Polluants éternels : un collectif assigne en justice l'État néerlandais pour « négligence grave »

Onze organisations ont annoncé avoir intenté une action en justice contre l'État néerlandais en raison des effets nocifs des PFAS aux Pays-Bas. Ces molécules de synthèse, surnommées « polluants éternels » et utilisées notamment dans des textiles, poêles antiadhésives et cosmétiques, sont pointées du doigt depuis des années, accusées d'être néfastes pour la santé et l'environnement.
Les « polluants éternels » sont utilisés dans les textiles imperméables, les poêles antiadhésives (Téflon), des détergents, des cosmétiques et bien d'autres objets.
Les « polluants éternels » sont utilisés dans les textiles imperméables, les poêles antiadhésives (Téflon), des détergents, des cosmétiques et bien d'autres objets. (Crédits : Groupe SEB)

Le gouvernement néerlandais va devoir rendre des comptes à ses habitants au sujet des PFAS (les substances « per- et polyfluoroalkylées »). Pour rappel, ces molécules de synthèse, surnommées « polluants éternels », sont utilisées dans les textiles imperméables, les poêles antiadhésives (Téflon), des détergents, des cosmétiques et bien d'autres objets. Elles ont été développées après-guerre pour conférer aux emballages, peintures et revêtements une résistance exceptionnelle à l'eau ou à la chaleur. Une qualité devenue une menace puisque ces substances, quasi-indestructibles et s'accumulant aussi bien dans l'air que le sol, les eaux des rivières, la nourriture et jusqu'au corps humain, peuvent se révéler toxiques.

C'est justement en raison de leurs conséquences néfastes que onze organisations ont intenté une action en justice contre l'État néerlandais.

« Les groupes d'intérêt se sont unis pour demander des comptes à l'État pour sa négligence grave dans son devoir de diligence visant à protéger les citoyens néerlandais, les animaux et l'environnement contre les effets nocifs de la pollution par les PFAS », a indiqué le cabinet d'avocats Knoops' advocaten, dans un communiqué ce jeudi 25 avril.

Pour les avocats, le gouvernement néerlandais est « conscient depuis un certain temps des conséquences graves de l'exposition aux PFAS pour la santé (publique) et l'environnement », mais « ne prend pas de mesures suffisantes pour limiter et prévenir les dommages causés » par ces substances. Le collectif demande notamment que l'État soit reconnu responsable de la pollution par les PFAS et qu'il mène une enquête sanitaire nationale, a rapporté la télévision publique NOS.

L'État néerlandais dispose d'un délai de trois mois pour satisfaire à toutes les exigences, a précisé la NOS, sans quoi le procès aura bien lieu. Il s'ouvrirait alors le 7 août devant le tribunal de La Haye, a indiqué le cabinet d'avocats.

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Les poursuites se multiplient partout dans le monde

Ce n'est pas la première fois que les polluants éternels font l'objet d'une action en justice aux Pays-Bas. En octobre dernier, le parquet a ouvert une enquête après un recours collectif intenté par 2.400 personnes contre le géant américain de la chimie Dupont et sa filiale Chemours, sur une pollution par PFAS qui aurait eu lieu jusqu'en 2012. Les autorités ont prévenu que l'enquête serait « très complexe, tant sur le plan factuel que juridique », et qu'elle durerait au moins un an.

Plus globalement, les plaintes relatives aux effets de ces polluants éternels se sont multipliées dans le monde ces dernières années. Et plusieurs accords ont été conclus pour solder les poursuites. L'un d'ailleurs par Dupont et Chemours, aux côtés d'un autre groupe chimique américain, Corteva. Ils ont acté, en juin 2023, un accord de près de 1,2 milliard de dollars afin d'éviter des poursuites pour la contamination de l'eau potable par des PFAS à travers les États-Unis. Outre-Atlantique également, le groupe américain 3M a accepté, en juin 2023 aussi, de verser jusqu'à 12,5 milliards de dollars entre 2024 et 2036 dans le cadre des poursuites engagées aux États-Unis par plusieurs réseaux publics de distribution d'eau potable. Et précédemment, en juillet 2022, il avait conclu un accord avec les autorités régionales de Flandre, en Belgique, prévoyant 571 millions d'euros pour assainir les sols et contrôler une éventuelle pollution de l'air autour de son usine de Zwijndrecht, dans le nord du pays.

