Laetitia Casta joue les mères esseulées et rêve de Shakespeare

ENTRETIEN - Face à un Roschdy Zem idéal, Laetitia Casta est Antonietta, la femme qui éclôt dans « Une journée particulière », d’après le film d’Ettore Scola.
Laetitia Casta, unique, parvient à imposer en douceur une personnalité très forte.
Laetitia Casta, unique, parvient à imposer en douceur une personnalité très forte. (Crédits : © Simon Gosselin)

Ses yeux clairs dans le grand soleil de décembre, son visage finement architecturé, sa beauté rayonnante - qui rappelle quelques-uns des plus délicats portraits peints de l'Antiquité grecque, crétoise, romaine, quelques-unes des plus séduisantes femmes de Méditerranée, avec leur teint diaphane et leur silhouette de naïade - impose en douceur une personnalité très forte. Laetitia Casta est unique. Son destin fut d'être remarquée pour son charme d'adolescente photogénique, elle est devenue une artiste profonde et remarquable.

LA TRIBUNE DIMANCHE - Comment s'est monté le projet de reprendre Une journée particulière, dans une mise en scène de Lilo Baur ?

LAETITIA CASTA - Deux femmes très investies dans le monde du spectacle vivant, théâtre comme opéra, ont monté ce projet. Claire Béjanin et Valérie Six appartiennent plutôt au monde des institutions publiques, mais elles ont eu le désir de redonner vie à une pièce qui a déjà été présentée en France, cette adaptation très touchante du film d'Ettore Scola qu'est Une journée particulière dans la version d'Huguette Hatem*. Elles ont pensé à Roschdy Zem et à moi, et elles ont pensé à Lilo Baur pour nous diriger...

Comment s'est déroulé le travail ?

Lilo Baur nous avait recommandé de ne surtout pas revoir le film, que Roschdy et moi connaissions bien sûr. Mais je n'ai pas résisté.

D'abord parce que je me souvenais de la forte présence des archives filmées, et j'avais besoin de me plonger dans l'époque, dans la précision des événements de ce mois de mai 1938 à Rome. Ensuite parce que ces deux comédiens formidables que sont Sophia Loren et Marcello Mastroianni, et ce chef-d'œuvre d'histoire et de film, méritent qu'on les célèbre, sans les imiter mais en analysant leurs incarnations. Roschdy, lui aussi - il l'a dit -, a revu le film.

Vous êtes-vous sentis embarrassés par les mises en scène précédentes de la pièce en France ?

Non. Pas du tout. Nous ne les avions pas vues, et on ne se poserait pas la question s'il s'agissait d'un grand classique très reconnu. Bien sûr, on a une pensée pour les interprètes qui nous ont précédés : Nicole Courcel, Françoise Fabian et, dans le rôle de Gabriele, Jacques Weber, qui m'a fait débuter au théâtre...

Parfois, la nuit, des rêves m'éclairent. L'inconscient travaille beaucoup lorsque je joue

Laetitia Casta

Comment travaille Lilo Baur ?

Elle a procédé par improvisations. Beaucoup d'improvisations. Elle avait besoin de nous connaître, de nous comprendre. Elle avait besoin de cette phase. Elle avait une vision très précise des personnages, mais j'ai compris pourquoi elle voulait que l'on ne soit pas ligotés par le film : elle voulait quelque chose de joyeux. Malgré tout. Un beau jour, je lui ai demandé quand, enfin, on en viendrait au texte... Sa méthode a été très fertile. Elle a beaucoup d'audace, beaucoup de vie. Elle vient de la danse et, pour elle, il faut passer d'abord par le corps, pas par l'intellect.

Comment voyez-vous Antonietta ?

Comme une femme qui se délivre. Une femme qui a de la tenue : elle tient bien sa maison, elle élève avec soin et amour ses enfants. Il n'y a pas de résignation en elle, mais une vitalité dans le quotidien, un désir de bien faire qui apparaît notamment dans ses manières de s'exprimer. Elles évoluent au cours de la pièce. Huguette Hatem, qui a traduit le texte, a été très attentive à ces transformations. Le texte est le cœur battant d'un spectacle. Je ne cesse de m'interroger. Parfois, la nuit, des rêves m'éclairent. L'inconscient travaille beaucoup lorsque je joue. Antonietta est délicate et le battement d'aile de l'oiseau la conduit à un battement de cœur, imprévu, inattendu, mais qu'elle accueille, comme Gabriele l'accueille, elle. À la fin, on la laisse lisant Les Trois Mousquetaires, le livre qu'il lui a offert, comme un passage vers une autre vie.

De personnage en personnage, votre parcours théâtral vous a-t-il donné un peu d'assurance ?

Certainement. Pas seulement le théâtre, d'ailleurs. Longtemps, il a fallu que je me justifie, que je défende ma légitimité. Ça a un peu changé, mais il est rare qu'on ne me rappelle pas mon statut de top-modèle, qu'on ne m'interroge pas sur mes enfants, même s'il s'agit de parler d'un rôle, au cinéma comme au théâtre. C'est ainsi. Mais lorsque j'ai débuté sur scène, en 2004, grâce à Jacques Weber, dans Ondine de Jean Giraudoux, j'étais très désireuse de jouer cette pièce et rien n'aurait pu me décourager. Il m'a offert une master class ! Ensuite, tout m'a intéressée : Elle t'attend de Florian Zeller, qui mettait lui-même en scène sa pièce, expérience très intéressante, comme Ingmar Bergman, bien sûr, sous la direction de Safy Nebbou avec Raphaël Personnaz. Ces Scènes de la vie conjugale m'ont fait aussi mûrir, comme Clara Haskil de Serge Kribus, toujours avec Safy Nebbou.

Quels sont les films à venir, vos projets ?

Un des films que j'ai tournés va sortir bientôt : Le bonheur est pour demain, de Brigitte Sy, avec Béatrice Dalle, Damien Bonnard, entre autres. Je suis une femme qui tombe amoureuse d'un malfrat. Dans Una storia nera, de l'Italien Leonardo D'Agostini, « une sombre histoire » en français, je suis une épouse qui tue son mari pour échapper à un féminicide. Dans les projets, il y a un film de Peter Webber avec Niels Schneider, Le Radeau de la Méduse, et un autre sous la direction de Vanessa Filho, qui s'inspire d'un couple de femmes, artistes dans la guerre, résistantes, Lucy Schwob et Suzanne Malherbe, connues sous les noms de Claude Cahun et Marcel Moore. Je vais jouer avec Vanessa Paradis et j'en suis très heureuse. Le film s'intitule Les Trépassées. Autre projet, avec Marc Dugain pour Les Poisons et une partenaire très talentueuse, Laure Calamy. Enfin, pour moi, un film en costumes ! J'ai porté les vêtements d'autrefois dans Les Âmes fortes, dans L'Incroyable Histoire du facteur Cheval, mais il s'agissait des paysannes. Avec Les Poisons, ce sera de la grande histoire !

Avez-vous des rêves, au théâtre ?

Des rêves, oui. Ainsi j'adorerais jouer Catharina dans La Mégère apprivoisée de Shakespeare. J'aimerais aussi un jour aborder une tragédie antique ou classique. Médée, Phèdre...

* Éditions de L'Avant-Scène, 14 euros.

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