Julian Bugier : « Je me sens enfin légitime »

ENTRETIEN - Autodidacte, le visage des grands directs de France 2 a su soigner son syndrome de l’imposteur.
Julian Bugier, le 16 mai à l’hôtel Amour à Paris.
Julian Bugier, le 16 mai à l’hôtel Amour à Paris. (Crédits : © LTD / Sébastien Leban pour La Tribune Dimanche)

Il présente chaque semaine les JT de 13 heures sur France 2, mais les directs de la flamme olympique, des 80 ans du débarquement en Normandie ou du défilé du 14 Juillet, c'est aussi lui ! En treize ans, Julian Bugier est devenu un incontournable de France Télévisions. Une sacrée revanche pour cet autodidacte qui a grandi à Blois sans grandes ambitions. Ado, il préférait accompagner son père dans les bars pour écouter les débats houleux avec ses copains soixante-huitards amateurs de cigares que déambuler dans les couloirs blafards des collèges et lycées...

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LA TRIBUNE DIMANCHE - Question qui fâche : pensez-vous être à l'antenne parce que vous êtes un « beau gosse » ?

JULIAN BUGIER - Non, parce que j'ai réussi à faire mes preuves. En revanche, on m'a longtemps posé cette question à laquelle je répondais systématiquement : « Je préfère que l'on me dise ça plutôt que l'inverse. » Est-ce que l'on oserait poser cette question à une femme ? J'en doute fortement.

Quel sentiment s'empare de vous quelques secondes avant le générique du JT ?

Le trac m'a longtemps envahi mais j'arrive de plus en plus à le contrôler, du moins à
l'apprivoiser. En revanche, j'intériorise mon angoisse. Le cœur qui bat beaucoup trop vite, la boule au ventre... Je me souviendrai toujours de la présence de Carole Bouquet sur le plateau du JT, assise à ma droite. Je sentais le poids de son regard pendant que je lançais un sujet face caméra. J'étais complètement décontenancé. Mais je ne dois pas être le seul journaliste à avoir été autant troublé, intimidé par l'actrice !

Vous n'avez jamais caché être un autodidacte...

Et comme toute personne qui n'a pas de diplôme, j'ai longtemps eu le syndrome de l'imposteur, ce sentiment de ne pas être bien né. Mon arrivée à France Télévisions en 2011 n'a pas été des plus sereines. Certains m'ont immédiatement fait confiance, comme Michel Drucker, mais la bienveillance n'est pas une qualité chez tout le monde. C'est une des raisons pour lesquelles j'ai toujours besoin de travailler plus que les autres. Mais aujourd'hui, à 43 ans et après quinze ans d'expérience à la présentation du JT et des émissions spéciales en direct, je me sens enfin légitime.

Qu'entendez-vous par « ne pas être bien né » ?

Ne pas être du sérail, avoir grandi dans une petite ville de province et ne pas avoir les codes pour s'imposer dans le milieu. Lorsque j'ai débuté, j'étais estomaqué par l'aisance de certains de mes confrères alors que moi, je ne connaissais personne. J'ai mis des années pour être moi-même, affirmer ma personnalité.

Quelle est-elle ?

Si j'ai pu dégager l'image du mec distant, sans profondeur d'âme, c'était juste une carapace. En revanche, au risque de vous décevoir, j'ai toujours eu le besoin de tout maîtriser pour réussir ce que j'entreprends professionnellement et personnellement. Oui, j'avoue, je suis un véritable control freak. Je n'ai pas été structuré par mes études et mon enfance a été un peu cabossée. Les règles, je me les suis fixées moi-même.

Vos parents ne vous ont pas imposé de cadre ?

Dites-moi, c'est une séance chez le psy ? [Rires.] J'ai eu une enfance très heureuse à Blois mais cabossée parce que mes parents ont divorcé très vite. Avec une mère très présente, un père fantasque mais très torturé. J'ai souvent dû m'occuper de lui. Par exemple, je déteste être en retard parce qu'il lui est quelquefois arrivé d'oublier de me récupérer à l'école. Il n'y a aucun pathos dans ce que je vous raconte, mais rester le dernier devant l'école primaire à attendre son père, ça vous blinde. Si je suis en retard quelque part, je peux gueuler sur tout le monde. C'est insupportable, et surtout pour ma femme ! [Rires.]

