Tendance : « BeReal », le rendez-vous des ados

« Tes amis pour de vrai », c’est la promesse du réseau social qui invite ses utilisateurs à partager leur réalité. Révolution ou discours marketing ?
Deux minutes pour « capturer son BeReal ». Une photo de l’endroit où l’on se trouve, et une de soi.
Deux minutes pour « capturer son BeReal ». Une photo de l’endroit où l’on se trouve, et une de soi. (Crédits : © ALEXIS LEMETAIS/COLLECTIF DR)

La scène est désormais connue. Des adolescents et de jeunes adultes de 15 à 25 ans rigolent et discutent quand soudain le téléphone de l'un d'entre eux émet un bip strident. « Ah, c'est mon BeReal, il faut que je m'en occupe », lance l'un des protagonistes. Il dispose alors de deux minutes seulement pour prendre une photo de l'endroit où il se trouve et de ce qu'il est en train de faire pour le partager avec sa communauté d'amis, qui reçoit l'alerte au même moment. La spécificité de l'application BeReal est d'exiger un cliché en double exposition : l'une de la vue, l'autre en mode selfie, pour montrer le réel, justement. Peu importe que l'on soit en train de dormir, de réviser ses partiels ou de draguer. Car, BeReal (« être vrai »), nom du réseau social lancé en 2020 par deux Français passés par l'école 42 de Xavier Niel, Kévin Perreau et Alexis Barreyat (un ancien de chez GoPro), promet de l'authenticité et veut en « finir avec la mise en scène qui prévaut sur les autres réseaux type Instagram ». À la façon du « Venez comme vous êtes » de McDonald's, en quelque sorte.

En l'espace de trois ans, BeReal s'est fait une place dans le paysage des réseaux sociaux et le nombre de ses utilisateurs affiche une croissance stable. Selon un rapport de Siècle digital paru fin 2022, l'application compterait près de 20 millions d'utilisateurs actifs chaque jour, revendiquerait plus de 50 millions de téléchargements dans le monde entier et serait valorisée aux alentours de 600 millions d'euros.

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Chez les adeptes du réseau social, une antienne : « Ce que j'aime sur BeReal, c'est qu'elle n'oblige pas à se mettre en scène », explique Esther, étudiante en école d'ingénieurs. Exit donc les filtres Instagram, la mise en beauté de soi-même, bonjour l'authenticité, le cliché un poil raté, et surtout le réel. Quid de ce sentiment d'être « esclave » de l'application, qui sonne lorsqu'on ne s'y attend pas ? « Il n'existe pas, confie Esther. Ça ajoute une contrainte et ça reste amusant. Surtout, si on rate les deux minutes, ce n'est pas très grave. »

BeReal participe au chamboulement des barrières de l'intime

Valérie Jeanne-Perrier, sociologue des médias

Un autre, Maël, lycéen de terminale, abonde mais semble pour sa part plus accro : « C'est dommage de le manquer car, depuis la nouvelle mise à jour, le fait de jouer le jeu des deux minutes ouvre le droit à poster d'autres clichés pris au moment où on le veut. »

Gamification à outrance, discours marketing autour de l'authenticité, voire perte de la vie privée ? « Je comprends l'interrogation, admet Esther. Cela dit, BeReal reste un réseau social très "privé" en ce sens que je n'y accepte que mes amis proches, aussi je ne me pose pas la question de l'intimité en ces termes. »

Toutefois, dans le principe même de BeReal, au-delà de l'authenticité, c'est la mise en exergue d'une forme de transparence totale et d'évolution des limites de l'intime et de la vie privée qui est favorisée. « Dans le dispositif du réseau social, ce qui est valorisé est double : réalité et intimité », note la sociologue des médias et enseignante au Celsa (École des hautes études en sciences de l'information et de la communication) Valérie Jeanne-Perrier. Cependant, « le discours autour de l'authenticité s'apparente plutôt à un simulacre, note la chercheuse. En effet, une certaine créativité peut naître de la contrainte et l'utilisateur peut s'y reprendre à plusieurs fois avant de poster son cliché et donc modifier tout de même un peu la réalité, qui devient ainsi, comme toute chose, une construction. »

Ensuite, poursuit Valérie Jeanne-Perrier, « BeReal participe au chamboulement des barrières de l'intime et modifie en profondeur la question du rapport à soi ». Archiviste de soi-même, parangon d'une transparence totale où l'intimité n'existe plus vraiment, même si cette exhibition du réel se destine à un cercle restreint, c'est ainsi que l'utilisateur de BeReal peut donc se définir. Dans son roman Le Cercle, le romancier Dave Eggers imaginait l'attribution d'une note sociale aux individus. Ceux qui ne participent pas sont dégradés voire exclus de la société. Qu'adviendra-t-il demain de celles et ceux qui ne voudront pas « être authentiques » ?

Le réseau social en chiffres

13 ans

L'âge minimum requis, selon les conditions générales, pour pouvoir accéder à l'appli

50 millions de téléchargements de l'appli dans le monde

20 millions d'utilisateurs actifs quotidiens

600 millions 
La valorisation en euros de BeRea

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