Patrimoine : Toutes les saveurs de la langue de Molière

C’est dans l’une des rares demeures royales de Picardie, le Château de Villers-Cotterêts, que La Cité internationale de la langue française ouvrira ses portes au public le 1er novembre.
Le « ciel lexical » installé sous la verrière de la cour du jeu de paume du château.
Le « ciel lexical » installé sous la verrière de la cour du jeu de paume du château. (Crédits : ⓒ © Pierre-Olivier Deschamps/Agence Vu/Centre des monuments nationaux)

L'ordonnance de Villers-Cotterêts qui impose le français dans les actes administratifs et juridiques ? « Un best-seller administratif ! » claironne Xavier North, concepteur du parcours scientifique de la Cité internationale de la langue française, un des rares musées au monde consacré à la langue. Il est notre guide en ce jour de septembre, et son enthousiasme à parler de la langue française est plutôt contagieux. « Nous avons pensé le parcours comme un voyage en trois temps qui donne à voir et à entendre la langue française dans ses expressions multiples. »

La première étape rappelle que le français est d'abord une « langue monde ». Une dispersion planétaire qui prend sa source dans les explorations et conquêtes coloniales. « Le français est infiltré dans un grand nombre de langues, explique Xavier North. Beaucoup de mots lui sont empruntés. C'est aussi la langue la plus traduite après l'anglais. Le Petit Prince de Saint-Exupéry est le deuxième ouvrage le plus traduit au monde après la Bible ! »

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Éloge de la francophonie

La francophonie, c'est le pluriel des langues, une invention continue, comme le démontre la seconde étape du parcours. Cette section rappelle à quel point notre langue est composite. D'abord issue du latin, à base celtique, nourrie par les langues germaniques, elle ne cesse de puiser des mots ailleurs. Comme pour le mot « sirène », d'origine grecque, qui désigne la figure mythologique mi-humaine, mi-oiseau dont le chant séduisait les marins vers un destin fatal. Le même mot désigne aujourd'hui une alarme signalant un danger.

Le lieu met en avant un vocabulaire en constance transformation, qui depuis la création du Dictionnaire de l'Académie française en 1694, n'a cessé de se diversifier, 28 000 mots ont ainsi été ajoutés depuis 1935. Selon l'Élysée, le travail des immortels et celui accompli au sein de la cité, qui va accueillir des résidences de chercheurs, se complètent : « Le rôle de l'Académie est un rôle normatif de la langue. Ce n'est pas un lieu d'explication, d'échanges, de recherche autour de la manière dont la langue française s'est formée. » À la tête de la vénérable institution, l'écrivain Amin Maalouf applaudit.

Ce n'est pas en enfermant la langue française dans un musée qu'on la protège

Dominique Bona, académicienne

Selon lui, peu de pays accordent une telle place à leur langue. Une autre académicienne, Dominique Bona, tempête, elle. « Ce n'est pas en enfermant la langue française dans un musée qu'on la protège, affirme-t-elle. La langue ne doit pas être mise en boîte, elle doit au contraire courir en liberté dans les rues pour rester vivante. »

Dans les étages de Villers-Cotterêts, peintures, sculptures et autres objets d'art balisent le chemin jusqu'à l'ordonnance royale de 1539. Présentée comme le « clou final » de la visite, elle est exposée dans la dernière section de l'exposition. Ici, place à la dimension politique du français. Celle qui nous explique comment la Révolution s'évertua à faire disparaître les dialectes de province pour unifier la nation. Ou encore comment en 1992, en plein contexte de mondialisation, l'État inscrit symboliquement le français comme langue de la République dans la Constitution. Et si aujourd'hui le français est bel et bien la langue officielle de la France, il cohabite néanmoins avec de nombreuses langues régionales et extraterritoriales. Aujourd'hui 72 langues régionales sont officiellement reconnues dont 12 dans l'Hexagone.

Un métissage particulièrement bien représenté dans la cour du jeu de paume du château grâce à un « ciel lexical » qui, fort d'une centaine de mots suspendus, nous fait découvrir la richesse des expressions francophones, de la Belgique au Québec en passant par le Sénégal, la Côte d'Ivoire ou encore les régions de France. Ce qui rappelle que la langue française est aujourd'hui parlée par 321 millions de locuteurs dans le monde. ■

La Cité internationale de la langue française sera ouverte du mardi au dimanche de 10 heures à 18 h 30.

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