![À gauche, Thibault Nizard spécialiste du célèbre plat. À droite, la version du restaurant Le Gabriel.](https://static.latribune.fr/full_width/2266621/a-gauche-thibault-nizard-specialiste-du-celebre-plat-a-droite-la-version-du-restaurant-le-gabriel.jpg)
Lorsque l'assiette arrive sur la table, on marque un temps de recul. C'est impressionnant. Un gouffre. Un trou noir. Une nuit de velours. Une flaque de pétrole lourd. C'est ainsi que se présente l'un des plats les plus fantastiques de la cuisine française.
1 Il est de bon ton de s'écharper. Deux écoles s'affrontent (mollement, s'entend, façon civet) sur la méthode. Si vous voulez briller en société, stoppez net la conversation et avec une voix de Fantômas posez le dilemme « sénateur Couteaux ou Antonin Carême ? ». On vous sera reconnaissant. Faites attention cependant à ce que personne n'évoque une autre version, celle de Babinski (1855-1931) alias Ali-Bab, plutôt versant Carême. Au demeurant, aucun des trois n'inventa la recette, encore moins Escoffier (1901), qui le faisait au vin blanc et sans foie gras. Elle remonte à la nuit des temps, la mention de « royale » lui tombant sur le râble, selon la légende, à l'époque de Louis XIV qui, sur ses vieux jours, ne possédant plus toutes ses dents, demanda le lièvre façon Flamby.
2 Carême (1784-1833) le désosse, joue la farce à fond l'harmonium avec une couche intercalaire de foie gras et truffe, et la sauce scélérate liée au sang (celui du lièvre, en principe ; il est louable de pinailler là-dessus au restaurant) se présentant en galantine.
3 La méthode du sénateur Couteaux (1847-1922) s'est voulue plus « épurée ». Façon de parler. Puisqu'on se retrouve avec le lièvre entier désossé, avec dans la version originelle : 60 échalotes, 40 gousses d'ail, deux bouteilles de chambertin. Pendant qu'on y était, certains y ajoutaient même des huîtres. L'ensemble se présente en une effilochée façon daube-rillettes chaudes. Logiquement, on peut le déguster à la cuillère.
L'un des secrets de la sauce tient parfois à une touche magique, celle du chocolat
4 Du chocolat ? L'un des secrets de la sauce vertigineuse tient parfois à une touche magique, celle du chocolat. N'oubliez pas que l'amertume est une des bottes secrètes des grands plats. Mine de rien, elle soulève l'ensemble, met en avant les autres saveurs. C'est une sorte d'umami, planqué, retors et efficace.
5 Voyage au bout de la nuit. Grosso modo, il faut bien une semaine pour réaliser son lièvre à la royale. Entre le désossage, les marinades et la cuisson, l'exercice fonctionne à l'amplitude, à la pénombre, à la patience. Certains cuisent à basse température pendant une vingtaine d'heures. Jérôme Banctel (Le Gabriel, le restaurant de l'hôtel La Réserve) pousse même jusqu'à trente-six heures à 62 °C. Autre bataille d'Hernani en perspective : pour la cuisson, faut-il une daubière ou une braisière ? Répondez, sans argumenter : une saumonière. Disons qu'elle est plus accueillante. Attention, c'est bientôt terminé. Le lièvre, c'est jusqu'à fin décembre.
À PARIS Au Bascou Renaud Marcille a la bonne idée de le proposer en demi-portion (28 euros) ou alors en grand-messe : 55 euros. 38, rue Réaumur (3e). Tél. : 01 42 72 69 25. Le Gabriel Jérôme Banctel. Dans le cadre d'un menu chasse à 348 euros. 42, avenue Gabriel (8e). Tél. : 01 58 36 60 50. Le Relais Louis XIII Dans le menu à 89 euros composé par le grand Manuel Martinez. 8, rue des Grands-Augustins (6e). Tél. : 01 43 26 75 96. L'Aube Dans le menu chasse à 190 euros de Thibault Nizard, récent vainqueur d'un « championnat du monde » de lièvre à la royale. 10, rue de Richelieu (1er). Tél. : 01 42 44 00 60. À LYON L' Âme sœur Olivier Paget le propose dans le cadre de son menu à 62 euros. 209, rue Du Guesclin (3e). Tél. : 04 78 42 47 78. À AINHOA Ithurria Florian Le Masson le réalise façon Antonin Carême (55 euros). 218 Qur Karrika. Tél. : 05 59 29 92 11.
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