Laurent Ruquier : « Les patrons de chaîne savent désormais ce que je ne sais pas faire »

ENTRETIEN - L’animateur débarque vendredi soir sur TF1, où il jouera les enquêteurs dans « Mask Singer ». Rencontre avec un homme plus libre que jamais.
Laurent Ruquier sur le plateau de « Mask Singer », où il présentera aussi un after-show.
Laurent Ruquier sur le plateau de « Mask Singer », où il présentera aussi un after-show. (Crédits : © LTD / LAURENT VU/TF1)

Près d'un an après son départ de France Télévisions et un passage éclair par BFMTV en début de saison, Laurent Ruquier intègre le jury du divertissement de la Une. Il y présentera aussi la deuxième partie de soirée : Le Bureau de Laurent Ruquier. Confidences.

Lire aussiThierry Lhermitte : « Être acteur, c'est accepter d'être ridicule »

LA TRIBUNE DIMANCHE - Avouez que ce n'est pas franchement dans cette émission que l'on vous attendait !

LAURENT RUQUIER - Je ne suis pas d'accord ! J'adore le monde du spectacle et Mask Singer est un magnifique show. C'est une comédie musicale avec des personnages rigolos, à laquelle vient se greffer un jeu. L'idée d'être dans le jury et de devoir deviner qui se cache sous les costumes m'amusait beaucoup. Pendant les enregistrements, je me suis vraiment pris au jeu et ai beaucoup ri avec mes camarades Chantal Ladesou, Kev Adams et Inès Reg. Quand j'étais à France Télévisions, j'avais proposé des « primes » de ce type, mais ils n'ont jamais été acceptés. C'est l'une des raisons pour lesquelles je suis parti. Sur le service public, il n'y a plus de grandes émissions de variété et c'est regrettable.

Avez-vous d'autres projets avec TF1 ?

Ce n'est pas à l'ordre du jour. Je ne m'interdis rien avec TF1, ni avec aucune autre chaîne. Mais je ne cherche pas à faire de la télévision à tout prix. J'ai été très gâté dans ma carrière, avec trente ans de télé et de grands succès. À la radio, j'anime tous les jours Les Grosses Têtes sur RTL, qui est l'émission la plus écoutée de France à cette heure-là, toutes radios confondues. J'écris des pièces de théâtre (lire ci-contre) et produis des artistes brillantissimes comme Vincent Dedienne, Gaspard Proust ou Michaël Gregorio. Je suis un homme chanceux.

Si je vous donne une baguette magique pour présenter à la rentrée l'émission de vos rêves, à quoi ressemble-t-elle ?

Je ne crois pas trop à la magie ! Et puis j'ai besoin qu'on m'aime et qu'on vienne me chercher. Si on me désire, je viens. Pour l'instant, on ne m'a rien proposé. Je n'ai jamais frappé aux portes et ce n'est pas à 61 ans que je vais commencer. Je pense que les patrons de chaîne savent à peu près ce que je sais faire. Et puis, grâce à mon passage sur BFMTV, ils savent également désormais ce que je ne sais pas faire !

Justement, pourquoi la greffe n'a-t-elle pas pris à BFMTV, où votre émission lancée en septembre s'est arrêtée en décembre ?

Au départ, on y a vraiment cru avec Marc-Olivier Fogiel [le directeur général de la chaîne]. Mais on s'est trompés et j'ai rapidement compris que ce n'était pas fait pour moi. Sur une chaîne info, il faut se plier à l'actualité du jour : le petit Émile, l'affaire Depardieu... En plus, je suis arrivé au moment de l'attaque du Hamas sur Israël, qui a été une déflagration. Je n'étais pas fait pour présenter un 20 Heures de ce genre. Ce que j'aime, c'est traiter l'actualité sous un angle insolite ou bien dénicher des choses qui n'ont pas été vues ailleurs. Là, ce n'était pas possible.

En septembre, vous allez fêter vos dix ans aux commandes des Grosses Têtes de RTL. Aucune lassitude ?

Pas du tout ! Je ne me suis jamais autant amusé que cette saison. On a encore renouvelé le casting et on l'a rajeuni. Je remercie la direction de RTL de me laisser une telle liberté. Aux Grosses Têtes, personne ne se censure. On se moque de tout et on peut se le permettre car les sociétaires sont de toutes les origines, couleurs, bords politiques et sexualités. C'est ce qui explique nos audiences [plus de 2 millions d'auditeurs cumulés chaque jour sur la période janvier-mars, en nette hausse] ainsi que le carton en podcast, où de plus en plus de jeunes nous écoutent.

Votre compagnon, Hugo Manos, est chroniqueur dans Touche pas à mon poste sur C8. Lui avez-vous conseillé ou déconseillé d'aller dans cette émission ?

Franchement, on est en 2024, chacun fait ce qu'il veut dans son couple ! Ce n'est pas moi qui vais lui dire de ne pas aller dans l'émission de Cyril Hanouna. C'est un formidable tremplin quand on débute. On y apprend le métier. Et puis, qu'on aime ou non Cyril Hanouna, c'est incontestablement l'une des plus belles réussites médiatiques de ces dernières années. Il a un talent indéniable. Le comble, c'est que ce sont ceux qui ont fait le succès de cette émission - à savoir la presse et les journaux - qui aujourd'hui la montrent du doigt.

