Joey Starr : « Je suis encore dans une phase de construction »

ENTRETIEN - Il est de retour en prof dans « Le Remplaçant » sur TF1, à partir du 27 mai. Rencontre avec un grand pudique, très attentif à ses enfants et à leur éducation.
À Paris, en avril.
À Paris, en avril. (Crédits : LTD / CYRILLE GEORGE JERUSALMI POUR LA TRIBUNE DIMANCHE)

Ce n'est pas en Benz Benz Benz mais en trottinette nette nette - électrique - qu'il débarque au Hoxton, son QG dans le quartier du Sentier, ou il n'a même plus besoin de commander. « Comme d'habitude, Didier ? » Allez hop, une pression. Pour moi aussi, une pression, mais celle de se retrouver face à l'animal. Dans quel mood sera-t-il ? Sambar ou jaguar ? Docteur Didier ou mystère JoeyStarr ? On me dit qu'il est plutôt joyeux. Comprenez par là qu'il se laisse photographier sans broncher et qu'il s'est même lâché en retirant ses lunettes teintées. Malgré son franc-parler, ses phrases à base de « popopopop » ponctuées de « tac tac », Didier Morville a du mal à regarder dans les yeux. D'où ses lunettes, pour ne pas trop se dévoiler. Pour masquer sa grande timidité.

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LA TRIBUNE DIMANCHE - Didier, vous ne faites pas si peur...

JOEY STARR - Ah ouais ? Je n'ai jamais su recevoir les compliments. Mais je vous crois. Et si j'avais senti que c'était de la flagornerie, je serais parti direct !

Comme dans la série du même nom, vous avez déjà eu l'impression d'avoir un statut de « remplaçant » ?

Ça peut arriver. Il y a cette espèce d'ambiguïté où, parfois, on vient chercher Joey Starr et puis c'est Didier Morville qui le remplace. Mais je m'en fous, j'ai toujours joué sur ces deux personnalités. En revanche, je préfère que les mères de mes enfants m'appellent Didier.

Dans la série, votre personnage de prof lit La Condition humaine. Que vous inspire l'humain ?

C'est un sentiment partagé, celui d'être vivant tout en ressentant de la colère. J'essaie d'être optimiste mais je me demande tous les jours pourquoi on fait des enfants. J'en ai trois, soit la triple peine. Je me dois de les accompagner toute leur vie, mais ce n'est pas une contrainte car je suis un vrai papa poule. On a beau agir de la manière la plus raisonnable possible, notre société nous ramène constamment au pire. On espère qu'ils pourront vivre dans l'insouciance, s'épanouir par eux-mêmes, mais malheureusement ce temps-là est révolu. Sérieux, j'ai vraiment peur pour leur avenir même si j'ai la chance que mes deux derniers, 9 et 16 ans, tiennent la route à l'école. Quant à mon aîné, Matisse, il vient de rejoindre la réserve de Reims en National 3 en tant que gardien de but. Fierté !

Vous êtes soulagé de ne pas avoir de fille ?

Peu importe. Je suis un chef de tribu, je travaille pour eux avec l'espoir de leur apporter une lecture du monde différente. Sans éducation, un enfant ne peut avoir accès à la culture, il fait des conneries. On est en train de commémorer le génocide du Rwanda, il y a trente ans. Maintenant c'est la guerre israélo- palestinienne. Et on nous dit même que se moucher dans un Kleenex est dangereux car il contient du glyphosate. Sérieux, j'ai parfois des moments très réacs.

Comment les éduquez-vous ?

En les rendant le plus vigilants possible, en les poussant à s'épanouir dans leur vie. Mais la grosse embrouille, c'est qu'il n'y a pas de mode d'emploi et ça fait beaucoup d'informations à retenir pour ces toutes petites têtes en pleine construction.

Mon père m'a fait croire à 5 ans que ma mère était morte.

Vous faites l'inverse de ce que vous avez vécu enfant avec un père plus que tyrannique.

Je veux juste que mes enfants et leurs mères ne manquent de rien. Je ne sais pas ce que c'est d'avoir une mère. Mon père m'a fait croire à 5 ans que la mienne était morte alors qu'il l'avait juste virée. Elle est réapparue dans ma vie seulement à mes 18 ans. Aujourd'hui, elle est atteinte d'Alzheimer fulgurant, mais je n'ai pas très envie de m'épancher davantage.

