Du poulailler aux voitures électriques : ces villages où l'on partage tout

Poules, voitures électriques, cafés ou même chantiers… les villages redécouvrent les bienfaits de la mise en commun.
(Crédits : SARAH WITT/HANS LUCAS)

Au poulailler du Poulanel, ça caquète, ça picore et ça volète... comme dans n'importe quel poulailler. Sauf qu'ici la vingtaine de pensionnaires - des poules rousses - a la particularité de n'appartenir à personne et à tout le monde à la fois. Une partie des habitants du Méjanel, un hameau à l'entrée du petit village de Pégairolles-de-Buèges (Hérault), en partagent en effet la propriété... mais aussi leurs œufs et leur entretien.

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Magali Coldefy est à l'initiative de ce projet né en 2019 : « On rachète aux éleveurs du coin leurs volailles vieillissantes, plus assez productives pour une exploitation industrielle. » Pas forcément fringantes, les poulettes fournissent tout de même de « bons œufs bien gros, très différents de ceux du supermarché, et en quantité suffisante pour alimenter tous les foyers participant ». Quand elle s'est installée au village, cette chercheuse en santé mentale, également restauratrice, trouvait primordial de développer du lien social dans une zone peu densément peuplée « là où on n'est pas beaucoup sur beaucoup de territoire », comme elle le décrit joliment. Et ça fonctionne ! Les habitants vivant à l'année dans la commune donnent de leur temps pour l'entretien du poulailler tandis que ceux qui y possèdent une résidence secondaire y vont de leur poche (45 euros maximum par an !). Quant à la doyenne du village, 90 ans au compteur, elle va rendre visite aux poules et au coq lors de sa balade quotidienne, ce qui lui rappelle le temps lointain où le village avait (déjà) son poulailler.

Retisser du lien social

Comme à Pégairolles-de-Buèges, beaucoup de villages et petites communes françaises semblent redécouvrir les vertus du partage. Un mode de fonctionnement inventé par le monde agricole, les coopératives d'utilisation de matériel agricole qui permettent de partager les coûts et l'usage de machines existant depuis 1945 !

Ainsi à la Chassagne, dans la Creuse, ce ne sont pas des œufs que l'on ramasse mais du lait qu'on récolte auprès d'Oasis, la vache anglo-normande adoptée par 24 foyers du hameau. À Preignan, dans le Gers, une petite commune de 1 300 âmes, les habitants se partagent une voiture électrique (rachetée à la Poste par la mairie) moyennant une cotisation annuelle de 10 euros. Un utilitaire bien pratique pour déposer les déchets verts à la déchèterie ou faire ses courses à Auch, à 10 kilomètres du village... Et au Faget, petite commune de la Haute-Garonne, c'est un bar associatif que se partagent les 350 habitants. La bière, produite par des paysannes brasseuses du coin, y est à 3 euros et le café à 1 euro. Niché à proximité d'un imposant château crénelé, l'endroit a ouvert il y a six ans grâce à l'impulsion de Léa Hulot, 35 ans. Cette ancienne infirmière qui rêvait depuis longtemps de se reconvertir et de créer un lieu d'échanges a été accueillie à bras ouverts par la mairie, qui a mis un local à sa disposition. « Les gens du village sont venus donner un coup de main pour la peinture ou la construction du comptoir », explique-t-elle. Désormais salariée à mi-temps de l'association gestionnaire, elle coordonne l'action des bénévoles, qui en fonction de leurs compétences et de leurs préférences peuvent servir au bar, passer un coup de balai ou encore s'occuper de la paperasse administrative. « Au départ, on était ouvert tous les jours de la semaine ; désormais, on essaie d'ouvrir moins mais mieux en assurant un concert, une projection ou un bœuf musical le vendredi soir. On peut parfois réunir jusqu'à 200 personnes ! » Un modèle économique fragile et qui n'aurait pu voir le jour sans l'implication bénévole des uns et des autres : jamais un bar non associatif ne serait rentable dans le coin.

Pour le sociologue Roger Sue, auteur de La Contre-Société (éditions Les Liens qui libèrent), tous ces exemples confirment que dans la ruralité « le lien social ne se délite pas, il se recompose ». Et de citer quelques chiffres parlants : « Il y a aujourd'hui 1,5 million d'associations et il s'en crée 71 000 par an. Dans les années 1960, qu'on considère comme l'âge d'or du militantisme, on en comptait 60 000 dont 20 000 nouvelles par an ! » Rien d'étonnant donc que le partage gagne les campagnes. Et, bonne nouvelle, il pourrait bien essaimer en ville, où fleurissent déjà des jardins partagés entre deux barres d'immeubles ou même... des poulaillers communautaires.

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