Décarbonation de l’industrie : la startup parisienne Jimmy s’implante au Creusot

Le montant de l'investissement restera gravé dans les annales de la Saône-et-Loire : 100 millions d’euros dédiés à l’Espace Coriolis, une zone industrielle devant la gare de Creusot-TGV. Il va être utilisé par Jimmy, la startup basée en Île-de-France, qui conçoit des générateurs thermiques nucléaires pour fournir de la chaleur décarbonée et compétitive aux sites industriels.
Vue de la future plateforme industrielle de Jimmy au Creusot (Saône-et-Loire)
Vue de la future plateforme industrielle de Jimmy au Creusot (Saône-et-Loire) (Crédits : BGA & Dingreville arch.)

20 % des émissions de gaz à effet de serre. C'est ce que génère aujourd'hui l'industrie française, selon le ministère de l'Économie. Le Président de la République avait fixé le 8 novembre 2022, un objectif de division par deux des émissions industrielles françaises au cours de la prochaine décennie. Pour y parvenir, ce dernier avait promis des moyens sans précédent en faveur de la décarbonation de l'industrie. Avec une subvention record de 32 millions d'euros, dans le cadre du plan France 2030, la startup Jimmy a reçu un soutien massif de l'Etat.

Une potion à base d'uranium et de graphite

« Notre but est de faire un générateur simple, sûr et rentable, afin de permettre aux industriels de se décarboner massivement », explique Antoine Guyot, cofondateur de Jimmy. Jusqu'à présent, pour produire de la chaleur, les industriels n'avaient guère d'alternatives aux énergies fossiles. L'hydrogène, l'électricité ou la capture de carbone sont des solutions trop coûteuses. Quant à la biomasse, c'est une solution qui peut fonctionner un temps, mais elle reste limitée. Dès 2020, Jimmy s'est donc positionnée sur ce créneau en proposant une alternative composée de générateurs thermiques basée sur la fission nucléaire. Les fondateurs Antoine Guyot et Mathilde Grivet ont eu l'idée d'utiliser ce phénomène - qui permet aux centrales nucléaires de produire de l'électricité et de la chaleur - à moindre échelle, et en changeant quelques ingrédients à la fameuse potion. « Dans nos chaudrons, nous gardons l'uranium - qui a un prix très faible au mégawattheure - mais au lieu d'ajouter de l'eau comme dans les centrales nucléaires, nous mettons du graphite », précise Antoine Guyot. Le graphite est l'un des allotropes naturels du carbone. « Cela permet de faire des réacteurs plus chauds, mais moins puissants », poursuit-il.

Un statut d'opérateur nucléaire

En cas d'accident, ces petits générateurs thermiques sont sans risque pour les populations car la formule chimique utilisée est intrinsèquement différente. Toutefois, ces derniers répondent aux mêmes exigences juridiques que les centrales nucléaires. Jimmy est accompagné depuis deux ans par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) par son statut d'opérateur nucléaire. Les industriels qui souhaiteraient installer cette solution n'auront donc pas un centime à verser puisque Jimmy s'inscrit en tant que fournisseur de chaleur. « Nous nous occupons de toute l'ingénierie financière et de l'administratif qui est extrêmement surveillé », précise Antoine Guyot. « L'industriel ne paye que ses consommations énergétiques chaque mois », poursuit-il.

Le marché est enfin prêt

Concrètement, la solution inventée par Jimmy, réside dans un bâtiment de la taille d'un immeuble de quatre étages, qui contient un petit réacteur nucléaire de 20 mégawatts, installé à côté de l'entreprise, à la place des brûleurs à gaz. Les fondateurs de la startup ne sont pourtant pas les seuls à avoir imaginé un tel procédé. « Nous avons retrouvé des archives qui indiquaient qu'une solution similaire avait été développée en Allemagne dans les années 80 », reconnaît le PDG de Jimmy. Toutefois, à l'époque, le prix du gaz trop faible et la maturité écologique pas assez suffisante pour que la solution fonctionne. Aujourd'hui, c'est le bon moment ! « Les industriels sont en attente de solutions de décarbonation », poursuit-il.

L'implantation au Creusot, un choix stratégique

La future plateforme industrielle située au Creusot permettra le déploiement progressif et massif de la solution. Celle-ci sera le lieu de l'assemblage des pièces pour ces générateurs thermiques, et notamment du chaudron. En s'installant au Creusot, les fondateurs de Jimmy espèrent bénéficier de l'écosystème et du savoir-faire français nucléaire, historiquement implanté dans la région, avec notamment Framatome. Son emplacement géographique a également pesé dans la balance. « L'objectif de ce site est d'avoir une production de plus en plus en série pour alimenter les différents sites industriels français et européens », souligne Antoine Guyot. Jimmy installera sur 125.000 m2 : un atelier de stockage et d'assemblage, qui sera mis en service en 2025 (150 emplois) ; un atelier d'assemblage, pour l'insertion du combustible dans les cuves, qui sera mis en service en 2026 (15 emplois) et enfin, un atelier de préparation du combustible, qui sera fonctionnel en 2028 (100 emplois). En attendant la construction de la plateforme, une partie de la production sera réalisée chez un fournisseur étranger.

Une première livraison à horizon 2026

Cette croissance rapide s'explique par deux facteurs : la réglementation déjà en place pour le statut d'opérateur nucléaire et par l'accessibilité de toutes les pièces qui composent les générateurs thermiques. « Nous avons pris des éléments qui sont déjà disponibles sur l'étagère. Ce qui nous permet de passer directement à l'étape de la production en série », confie Antoine Guyot. D'où l'annonce d'une première livraison en 2026 pour un client du secteur de l'agroalimentaire.

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Commentaire 1
à écrit le 08/03/2024 à 9:00
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Faut arrêter les superlatifs pour quelques millions, : "subvention record, gravé dans les annales soutien massif"....... On jette des milliards par les fenêtres depuis 40 ans. Pour rappel l'arnaque au carbone, à permis à des vendeurs de babouche...

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