Votre père vous a envoyé en pension. Vous l'avez vécu comme un soulagement ?

Se débarrasser de son enfant en l'envoyant à l'autre bout de la France, ce n'est pas une façon de faire. Surtout lorsqu'on m'imposait de me foutre à genoux contre un mur avec du riz par terre et recevoir des coups de règle sur les doigts.

Vous trouvez un équilibre dans l'écriture et le jeu d'acteur ?

J'en ai besoin pour me sentir vivant. La routine, c'est ne plus avoir l'envie de se poser de questions. J'ai la chance de m'en échapper.

D'où vous vient tout votre savoir ?

De Françoise Sagan, de Florence Arthaud... Je les ai rencontrées quand je traînais et dormais dans la rue. Elles m'ont sauvé, ont été un moteur pour avoir confiance en la vie. C'est aussi à cette période que j'ai rencontré Kool Shen. Encore aujourd'hui, à 56 ans, je suis dans une phase de construction. J'ai le luxe de pratiquer fréquemment des séances d'hypnose, de régression. Je n'ai aucun problème pour dire « là, je ne sais pas », « je ne comprends pas ».

Didier a-t-il la larme facile ?

Je ne pleure peut-être pas comme tout le monde car je me suis blindé, mais ça peut m'arriver quand je lis un texte pour le théâtre ou le cinéma. Ce sont des moments ou je m'abandonne à mort, où je suis réellement à fleur de peau.

Vous êtes en accord avec vous ?

La mauvaise foi est un muscle chez moi, donc je m'en sers beaucoup. C'est aussi une armure. Je ne me présente jamais à poil devant les gens.

Devant qui vous présentez-vous à poil ?

Mon cercle intime. J'ai un fils de 18 ans qui sait que je bois, que je me drogue. Et en même temps, je les ai élevés en leur disant « j'ai changé vos couches, vous allez changer les miennes ».

Pourquoi buvez-vous ?

Pour éteindre mon hyperactivité. J'ai de la chance aujourd'hui de ne pas avoir de problèmes de santé, mais je suis conscient qu'avec l'âge je ressens parfois que mon corps tire la sonnette d'alarme. Tous les trois jours, je prends mon vélo pour faire un tour dans Paris avec une ceinture électrique. Et quand il ne fait pas beau je fais du rameur. Ça fait beaucoup rire les gens autour de moi.

Qu'est ce qui vous fait du bien sans vous faire de mal ?

Les interactions humaines. Fréquenter les vraies gens, c'est vital pour moi.

Vos rapports avec les femmes ont longtemps été violents. Et aujourd'hui ?

Je continue à aimer les emmerdeuses de compétition. J'ai besoin de m'entourer de personnes qui me tiennent tête, qui m'aident à m'abandonner, à m'apporter de la fantaisie. Et puis surtout j'ai besoin que l'on m'apporte de la maturité parce que j'en manque énormément, tout comme d'interaction humaine.

C'est comment, le dimanche de Didier Morville ?

Si je ne travaille pas, je peux rester dans mon lit à bouffer devant des séries ou des documentaires.

Ses coups de cœur

Quand il veut reposer son cerveau qui bouillonne trop, il regarde la série Fargo. Et s'apprête à découvrir la saison 2 de Foundation, inspirée des romans primés d'Isaac Asimov. En revanche, comme il se réveille tôt, il prévoit tout ce qu'il va manger dans la journée : « Faire le marché est un véritable kif. J'achète tout ce qui me fait envie et après j'improvise. Je ne cuisine pas, je fais juste à manger pour me faire plaisir. »

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Commentaires 2
à écrit le 23/05/2024 à 21:08
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Ne serait il pas plutôt passé au temps du ravalement?

à écrit le 20/05/2024 à 8:22
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"Tous les trois jours, je prends mon vélo pour faire un tour dans Paris avec une ceinture électrique. Et quand il ne fait pas beau je fais du rameur. Ça fait beaucoup rire les gens autour de moi" Phase de construction ou de destruction plutôt ? Je ra...

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