EPR de Penly : la course au logement, cet autre défi du « plus grand chantier d’Europe »

C'est l'autre challenge en béton armé du futur chantier des deux EPR de Penly en Seine-Maritime. Si EDF et ses sous-traitants veulent attirer les milliers de salariés dont ils auront besoin, ils devront pouvoir leur promettre un toit. A défaut, les bras risquent de manquer.
Près de 10.000 salariés sont attendus au pic de la construction des deux EPR sur la centrale de Penly, proche de Dieppe dont une large part de non résidents.
Près de 10.000 salariés sont attendus au pic de la construction des deux EPR sur la centrale de Penly, proche de Dieppe dont une large part de "non résidents". (Crédits : Reuters)

La preuve d'amour est tombée le jour de la Saint-Valentin. Comme Dunkerque, Marseille ou Bordeaux, les quatre communautés de communes qui encerclent la centrale nucléaire de Penly en Seine-Maritime ont été sélectionnées parmi les 22 « territoires engagés pour le logement » que le gouvernement jure de chouchouter. A la clé notamment, la promesse « de subventions exceptionnelles » et d'un assouplissement des procédures sur le modèle mis en place pour le village olympique.

Un soulagement pour les élus locaux. « A l'échelle de nos 4 EPCI, ce sont plus de 3.640 logements dont la réalisation pourrait être facilitée par le dispositif », s'est réjoui le maire-président (PC) de l'agglomération de Dieppe dans un communiqué publié le jour même.

Si Nicolas Langlois applaudit, c'est qu'il s'attend, lui aussi, à devoir aller chercher les logements avec les dents, pour reprendre la formule de Gabriel Attal. En cause, l'énorme appel d'air immobilier que va susciter la construction des deux EPR de Penly.

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Pas de toit, pas de bras

Qu'on en juge. S'il est lancé ce qui ne fait guère de doute, « le plus grand chantier d'Europe » - ainsi que le qualifie EDF - va mobiliser quelque 2.000 personnes dès l'an prochain et jusqu'à 10.000 à son pic quatre ans plus tard. Combien seront des natifs ou des résidents déjà logés sur place ? Mystère.

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La question à laquelle personne n'a la réponse à ce stade, ne relève pourtant pas du détail. Si sur le chantier de l'EPR de Flamanville, la moitié des effectifs provenait de localités proches, il pourrait en être autrement pour les deux suivants, comme le reconnaît le sous-préfet Dominique Lepetit qui coordonne les opérations pour le compte de l'Etat.

« La différence, c'est qu'à l'époque le taux de chômage avoisinait 11% autour de Flamanville alors qu'il est de 7% autour de Penly ».

Autrement dit, à moins de siphonner les salariés des PME industrielles du pays de Caux, l'énergéticien et ses sous-traitants risquent de devoir faire appel à davantage de ressources extérieures... à qui il faudra bien fournir un toit. Et de préférence confortable, met en garde le maire de Dieppe.

« Si on veut tourner la page des nomades du nucléaire et attirer les jeunes générations, on doit les accueillir correctement. C'est pourquoi la façon dont on va les loger est clé. Il faut que nous soyons exemplaires ».

Message reçu chez EDF. Ce dernier affirme avoir tiré les leçons du retour d'expérience de Flamanville. Plus question, par exemple, de contraindre des salariés « déplacés » à effectuer deux heures de route pour rejoindre leur lieu de travail, comme c'était le cas dans la Manche. Pas question non plus de traiter la question des infrastructures, au pied du mur.

« A Flamanville, l'Opération grand chantier a été lancée un an après le démarrage des travaux. A Penly, elle l'a été trois ans avant. Cela fait une grosse différence », souligne Alban Verbecke, délégué régional d'EDF et directeur de la coordination du projet.

5.000 logements à trouver

Cette fois, l'énergéticien a chiffré les besoins immobiliers très en amont pour éviter d'être pris de court. Ceux-ci sont évalués à 4.000 logements provisoires et à un millier pour ceux voués à être occupés de façon pérenne. Le tout dans un rayon de trente kilomètres autour de la centrale. « Quand on parle de provisoire, il ne faut pas entendre des cabanes ou des tentes. Ce seront des logements très qualitatifs avec un niveau d'isolation conforme à la réglementation », jure le délégué d'EDF.

Elus, préfecture et maître d'ouvrage veulent en effet privilégier la construction de logements « en dur » réversibles. Objectif : éviter l'effet « terre brûlée » qui suit souvent les grands chantiers, une fois les maçons et électriciens repartis. « Les constructions doivent être conçues de façon à ce qu'elles puissent connaître une deuxième vie pour des touristes ou des familles, à l'image de ce qui s'est fait pour le village olympique », explique Dominique Lepetit.

« Le but est d'éviter que les logements ne deviennent vacants quand les travaux seront terminés », indique le délégué d'EDF en écho.

Occupés à mobiliser promoteurs et bailleurs sociaux, les intéressés tablent aussi sur l'initiative privée pour combler les trous dans la raquette. La préfecture nous signale que des particuliers entreprennent déjà d'acheter des maisons « pour les transformer en appartements ». Ailleurs, ce sont des résidences hôtelières qui songent à pousser les murs. Le quotidien Les informations dieppoises rapporte, lui, avoir vu une brasserie du pays de Caux acquérir un terrain tout proche de son établissement pour construire du logement locatif.

L'heure tourne

Reste que le temps est compté. Pour mémoire, 700 salariés sont attendus sur le site de la centrale, dès le début de l'été 2024. Et localement, certains semblent douter de la capacité du territoire à leur fournir un toit à temps. « Cela fait trois mois que j'attends une autorisation d'extension pour installer des mobil-homes et rien n'avance », ronchonne un gérant de camping, qui préfère rester anonyme. A l'hôtel de Ville de Dieppe, on pointe aussi le taux de vacance quasiment nul du logement social (0,6%) et la pression exercée par Airbnb et consorts qui laissent peu de marges de manœuvres, à court terme.

Du côté des services de l'Etat, on se veut toutefois rassurant. « Nos administrations font en sorte de lever les points bloquants, les uns après les autres », assure Dominique Lepetit. Il n'en demeure pas moins que les procédures sont longues et le Zéro artificialisation nette - le fameux ZAN - contraignant. De quoi susciter un peu d'appréhension dans les rangs d'EDF « Les élus sont très moteurs, constate Alban Verbecke. Est-ce que cela va aussi vite que ce que l'on souhaite ? Pas forcément, en raison des réglementations, notamment en matière d'urbanisme ». Façon de dire qu'à Penly le « choc d'offres » promis par Matignon est attendu avec une certaine impatience.

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Commentaires 3
à écrit le 16/02/2024 à 9:37
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C'était un communiqué du lobby du BTP. On aimerait bien un lobby des artisans du BTP afin qu'ils se mettent à rénover au lieu de laisser détruire et construire du pas terrible et vraiment moche. Ou bien celui des architectes afin de faire des maisons...

le 16/02/2024 à 16:48
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vu le prix du foncier, on construit moche et de mauvaise qualité afin que ca reste payable par ceux qui vont acheter. Il faut quand meme pas rever, les prix ne doivent pas baisser afin que nos boomers puisse partir en croisiere

le 17/02/2024 à 9:13
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La France a été enlaidie par toutes ces constructions abominables sachant qu'en plus d'être responsables de cet enlaidissement général ils le sont de notre patrimoine immobilier qui se détériore chaque année un peu plus. C'est honteux.

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