C'est quoi, un père fantasque ?

C'est un père original, soixante-huitard, en décalage avec la réalité. Il était journaliste dans un journal local, La Nouvelle République, très intello avec une très belle plume. Il aurait pu mener une carrière beaucoup plus ambitieuse mais il préférait refaire le monde avec ses copains soixante-huitards au café, la clope au bec autour d'un verre de whisky. J'adorais l'accompagner car leurs discussions me fascinaient.

J'étais le genre de gamin assis au fond de la classe à faire rigoler les copains

Donc un Julian plus intéressé par le monde des adultes que par l'école...

Absolument. J'étais le genre de gamin assis au fond de la classe à faire rigoler les copains. J'ai obtenu mon bac la deuxième fois car j'étais un vrai branleur. Un bac littéraire option maths. Comme quoi, déjà à 18 ans, j'étais le mec qui n'arrivait pas à prendre de décision. Je me suis inscrit en sciences éco pour faire comme tout le monde, mais quatre mois plus tard je suis parti vivre à Londres pour apprendre l'anglais dans l'espoir de devenir journaliste. J'ai enchaîné les petits boulots, notamment celui de barman dans un bar très branché. J'y ai même croisé Madonna !

Mais ce n'est pas elle qui vous a pistonné pour travailler chez Bloomberg TV !

[Rires.] Bien sûr que non. J'ai été embauché par la chaîne éco deux minutes après un entretien avec l'un des responsables. C'était la chance de ma vie. À l'époque, j'étais payé 10 000 francs, une somme colossale pour le petit gars que j'étais. Michael Bloomberg se rendait fréquemment dans les locaux pour rencontrer chaque salarié. Ça paraît complètement fou aujourd'hui.

Et c'est là-bas que vous avez rencontré votre épouse, Claire [Fournier, éditorialiste économique sur LCI et autrice de podcasts].

Effectivement. Claire était l'un des visages phares de la chaîne, puisqu'elle était correspondante à New York. Je travaillais pour elle depuis Londres. Et puis un jour nous nous sommes retrouvés à Londres et ce fut le coup de foudre. Vingt ans de mariage et deux enfants...

À la maison, les discussions tournent-elles autour du journalisme ?

Pas tant que ça. Nous sommes complémentaires et arrivons très facilement à débrancher, d'autant plus que nous partageons d'autres passions. Claire est un peu plus âgée que moi et j'ai toujours eu beaucoup d'admiration pour elle. Elle est en permanence dans le challenge. En 2022, elle a écrit un livre minutieusement documenté sur l'héritage. En ce moment, elle est dans un projet d'écriture plus personnel autour d'une grande histoire qui touche sa famille. Et puis elle présente un podcast formidable, « Chaud dedans », sur les femmes et la ménopause, un sujet encore beaucoup trop tabou.

C'est comment, le dimanche de Julian Bugier ?

J'aime bien la tradition du dimanche à la campagne. Ça commence par du sport, puis je troque mes baskets pour le tablier. Je peux cuisiner pendant des heures. Et surtout, sans ma femme ou mes enfants à côté car je veux tout contrôler ! J'aime la bonne bouffe, les bons vins. Je rêve d'une belle cave mais je suis incapable de conserver les bouteilles...

Ses coups de cœur

C'est à 22 ans qu'il s'est découvert une passion pour la lecture des grands classiques et plus particulièrement pour Stefan Zweig. Il a également été happé par le récit de Sorj Chalandon L'Enragé. Enfin, en tant qu'épicurien au bon coup de fourchette, il ne résiste pas à l'appel du resto Le Petit Célestin, tenu par des copains amateurs du bon.
Le Petit Célestin, 12, quai des Célestins (Paris 4e).

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