Le spectre des coupures d'électricité qui a plané l'hiver dernier en France a marqué les esprits. Effrayé à l'idée qu'un tel scénario se répète, le gouvernement envisage de réduire la puissance électrique de certains ménages si le courant venait un jour à manquer, de manière à alléger la pression sur le réseau. Dans un projet de décret, il prévoit de mener un premier test grandeur nature consistant à plafonner la consommation d'électricité de quelque 200 000 Français équipés d'un compteur Linky pour une durée maximale de quatre heures. « L'idée, c'est que certains clients puissent être forcés de consommer un peu moins, plutôt que de devoir éteindre complètement la lumière à un endroit », précise un fournisseur d'énergie ayant requis l'anonymat.
Mais cette limitation imposée des usages suscite des interrogations. À la demande d'associations de consommateurs, de syndicats et de représentants de fournisseurs, le texte a ainsi été soumis à consultation ce vendredi. Le but : discuter des points qui fâchent, avant son examen lors d'un prochain Conseil supérieur de l'énergie (CSE), le 26 octobre. « On nous l'avait déjà présenté en CSE en septembre, mais, à la suite de longs débats, il n'avait pas été voté », précise-t-on à l'Union française de l'électricité (UFE), présente lors des rendez-vous.
Selon nos informations, plusieurs questions ont été soulevées. Sur la manière, d'abord, d'informer les clients concernés, alors que le projet de décret mentionne simplement qu'ils seront notifiés « par voie postale». Par ailleurs, certains membres du CSE ont demandé que soit introduite la possibilité, pour une personne sélectionnée, de refuser de participer à l'expérience. Le sujet de l'indemnisation a également été mis sur la table. Enfin a été abordée la manière de communiquer sur le mécanisme auprès du grand public, pour éviter les polémiques sur ce dossier très sensible.
Controversé mais nécessaire
Et pour cause, l'exécutif marche sur des œufs. Car lors du fameux test, les 200 000 ménages devraient se contenter d'un « seuil de puissance minimal permettant de faire fonctionner les équipements courants peu énergivores ».
S'il suscite des controverses, le dispositif n'en reste pas moins nécessaire, assume le ministère de la Transition énergétique.
« Il ne serait activé que si tous les autres leviers étaient insuffisants pour éviter un écroulement du réseau électrique. [...] On parle de cas de figure extrêmes, qui ne se sont jusqu'à présent jamais produits, même l'hiver dernier », souligne un porte-parole. « Ce serait moins radical que l'hypothèse de devoir organiser des coupures tournantes et programmées ! » défend une autre source proche du dossier, soulignant que le « risque zéro » d'un déficit d'électricité « n'existe pas ».
D'ailleurs, les clients identifiés comme patients à haut risque vital ne pourraient pas être concernés par l'expérimentation, précise le projet de décret. « L'hiver dernier, on reprochait au gouvernement son manque de préparation; là, au moins, il s'organise », abonde-t-on à l'UFE. Même l'association professionnelle des fournisseurs alternatifs d'électricité et de gaz (Anode), initialement frileuse, se dit désormais « plutôt d'accord sur le fond », tout en demandant des garanties « sur la forme ».
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