Exposition : l’indicible lien entre Courbet et Delacroix

Le musée d’Ornans expose une soixantaine d’œuvres du maître du romantisme et révèle un dialogue inédit entre ces deux peintres majeurs.
Valérie Abrial
« Delacroix s’invite chez Courbet », au musée départemental Gustave-Courbet, à Ornans (Doubs), jusqu’au 4 février. musee-courbet.fr
« Delacroix s’invite chez Courbet », au musée départemental Gustave-Courbet, à Ornans (Doubs), jusqu’au 4 février. musee-courbet.fr (Crédits : © Tony Querrec/RMN-GP (musée du Louvre))

Les amoureux de Gustave Courbet (1819-1877) connaissent bien Ornans. Ils aiment y venir et marcher dans ses pas. Dans son histoire, dans ses tableaux aussi. Car c'est ici que le peintre du réalisme est né et qu'il a passé une grande partie de son temps. C'est ici, dans cette petite bourgade du Doubs, qu'il a peint grand nombre de ses paysages, magnifiés par son génie artistique. Le musée qui porte aujourd'hui son nom est sa maison natale. Mais n'y cherchez pas l'intimité d'une histoire passée ou les traces d'un quotidien familial ; le lieu, totalement réaménagé avec des allures modernistes, a pour principal objectif de valoriser les œuvres du maître. Et c'est une fierté pour les Ornanais. Alors quand le musée ouvre ses portes à Eugène Delacroix (1798-1863), maître de la peinture romantique, de vingt ans l'aîné de Courbet, on cherche à comprendre s'il y a confrontation de deux génies, inspiration réciproque ou tout simplement respect entre deux artistes.

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Il faut avant tout rappeler que si « Delacroix s'invite chez Courbet » - titre de l'exposition -, c'est parce que le musée-atelier parisien qui porte le nom du premier est en travaux. L'occasion rêvée de faire voyager une soixantaine de peintures, photographies, esquisses, et même si les œuvres présentées ne sont pas des pièces maîtresses, c'est un privilège de pouvoir les contempler dans la vallée de la Loue, bien loin de la capitale.

Mais pourquoi à Ornans ? Pourquoi cette rencontre, ou plutôt ce face-à-face, puisque les deux icônes, l'une du romantisme et l'autre du réalisme, sont présentées dans des espaces distincts et ne se retrouvent finalement pas exposées ensemble ? Parce qu'il est délicat de construire un dialogue entre ces deux-là... Et c'est sans doute ici que la magie opère, au moment où, en découvrant un Delacroix intime, on décèle un Courbet méconnu. D'une salle à l'autre, on devine ce qui les unit. Voilà deux artistes majeurs qui ne cessent de se contourner, de s'observer, souvent avec dédain. Le plus jeune, Courbet, reconnaît une référence essentielle dans « le vieux lion romantique » ; mais il garde ce sentiment secret. Delacroix, quant à lui, n'est pas tendre ; il écrit dans son journal le 18 avril 1853 à propos de la toile Les Baigneuses peinte par son cadet : « J'ai été étonné de la vigueur, de la saillie de son principal tableau, mais quel tableau ! Quel sujet ! La vulgarité des formes ne ferait rien ; c'est la vulgarité et l'inutilité de la pensée qui est abominable. » Les mots sont durs. Pourtant, Delacroix continue de s'intéresser au travail de Courbet. Ce dernier, même s'il ne le reconnaît pas, reste influencé par son aîné, tant par l'atmosphère scénique que par la grandeur des toiles.

Lorsque deux de ses œuvres lui sont refusées à l'Exposition universelle de 1855, voilà ce qu'il écrit à l'un de ses collectionneurs : « Ils ont déclaré qu'il fallait à tout prix arrêter mes tendances en art qui étaient désastreuses pour l'art français. » Les œuvres en question sont Un enterrement à Ornans et L'Atelier du peintre, qu'Alfred Bruyas, le collectionneur en question, présentera finalement dans une exposition particulière. Delacroix s'y rendra, et voici ce qu'il notera dans son journal : « J'y reste seul près d'une heure et je découvre un chef-d'œuvre [...]. On a refusé là un des ouvrages les plus singuliers de ce temps. » Complexe et indicible, tel restera le lien qui unit Courbet et Delacroix.

Valérie Abrial

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