Théâtre : plusieurs choses de Tennessee en Cristiana Reali

La comédienne incarne Blanche Dubois dans « Un tramway nommé Désir » aux Bouffes Parisiens. C’est la quatrième fois qu’elle aborde l’univers de l’écrivain du vieux Sud.
Cristiana Reali avec Alysson Paradis.
Cristiana Reali avec Alysson Paradis. (Crédits : Christophe Raynaud De Lage)

Un doux soleil d'hiver éclaire, ce jour-là, Paris. La façade du théâtre des Bouffes Parisiens, avec sa haute verrière, qui, la nuit, s'encadre d'ampoules, est séduisante. Elle abrite une des très belles salles du cœur de la ville, à deux pas de l'Opéra. On ne peut pénétrer dans le hall chaleureux sans penser à Jean-Claude Brialy, qui anima avec ardeur ce lieu de 1986 à 2007 en compagnie de Bruno Finck. On n'oublie pas Dominique Dumond, qui reprit avec sensibilité le flambeau. Aujourd'hui, Richard Caillat et Marc Lesage sont les patrons de la programmation. Après le succès de La Note, avec Sophie Marceau et François Berléand, on attend beaucoup de la mise en scène, par Pauline Susini, d'Un tramway nommé Désir de Tennessee Williams, dans la traduction d'Isabelle Famchon.

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Dans la pénombre on distingue, appuyée sur les fauteuils de l'orchestre, la table de régie, les brochures de la metteuse en scène et de son assistante, les bouteilles d'eau. Sur scène, on règle des raccords. Plus tard aura lieu le premier filage... Le plus souvent debout, micro à la main, Pauline Susini se déplace. Va vers le plateau. Y grimpe parfois. Toute l'équipe est là, dans des tenues confortables. Les costumes, ce sera pour plus tard. Cristiana Reali, Alysson Paradis qui joue Stella, la petite sœur de Blanche, Marie-Pierre Nouveau, Eunice, et Nicolas Avinée, qui est Stanley, immortalisé par Marlon Brando et son tee-shirt dans le film d'Elia Kazan en 1951. Sont là également Lionel Abelanski, Mitch, l'ami, Djibril Pavadé, Steve, Tanguy Malaterre et Simon Zampieri, Pablo, en alternance. Une distribution fine et nuancée. On reprend, on cherche le juste rythme, les bonnes transitions.

Avec sa silhouette tendre, sa masse de cheveux sombres, son visage de madone, son teint de nacre, ses yeux clairs, sa voix harmonieuse, Cristiana Reali est Blanche DuBois. L'un des rôles dont toutes les comédiennes ont rêvé, après Vivian Leigh. Elle possède une avance certaine sur celles qui l'ont jouée : elle, c'est la quatrième fois qu'elle joue du Tennessee Williams. Après Une chatte sur un toit brûlant en 2000-2001, mise en scène de Patrice Kerbrat, avec Georges Wilson et Samuel Labarthe, La Rose tatouée en 2012-2013, sous la direction de Benoît Lavigne, La Ménagerie de verre en 2018 et 2019, par Charlotte Rondelez.

Tout émeut, dans cette pièce. Son titre, les personnages et la situation elle-même

Cristiana Reali

« Je voulais jouer Blanche, après la Chatte. Je suis comme mes camarades... Avant ma génération, il y a eu Arletty, Caroline Cellier, Anne Kessler, Isabelle Huppert dans une mise en scène de Krzysztof Warlikowski. Tout émeut, dans cette pièce. Son titre qui sonne toujours étrangement, les personnages, ambivalents, douloureux, et la situation elle-même. D'ailleurs, Pauline Susini y entend des échos de notre propre monde. » Rappelons que la pièce date de 1947 et valut le prix Pulitzer à Tennessee Williams. Veuve, ruinée, l'esprit déjà chancelant, Blanche quitte sa propriété de Laurel pour s'installer à La Nouvelle-Orléans chez sa sœur Stella et son beau-frère Stanley Kowalski, d'origine polonaise. Viril, violent, porté sur la boisson, jouant aux cartes avec ses copains, il est vite irrité par les délicatesses de Blanche...

Cristiana Reali est en totale confiance avec Pauline Susini, qui l'a dirigée dans Simone Veil - Les combats d'une effrontée. Une évocation très forte, mais pudique aussi, de cette femme d'exception. Plus de deux cents représentations, et jusqu'aux États-Unis... « Pour Un tramway, nous avons pourtant eu du mal à convaincre un producteur », avoue dans un fin sourire Cristiana Reali. Ne citons pas ceux qui n'ont pas voulu. « Richard Caillat, lui, s'est engagé ! J'ai beau avoir la chance d'aborder des répertoires très différents, je suis fascinée par les personnages de Tennessee Williams. Il comprend les êtres au plus profond et traduit leur complexité, leurs contradictions. Pauline Susini cite cet aveu de Blanche : "Je ne veux pas du réel, je veux de la magie." Elle cherche à éclairer son imaginaire, son monde mental, tandis qu'elle se retrouve dans un univers quotidien pauvre et sans espérance. »

Les trois héroïnes de Tennessee Williams qu'elle a précédemment incarnées sont très différentes, « mais elles ont toutes des forces tressées avec des vulnérabilités profondes ». « Elles sont humaines, elles ne veulent pas être des victimes, même si elles souffrent et doivent affronter des situations difficiles », souligne la comédienne, qui a toujours été d'une maturité intellectuelle profonde. On la revoit chez Florent, si jeune, si belle. Un chemin formidable au théâtre. Mais avec une grande indépendance, très vite, dans tous les registres. Et au cinéma aussi, comme à la télévision. Il y a en elle une radieuse énergie. Ses racines brésiliennes et italiennes lui donnent une lumière particulière. Ses filles, Elisa et Toscane, ne sont jamais loin. Pas plus que leur père, Francis Huster. « On a même participé ensemble à la captation des Faux British. Il fait le directeur du théâtre, et moi la metteuse en scène. On a beaucoup ri ! »

Un tramway nommé Désir, jusqu'au 31 mars aux Bouffes Parisiens, du mercredi au samedi à 20 heures, le samedi et le dimanche à 15 h 30. Durée : 1 h 45. Tél. : 01 86 47 72 43.

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