurde etymologiquement... car progresser c'est seulement avancer sur un chemin... dont on ne connait pas l'aboutissement. Sauf que là on sait ! depuis plus d'un demi siècle on s'en doutait deja...

à écrit le 06/12/2023 à 8:18
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Notre classe dirigeante s'en tape cela ne la concernera jamais, et ils sont prêts à tous nos sacrifices pour continuer de se faire du blé. Tout va bien les amis, le "moins pire des systèmes" s'occupe de nous ! LOL !

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