Nucléaire  : EDF sommé par l'ASN de lancer un plan pour lutter contre les fraudes

L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a demandé mardi à EDF de mettre en place un « plan d'action » pour lutter contre les risques de « fraudes » dans la filière nucléaire dans un contexte de relance de l'atome.
En 2023, 43 situations de fraudes, contrefaçons ou irrégularités ont été signalées à l'ASN, soit dans la moyenne des années précédentes
En 2023, 43 situations de fraudes, contrefaçons ou irrégularités ont été signalées à l'ASN, soit dans la moyenne des années précédentes (Crédits : Unsplash licence - Lukáš Lehotský)

Le danger est pris très au sérieux par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Ce mardi, le gendarme du nucléaire a demandé à EDF de mettre en place un « plan d'action » pour lutter contre les risques de « fraudes » dans la filière nucléaire. Une annonce qui est intervient au lendemain d'une audition du PDG d'EDF, Luc Rémont au cours de laquelle l'ASN l'avait interrogé sur les actions que son entreprise « comptait mettre en œuvre pour renforcer la lutte contre la fraude dans la chaîne de sous-traitance et d'approvisionnement, pour ses réacteurs en exploitation et ceux en construction ou en projet ».

Le gendarme du nucléaire avait demandé à cette occasion à l'énergéticien de « formaliser dans les meilleurs délais un plan d'action pour traiter les causes profondes pouvant mener un intervenant ou une organisation à frauder ». L'ASN a également réclamé à EDF de « formaliser sa stratégie pour traiter les cas déjà détectés ».

43 situations de fraudes, contrefaçons ou irrégularités signalées

En 2023, 43 situations de fraudes, contrefaçons ou irrégularités ont été signalées à l'ASN, soit dans la moyenne des années précédentes. Trois d'entre elles pour les cas de « fraudes avérées » ont donné lieu l'an dernier à un signalement auprès du procureur de la République.

C'est ce qu'avait aussi indiqué, lors de ses vœux à la presse le 30 janvier, le président de l'ASN Bernard Doroszczuk, qui avait alors fait part de sa crainte de voir ce risque se développer : « Nous sommes dans un contexte où les projets vont considérablement augmenter, ça va mettre la filière nucléaire en tension avec une fourniture (de composants, de matériels) de plus en plus grande, avec des plannings qui peuvent être en tension eux-mêmes avec la volonté de faire vite. »

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L'ASN a cité par exemple « des résultats d'essais qui sont modifiés pour pouvoir être déclarés conformes ». D'autres cas portaient sur la fourniture de cartes électroniques. Au moment de faire des tests, les exploitants ont constaté que les composants n'étaient pas conformes aux spécifications qui avaient été requises à l'achat. Ces préoccupations s'inscrivent dans le cadre de la relance du nucléaire. EDF va devoir construire jusqu'à 14 nouveaux réacteurs de type EPR2 en France. L'État souhaite également développer des petits réacteurs (dits « SMR »), avec pour objectif notamment de décarboner les sites industriels.

Vers le vote d'une loi qui protège tout démembrement d'EDF

Par ailleurs, un accord se dessinait mardi entre le gouvernement et les députés PS sur un texte visant à protéger EDF d'un démembrement. La proposition de loi défendue par Philippe Brun (PS) doit être examinée pour la troisième fois dans l'hémicycle de l'Assemblée jeudi. Elle a déjà été adoptée quatre fois contre l'avis du gouvernement à la chambre basse comme au Sénat. Son objet initial était de sanctuariser dans la loi la détention d'EDF par l'Etat à 100%, déjà effective, pour prévenir un éventuel démembrement à l'avenir. Mais le texte propose aussi l'extension au 1er février 2025 des Tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVE) aux TPE, aux artisans, aux petits agriculteurs et aux petites communes.

Il ouvre aussi une part d'actionnariat salarié, obligeant EDF à ouvrir au minimum 2% de son capital, contre l'avis de Bercy et d'une partie du camp présidentiel, qui invoquent un risque de ralentissement des délais de prises de décisions stratégiques. Cette dernière mesure cristallise les tensions entre Philippe Brun et le gouvernement, mais ce dernier « a trouvé un accord avec les rapporteurs », souligne-t-on à Bercy.

S'il n'était pas modifié jeudi, le texte n'aurait besoin que d'un dernier vote pour être définitivement adopté, mais un accord avec le gouvernement pourrait faciliter la prise de décrets d'application, voire permettre d'éviter une saisine par l'exécutif du Conseil constitutionnel, alors que le camp présidentiel a estimé à plusieurs reprises que l'article sur les tarifs réglementés pourrait être censuré comme cavalier législatif - sans lien suffisant avec le texte initial.

Le site de la Hague (Orano) va bénéficier « d'investissements importants »

Le site Orano de retraitement de déchets nucléaires de La Hague, dans la Manche, « fera l'objet d'investissements importants », a annoncé mardi l'Elysée au lendemain d'un conseil de politique nucléaire présidé par Emmanuel Macron. Ce conseil, le troisième du genre après ceux de janvier et juillet 2023, « a confirmé les grandes orientations de la politique française sur l'aval du cycle (du combustible nucléaire) combinant le retraitement, la réutilisation des combustibles usagés et la fermeture du cycle », a indiqué la présidence. « Dans cette perspective, le site de La Hague fera l'objet d'investissements importants », a-t-elle ajouté sans fournir de calendrier ni de montants.

L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) s'était inquiétée par le passé de la « saturation prévisible à horizon 2030 » des piscines d'entreposage des combustibles usés sur ce site du groupe français Orano. Face à ce risque de saturation, EDF porte un projet de nouvelle piscine sur place et une concertation est en cours. Orano s'est félicité mardi soir de ces annonces qui « confirment les grandes orientations de la politique française sur l'aval du cycle du combustible nucléaire » et « confortent l'importance de la stratégie industrielle de traitement et de recyclage des combustibles nucléaires usés en France ». En particulier, Orano note que la filière du retraitement permet de traiter chaque année « plus de 1.000 tonnes de combustibles en provenance des centrales et de valoriser les matières énergétiquement réutilisables ».

(Avec AFP)

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Commentaires 5
à écrit le 28/02/2024 à 10:12
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Il me semble que dans les années 75 une administration particulière avait été mise en place pour la réalisation du plan Messmer.. A l'époque c'était des ingénieurs..

à écrit le 28/02/2024 à 9:41
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Le dire c'est bien le faire c'est mieux.

à écrit le 28/02/2024 à 8:15
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Enfin de bonnes nouvelles quelle évolution de la part des socialistes qui voulaient lors de la coalition avec les écolos fermer le nucléaire. Bien il faudra encore que Bercy donne son aval, le prix du MW/h.entre autres Que l'entreprise ne puiss...

le 28/02/2024 à 10:04
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On en reparlera dans quelques mois et ou années quand vous aurez votre facture d'électricité en mains ! Le prix de l'électricité qui sera produite par l'EPR de Flamanville avait été initialement fixé à 120€/MW (depuis et outre le retard de plus de 12...

à écrit le 28/02/2024 à 7:44
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Autrefois, on disait de l'écriture qu'elle était la "science des ânes". Aujourd'hui, elle est remplacée par la "démarche qualité" : la forme remplace le fond par principe de précaution usurpé...

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