Autre exemple en Australie : le gouvernement a réglé à l'amiable - pour un montant resté confidentiel -une action collective en mai 2023, intentée après l'utilisation présumée sur plusieurs bases militaires de PFAS qui auraient contaminé les sols et les eaux souterraines.

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Prudence de mise

Les effets des PFAS restent néanmoins, encore aujourd'hui, difficiles à mesurer. C'est pourquoi les scientifiques appellent à jouer la carte de la prudence. « Un organisme sauvage n'est jamais exposé à un seul PFAS, mais à un cocktail de PFAS et aussi de micropolluants », explique Pierre Labadie, chercheur au CNRS. En attendant de connaître les effets cumulés, il invite donc à prendre toutes les précautions sans attendre sur l'exposition à ces polluants.

Une chose est en revanche déjà sûre : de multiples études ont établi la diffusion massive des PFAS, via le transport des molécules dans l'air, l'eau et à travers la chaîne alimentaire. « Aucun écosystème n'échappe aux contaminations », assure Yann Aminot, chercheur à l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer). La prise de conscience de cette dissémination date de 2001, quand une étude américaine a fait la synthèse des recherches menées autour des Grands Lacs d'Amérique du Nord, en mer Baltique et en mer Méditerranée. Résultat, de le pygargue à tête blanche à l'ours polaire en passant par l'albatros et diverses espèces de phoques, tous étaient contaminés.

Les États serrent la vis

Le sujet des PFAS a récemment beaucoup fait parler en France puisqu'une proposition de loi visant à les interdire dans de nombreux usages a été adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale début avril. L'article principal de ce texte, qui sera examiné au Sénat à la fin du mois de mai, prévoit d'interdire à partir du 1er janvier 2026 la fabrication, l'importation et la vente de tout produit cosmétique, produit de fart (pour les skis) ou produit textile d'habillement contenant des substances per- et polyfluoroalkylées, à l'exception des vêtements de protection pour les professionnels de la sécurité et de la sécurité civile. L'ensemble des textiles seront concernés par l'interdiction à compter du 1er janvier 2030. Les députés ont par contre sorti du périmètre de la proposition de loi les ustensiles de cuisine, les industriels ayant sonné l'alarme sur les menaces pour l'emploi que ferait peser une interdiction.

Ce mercredi, le Parlement européen a adopté mercredi une loi visant à réduire les déchets des emballages dans l'Union européenne. Elle bannit également l'usage des PFAS dans les emballages en contact avec de la nourriture.

Outre-Atlantique, les autorités américaines ont annoncé en fin de semaine dernière classer deux « polluants éternels » (les PFOA et PFOS) comme produits dangereux, pour faire en sorte que les pollueurs soient financièrement responsables de leur décontamination. En outre, mi-avril, les autorités américaines avaient pour la première fois annoncé instaurer des seuils limites dans l'eau courante pour les PFAS, afin de réduire leur exposition.

(Avec AFP)

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Commentaires 3
à écrit le 27/04/2024 à 6:01
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En France, la Métrpole de Lyon va en justice pour demander répraration (ou pour le moins paiement de la dépollution) à Arkema. Cela devrait aider à protéger les citoyens car les collectivités ne peuvent pas rapidement payer seules la dépollution de l...

à écrit le 25/04/2024 à 23:43
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Ben Faudrait aussi le faire contre l état français qui a couvert nestle et ses matières fécales , pesticides et autres dans ses bouteilles depuis 2 ans..comme par hasard les classe a t’il s ne sont pas autorisées en Europe et surtout en France C...

à écrit le 25/04/2024 à 19:33
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Une excellente initiative comme il y en a trop peu. Nous sommes en 2024 et non en 2000, les informations concernant toutes ces multiples pollutions se sont étoffées et multipliées, les preuves se sont accumulées, comme nos dirigeants politiques sont ...

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