J'ai toujours une sensibilité de gauche. Mais aujourd'hui, c'est plus compliqué que ça

La Légion d'honneur attribuée à Thierry Ardisson a beaucoup fait réagir, avec notamment une tribune de Christine Angot. Qu'avez-vous pensé de cette polémique ?

Il y a des personnalités bien pires que lui qui ont reçu cette décoration, donc je n'ai pas de problème avec ça. Maintenant, je ne suis pas en bons termes avec Thierry Ardisson. Il y a deux ans, on a travaillé ensemble sur Hier, aujourd'hui, demain, une émission que j'ai animée sur France 2. Il m'avait supplié de le prendre comme coproducteur. Je n'étais pas obligé de le faire, mais j'avais accepté par amitié. Après l'émission, il a été grotesque en disant que les mauvaises audiences étaient de ma faute, afin de préserver ses intérêts futurs au sein de France Télévisions. Ce n'est pas quelqu'un de fiable. Quand il était chez Bolloré, il disait du mal de France Télévisions, et maintenant qu'il est à France Télévisions, il dit du mal de Bolloré. Il m'a mis un coup de poignard dans le dos. Donc là, c'est vraiment définitivement terminé pour moi !

Gérard Miller, avec qui vous avez longtemps travaillé, est accusé de viol et d'agression sexuelle par plusieurs femmes...

[Il nous coupe.] Je ne vous ferai aucune réponse sur ce sujet.

Dans le passé, vous n'avez jamais caché votre sensibilité de gauche. En 2024, êtes-vous toujours un homme de gauche ?

J'ai toujours une sensibilité de gauche. Mais aujourd'hui, c'est plus compliqué que ça. Je suis socialement de gauche, mais je ne suis pas d'accord avec certains excès que l'on observe à La France insoumise [LFI], et même au Parti socialiste. Est-ce qu'on devient réac avec l'âge ? Peut-être. Ce qui est certain, c'est que l'on n'est pas aussi révolutionnaire à mon âge que lorsqu'on a 20 ans. On voit les choses de manière moins tranchée. C'est normal de ne pas être « woke » à 60 ans. Mais je n'ai pas changé d'avis sur le fait que le patron de Peugeot est bien trop payé par rapport à ses ouvriers. Si c'est ça votre question, alors oui, en ça, je suis toujours de gauche.

Vous reconnaissez-vous dans la gauche de Raphaël Glucksmann ?

Je ne le trouve pas assez social. Si l'on veut récupérer les électeurs du Rassemblement national, ce qu'il faudrait, selon moi, c'est davantage penser aux Français les plus défavorisés. Ce ne sont pas eux qui vont voter Glucksmann. Il va récupérer une partie des macronistes de gauche, et un peu des sympathisants LFI déçus par les excès de Mélenchon. Je ne sais pas encore pour qui je vais voter, mais il n'est pas exclu que ça soit pour Raphaël Glucksmann. En plus, ça enverra Mme Salamé à l'Élysée. Donc, oui, votez Glucksmann, et comme ça je pourrai peut-être récupérer la case du samedi soir sur France 2 !

La percée du Rassemblement national vous inquiète-t-elle ?

Je me suis toujours positionné contre Marine Le Pen. Je n'ai pas changé d'avis, malgré les ripolinages du parti. En revanche, je comprends ses électeurs qui ont été déçus par la droite, la gauche et le ni droite ni gauche. Mais il faut bien comprendre que je ne suis pas un militant. Quand on me demande mon avis politique, comme vous le faites, je réponds, car je suis honnête. En revanche, je n'incite personne à voter comme moi. Je n'ai pas cette prétention, ni ce pouvoir.

Il fait parler... La Joconde !

Parmi les innombrables talents de Laurent Ruquier : l'écriture de pièces de théâtre. La dernière en date se nomme La Joconde parle enfin et se joue jusqu'à fin mai au Théâtre de l'Œuvre (Paris 9ᵉ), avant de reprendre début 2025. « C'est un projet que j'avais dans mes tiroirs depuis au moins quinze ans, confie Laurent Ruquier. Au départ, j'avais imaginé un dialogue entre elle et Léonard de Vinci pendant qu'elle posait dans son atelier. Puis j'ai décidé de faire un "seule en scène" où elle raconte au public sa double vie. Celle de femme, mais aussi celle de tableau qui a traversé les siècles. » Pour l'interpréter sur les planches, il a jeté son dévolu sur la comédienne Karina Marimon. « C'est en allant voir la pièce Big Mother au Théâtre des Béliers parisiens que j'ai eu la révélation. Dès qu'elle est apparue sur la scène, je me suis dit : "C'est elle." Même si c'était au départ une pièce que j'avais écrite pour Michel Fau. Il n'est d'ailleurs pas exclu qu'il la joue un jour. »

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 29/04/2024 à 9:48
Signaler
Etre modeste ?

à écrit le 28/04/2024 à 9:05
Signaler
Ruquier, une longue et lente dégringolade.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.