TotalEnergies échappe aux poursuites pour complicité de crimes de guerre russes en Ukraine

La justice française a déclaré irrecevable une plainte de deux associations visant TotalEnergies pour complicité de crimes de guerre russes en Ukraine. Les raisons de ce rejet sont purement procédurales, mettant néanmoins un terme à cette procédure.
La justice a estimé que les deux associations ne respectent pas les cinq années d'ancienneté nécessaires et n'ont pas l'objet social approprié pour ester en justice dans ce type de dossiers.
La justice a estimé que les deux associations ne respectent pas les cinq années d'ancienneté nécessaires et n'ont pas l'objet social approprié pour ester en justice dans ce type de dossiers. (Crédits : Sarah Meyssonnier)

TotalEnergies échappe, au moins temporairement, aux poursuites en France dans le cadre d'une affaire pour complicité de crimes de guerre russes en Ukraine. Le doyen des juges d'instruction du pôle crimes contre l'humanité du tribunal judiciaire de Paris a déclaré irrecevables les deux ONG plaignantes, la Bordelaise Darwin Climax Coalition et l'ukrainienne Razom We Stand. L'ordonnance rendue à ce sujet date du 19 octobre, mais l'AFP en a eu connaissance seulement ce mercredi 10 avril.

Les raisons de ce rejet sont en fait procédurales. Le doyen a estimé que les deux associations ne respectent pas les cinq années d'ancienneté nécessaires et n'ont pas l'objet social approprié pour ester en justice dans ce type de dossiers. Ce qu'ont déploré leurs avocats. « La vision très restrictive donnée à l'intérêt à agir fait obstacle à la poursuite d'investigations sur un sujet majeur », ont commenté Mes William Bourdon et Vincent Brengarth auprès de l'AFP.

« Elle entrave l'action de la société civile alors que des éléments convergents avaient été réunis accréditant la complicité de Total. Cette entrave est d'autant plus contestable que l'invasion en Ukraine se poursuit au mépris total du droit international », ont-ils ajouté.

De son côté, le géant des énergies se réjouit de ce rejet. « Si elle se confirme, TotalEnergies prend acte de cette décision (...) », a indiqué un porte-parole ce mercredi, informé par l'AFP de cette ordonnance d'irrecevabilité. Le groupe y voit une confirmation de sa position selon laquelle « ces accusations graves étaient dénuées de tout fondement tant en droit qu'en fait ».

Si les avocats des ONG n'ont pas saisi la cour d'appel d'un recours contre cette ordonnance, ils ont indiqué explorer d'autres voies de recours.

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Accusé d'alimenter les avions russes

La plainte déposée par les deux associations faisait suite aux révélations publiées par Le Monde en août 2022. Selon le quotidien, se basant sur plusieurs documents et une enquête de l'ONG Global Witness, TotalEnergies a continué à exploiter un gisement dans le nord de la Russie (le champ gazier de Termokarstovoye) après le début de la guerre en Ukraine. Le groupe détenait, jusqu'à septembre 2022, 49% de la coentreprise Terneftegaz, qui exploite ce gisement, les 51% restants étant détenus par Novatek, numéro 2 du gaz russe, dont TotalEnergies est actionnaire à hauteur de 19,4%.

D'après l'article, ce champ a fourni du condensat de gaz à une raffinerie qui en a fait du carburant ensuite expédié pour alimenter les avions russes engagés dans le conflit en Ukraine, au moins jusqu'en juillet. Le géant français de l'énergie avait assuré à l'époque qu'il ne produisait « pas de kérosène pour l'armée russe », puis précisé ultérieurement avoir trouvé un accord en juillet pour céder ses 49% dans Terneftegaz à Novatek, vente finalisée en septembre.

La plainte avait été classée sans suite par le Parquet national antiterroriste (Pnat) en janvier 2023 pour infraction insuffisamment caractérisée, « après une analyse approfondie tant juridique que factuelle de l'ensemble des éléments transmis par les plaignants et, d'initiative, par TotalEnergies ». Le Pnat avait alors assuré n'avoir « jamais hésité à ouvrir des enquêtes visant des personnes morales lorsqu'il existait des éléments suffisants ».

Les deux associations avaient ensuite formé un recours auprès du procureur général de la cour d'appel de Paris, lui aussi écarté « après étude du dossier », en février 2023. « Le refus de la justice d'enquêter ne s'explique pas au vu du faisceau très lourd d'indices dont nous disposons et du caractère très détaillé de la plainte », avaient alors déploré les avocats des deux ONG. D'où cette plainte avec constitution de partie civile, qui n'aura finalement pas abouti.

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TotalEnergies toujours actif en Russie

TotalEnergies était avant le conflit en Ukraine l'un des groupes français les plus exposés en Russie en matière d'énergie. Il avait annoncé dès fin avril 2022 un « début de repli », et quatre mois plus tard la suspension progressive de ses activités en Russie pour « celles qui ne contribuent pas à l'approvisionnement énergétique du continent » européen. Au total, sur l'année 2022, TotalEnergies a déprécié pour 15 milliards de dollars (13,8 milliards d'euros) d'actifs russes.

Le groupe est néanmoins toujours lié aujourd'hui à un contrat d'approvisionnement en gaz liquéfié (GNL) adossé au champ gazier de Yamal LNG en Sibérie, absent des sanctions européennes contre Moscou. Devant les députés français, le PDG du groupe, Patrick Pouyanné, a indiqué fin 2022 maintenir ce contrat « pour le bien-être des populations européennes, pour assurer la sécurité d'approvisionnement de l'Europe ».

TotalEnergies est par ailleurs, depuis 2019, sous le coup de plusieurs procédures judiciaires lancées par des ONG sur des sujets climatiques, environnementaux et sociaux.

(Avec AFP)

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Commentaire 1
à écrit le 10/04/2024 à 23:15
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Et les américains, ont ils été poursuivit pour leurs nombreux crimes de guerre ? (très nombreux)

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