Pollution : les eaux européennes massivement contaminées par un produit chimique dérivé des PFAS, dénoncent des associations

Les eaux européennes sont massivement contaminées par un produit chimique très persistant, l'acide trifluoroacétique (TFA), selon des associations. Ce dernier, qui sert à la production de PFAS (les « polluants éternels ») ou est issu de leur dégradation, n'est pas spécifiquement réglementé actuellement, au grand dam des ONG qui appellent les gouvernements à prendre des mesures pour les réduire.
Les concentrations en TFAS sont importantes dans des cours d'eau comme la Seine en France (photo d'illustration).
Les concentrations en TFAS sont importantes dans des cours d'eau comme la Seine en France (photo d'illustration). (Crédits : Philippe DAPVRIL/Région Hauts-de-France)

Un nouveau rapport pointe la forte présence d'un produit chimique très persistant dans les eaux européennes : l'acide trifluoroacétique (TFA). Les TFA peuvent être issus de la dégradation de pesticides PFAS, les fameux « polluants éternels », utilisés en agriculture pour leur stabilité, mais aussi de certains gaz réfrigérants ou de rejets de l'industrie de fabrication des PFAS, largement utilisées, par exemple pour le revêtement anti-adhésif des poêles, des mousses anti-incendie ou des cosmétiques.

Le Réseau européen d'action sur les pesticides (PAN Europe) et ses membres, dont Générations Futures en France, ont ainsi analysé 23 échantillons d'eau de surface et six échantillons d'eau souterraine provenant de dix pays de l'UE à la recherche de ce produit.

Il s'agit de « la plus grande contamination connue de l'eau à l'échelle européenne par un produit chimique fabriqué par l'homme », écrivent les associations dans leur rapport publié ce lundi 27 mai. « L'ampleur de la contamination est alarmante et appelle une action décisive ».

Dans le détail, l'analyse, menée par le Centre technologique de l'eau de Karlsruhe, en Allemagne, a porté sur 23 échantillons d'eau de surface et six échantillons d'eau souterraine provenant de dix pays de l'UE. Les résultats montrent la présence de TFA « dans tous les échantillons d'eau », avec des concentrations allant de 370 nanogrammes par litre (ng/l) à 3.300 ng/l, sachant que la limite proposée par la directive européenne sur l'eau potable pour l'ensemble des PFAS - qui n'a pas été transcrite dans le droit français - est fixée à 500 ng/l. « 79% des échantillons présentaient des niveaux de TFA supérieurs » à cette limite, note même le rapport. Les concentrations en TFAS sont importantes dans des cours d'eau comme l'Elbe en Allemagne, la Seine, l'Oise et la Somme en France ou la Mehaigne en Belgique.

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Un produit non-réglementé

Reste que le TFA n'est pas spécifiquement réglementé actuellement. Il est en effet classé comme « non pertinent » par les autorités européennes et échappe donc au seuil (100 ng/litre) limite pour certains pesticides et produits issus de leur dégradation dans les eaux souterraines.

Un choix que regrettent les associations, pointant sa persistance dans l'environnement, l'impossibilité de s'en débarrasser avec les procédés de traitement de l'eau potable habituels et un « profil toxicologique (qui) laisse encore de nombreuses questions sans réponse ». À cet égard, elles citent une étude ayant conclu à « des malformations oculaires » chez des lapins « ayant reçu du TFA », mais sans conclusion à ce stade sur l'homme.

« La pollution augmentera de jour en jour si des mesures décisives ne sont pas prises pour réduire les apports de TFA, en premier lieu par une interdiction rapide des pesticides PFAS et des gaz fluorés », pointe le rapport.

En février dernier déjà, l'association Générations Futures a alerté sur des « concentrations exceptionnellement élevées » d'acide trifluoroacétique (TFA) et d'acide triflique notamment dans l'eau près d'une usine chimique dans le Gard, tout en reconnaissant que l'établissement, qui appartient au groupe Solvay était « dans les clous » des autorisations de rejets.

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Des polluants dans le viseur des autorités

Ce que craignent les associations et ONG, c'est l'impact du TFA, et plus globalement des PFAS, sur la santé humaine et l'environnement. Leurs effets sont aujourd'hui encore difficiles à mesurer, mais une chose est sûre : ils sont partout. Ces molécules de synthèse ont été développées lors de l'après-guerre pour conférer aux emballages, peintures et revêtements une résistance exceptionnelle à l'eau ou à la chaleur. Une qualité devenue une menace puisque ces substances sont quasi-indestructibles et s'accumulent, avec le temps, dans l'air, le sol, les eaux des rivières, la nourriture et jusqu'au corps humain.

De multiples études ont établi la diffusion massive des PFAS, via le transport des molécules dans l'air, l'eau et à travers la chaîne alimentaire. « Aucun écosystème n'échappe aux contaminations », assure Yann Aminot, chercheur à l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer). Si bien qu'en attendant de connaître leur impact, de nombreux scientifiques appellent à prendre des précautions.

Justement en France, une proposition de loi écologiste vise à interdire les substances PFAS dans de nombreux usages à partir du 1er janvier 2026. Concrètement, serait prohibées la fabrication, l'importation et la vente de tout produit cosmétique, produit de fart (pour les skis) ou produit textile d'habillement en contenant, à l'exception des vêtements de protection pour les professionnels de la sécurité et de la sécurité civile. Adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale début avril, la proposition de loi l'a aussi été la semaine dernière en commission du Sénat, avec quelques modifications. Parmi elles : l'introduction de l'obligation pour le gouvernement de se doter d'un « plan d'action » sur le financement de la dépollution des eaux de consommation humaine, à destination des collectivités territoriales. L'examen de ce texte est prévu pour ce jeudi 30 mai dans l'hémicycle, lors de la « niche » parlementaire du groupe écologiste.

Un travail sur les PFAS est par ailleurs « en cours » au niveau européen. Mais les résultats ne devraient pas être connus avant au moins un an.

(Avec AFP)

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Commentaires 2
à écrit le 28/05/2024 à 0:57
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Sûrement un nouveau record Bruxellois cela sent le Guinness !

à écrit le 27/05/2024 à 18:45
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Mais non voyons vous vous inquiétez pour rien ! J'ai encore lu un article hier qui disait que s'il y avait plus de cancers chez les moins de 50 ans c'est à cause des gens évidemment ! Ils fument trop, ils boivent trop, ils mangent trop... ^^

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