« Je ne lâche pas Simone Veil » (Elsa Zylberstein, comédienne)

ENTRETIEN - Depuis qu’elle a joué le rôle de Simone Veil dans « Simone - Le voyage du siècle », le film d’Olivier Dahan, l’actrice se sent une responsabilité que la flambée mondiale de l'antisémitisme post-7 octobre n’a fait que renforcer.
Elsa Zylberstein, comédienne
Elsa Zylberstein, comédienne (Crédits : @VÉRONIQUE VIAL)

Depuis qu'elle a joué le rôle de Simone Veil dans Simone - Le voyage du siècle, le film d'Olivier Dahan, l'actrice se sent une responsabilité que la flambée mondiale de l'antisémitisme post-7 octobre n'a fait que renforcer.

LA TRIBUNE DIMANCHE- Vous avez inscrit Simone - Le voyage du siècle aux Oscars 2024. Est-ce pour passer un message politique ?

ELSA ZYLBERSTEIN- Ma réponse, c'est l'art. Je ne suis pas une femme politique. Aujourd'hui, je me sens responsable de diffuser le message de force et d'espoir que porte le destin de cette femme incroyable et iconique. Le monde est fou, la haine se déchaîne. Si je veux emmener ce film loin, c'est pour que le plus de gens sachent que l'on peut revenir de l'enfer sans pour autant perdre la foi dans l'humanité. Le film est inscrit, non pas en compétition pour la France, mais dans la catégorie « general entrance ». Je me sens investie de la responsabilité de montrer un modèle de résilience d'une femme qui s'est battue contre toutes les injustices et qui a été plus forte que tout. Ça ne peut que donner de la force, de voir la puissance inouïe avec laquelle elle a traversé la vie ! C'est un film important, il n'y a pas beaucoup de films comme ça ; ce n'est pas un film qu'il faut lâcher, je ne lâche pas Simone Veil. Je me sens fière et honorée d'avoir fait ce film sur elle, de m'être mise dans sa peau ; je l'admire et je me dis qu'elle manque aujourd'hui et je trouve ça important dans cette époque d'aller porter sa parole ailleurs, surtout aux États-Unis, où elle n'est pas connue. Le film y est sorti en août ; en octobre et en novembre, j'ai passé beaucoup de temps là-bas, j'ai réussi à obtenir en décembre une projection en lien avec le Holocaust Museum. Et bientôt il y aura une projection à l'ONU. À Washington - où l'ambassadeur m'a invitée trois jours - comme à San Francisco ou à San Diego, c'est à chaque fois pareil : les salles sont bouleversées.

Il y a cela dans notre film : une femme qui a une foi absolue dans l'homme. Ça, c'est une leçon pour nous tous

Ne faudrait-il pas aller montrer le film à Harvard, à Penn et au MIT ?

Oh oui ! Il est terrifiant de voir que même sur les plus grands campus du monde il y a de l'ignorance et de la bêtise. On peut y répondre avec l'art.

N'est-ce pas un peu idéaliste ?

Je suis dans l'art. Quand on est dans l'art, on est toujours dans un idéalisme... J'ai foi en l'humanité. Comme Simone Veil. Elle détestait le film Le Chagrin et la Pitié. Alors qu'elle revenait de l'enfer, elle disait : « Il n'y a pas que des salauds, il y a eu des gens formidables. » Il y a cela dans notre film : une femme qui a une foi absolue dans l'homme. Ça, c'est une leçon pour nous tous. Quand j'ai commencé à me plonger dans sa vie, je me suis demandé comment on pouvait croire encore en l'humanité après avoir touché du doigt le monstrueux au début de sa vie. Je l'ai rencontrée en novembre 2007 à Paris quand je lui ai remis le prix Scopus de l'université hébraïque de Jérusalem. Un grand dîner était donné en son honneur ; elle m'a accueillie à sa table - table autour de laquelle se trouvait aussi... Rachida Dati.

Le 7 octobre, vous avez partagé l'aquarelle devenue virale de Joann Sfar, ce « Haï » que le dessinateur a posté sur Instagram avec ce message : « Cela veut dire "nous vivrons" ». S'accrocher à l'art, est-ce une façon de le faire vôtre, ce « Haï » ?

Il ne faut pas se focaliser uniquement sur les horreurs des gens ignorants et haineux. C'est quand on les fixe avec des mots que les choses existent. On est dans un moment de crise, c'est certain. Le monde se replie dans les communautarismes, les peurs et les hystéries. Je ne pensais pas que j'irais un jour à une marche contre l'antisémitisme. J'y suis allée avec mon père, il avait les larmes aux yeux. Mon papa est un enfant caché ; quand je lui demande « es-tu étonné ? », il répond : « Il n'y avait qu'à gratter un peu, ce n'est jamais bien loin, c'est toujours là. » Moi, face à cela, ce que j'ai envie de faire, c'est d'essayer d'éveiller les consciences avec des films. Des films engagés, puissants, qui donnent espoir. Le fait que le film ait fait 2 millions et demi d'entrées en France au moment de sa sortie à l'automne 2022, ça m'a donné des ailes. La jeune génération est réceptive à ce film, des jeunes filles qui ne connaissaient pas l'histoire de Simone Veil s'en sont emparées ; des jeunes garçons aussi. Quand j'ai développé ce film - parce que c'est moi qui en ai eu l'idée, moi qui suis allée chercher les producteurs et le réalisateur -, je ne pensais pas que ça aurait cet écho-là. Je n'imaginais pas que les résonances avec le temps présent - sur l'antisémitisme bien sûr, mais aussi sur l'avortement - seraient aussi hallucinantes. Ce n'est plus du tout un film d'époque. Il y a un retour en arrière épouvantable en ce moment. C'est une raison supplémentaire pour ne pas lâcher Simone.

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