Agriculture : le projet de loi d'orientation renvoyé devant le Conseil constitutionnel

Il revient désormais à la présidente de l'Assemblée ou au Premier ministre de saisir les Sages du Conseil constitutionnels. Ces derniers auront alors huit jours pour se prononcer. S'ils valident l'étude d'impact, le projet de loi pourra être inscrit au menu de la chambre basse « à partir du 14 mai », selon une source parlementaire.
Lorsqu'ils auront été saisis, les Sages du Conseil constitutionnel disposeront d'un délai de huit jours pour se prononcer.
Lorsqu'ils auront été saisis, les Sages du Conseil constitutionnel disposeront d'un délai de huit jours pour se prononcer. (Crédits : Reuters)

Revers pour le gouvernement, moins d'une semaine après la présentation du projet de loi d'orientation et de souveraineté agricole, en Conseil des ministres. A l'initiative de LFI, une coalition des oppositions à l'Assemblée nationale a décidé ce mardi de renvoyer le texte soumis par l'exécutif devant le Conseil constitutionnel. Motif ? Une étude d'impact potentiellement insuffisante et insincère.

Dans les faits, la présidente du groupe LFI, Mathilde Panot, a, dans un premier temps, écrit lundi à celle de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet (Renaissance), pour soulever la question de « l'insincérité de l'étude d'impact présentée par le gouvernement » sur son projet de loi d'orientation agricole.

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Le Conseil d'Etat réservé

Pour appuyer sa démarche, l'Insoumise se fonde notamment sur les réserves émises par le Conseil d'État. Dans un avis du 21 mars, il estime, par exemple, que certaines mesures proposées par le gouvernement, pour l'« accélération des contentieux » en cas de recours contre des projets de stockage d'eau ou de bâtiments d'élevage, « sont susceptibles de présenter des risques de constitutionnalité ».

« La multiplication de règles contentieuses spéciales ne peut que nuire à la lisibilité d'ensemble des règles applicables au contentieux administratif qui, à rebours des objectifs recherchés de simplification et de clarté de la norme, se complexifie au détriment de l'égalité entre les citoyens et de la bonne administration de la justice, sans pour autant aboutir à une véritable accélération des procédures contentieuses », selon l'avis.

Il y souligne aussi que l'étude d'impact du gouvernement est « très insuffisamment motivée » sur ce sujet dans la mesure où il « se borne à anticiper une hausse du nombre des recours ».

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Un délai de huit jours

Réunie ce mardi, la conférence des présidents de l'Assemblée a débattu de cette question. En vertu de l'article 39 de la Constitution, elle a décidé que le Conseil constitutionnel devrait se prononcer sur l'inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée de ce projet de loi.

« Nous avons ce matin gagné une victoire et fait respecter le Parlement », a réagi Mathilde Panot en conférence de presse à l'Assemblée.

Selon une source parlementaire, les présidents des groupes de l'opposition ont validé ce renvoi, à l'inverse de ceux du camp présidentiel, en situation de majorité relative à l'Assemblée nationale.

Quid de l'avenir du projet de loi ? Il revient désormais à la présidente de l'Assemblée ou au Premier ministre de saisir les Sages du Conseil constitutionnel, qui auront alors huit jours pour se prononcer. S'ils valident l'étude d'impact, le projet de loi pourra être inscrit au menu de la chambre basse « à partir du 14 mai », selon une source parlementaire.

« Le Conseil constitutionnel jugera, et le gouvernement fera valoir ses arguments, mais contrairement à ce qu'affirme le groupe LFI, l'étude d'impact produite à l'appui du projet de loi n'est ni insuffisante et encore moins insincère », a réagi le ministère de l'Agriculture dans une déclaration à la presse. Les oppositions « viennent de faire le choix, devant la colère agricole, de l'obstruction et du ralentissement quand tout commanderait l'accélération et la détermination », a ajouté le ministère.

Un projet de loi aux sujets multiples

Remanié en raison de la crise des agriculteurs, le texte du gouvernement se donne l'objectif d'accélérer l'arrivée de nouvelles générations d'agriculteurs délestés de certaines contraintes environnementales.

Il agrège ainsi des sujets très divers, tels que la formation, les haies ou le statut des chiens de protection des troupeaux. Il a été salué par les syndicats agricoles majoritaires pour ses mesures de simplification et la facilitation promise de projets d'irrigation ou d'élevage, et ce, même s'il n'aborde pas la question des revenus. Les ONG environnementales, en revanche, lui reprochent de ne pas infléchir le modèle actuel, au détriment des écosystèmes.

Pour rappel, le premier article de la loi, ainsi que l'exigeait le premier syndicat FNSEA, consacre l'agriculture, la pêche et l'aquaculture au rang d'« intérêt général majeur en tant qu'elles garantissent la souveraineté alimentaire de la Nation ». Les politiques publiques doivent concourir « à la protection de la souveraineté alimentaire de la France ».

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Si la notion est définie comme la « capacité à assurer son approvisionnement alimentaire », le gouvernement insiste : la France ne se repliera pas sur la satisfaction de ses propres besoins mais maintiendra sa « vocation exportatrice » (céréales, vins, produits laitiers, notamment).

Le projet de loi a surtout l'ambition de donner un cadre d'action au monde agricole pour relever deux défis majeurs : adapter les systèmes de production au changement climatique, notamment via les progrès techniques (numérique, génétique, robotique), et attirer des bras. De fait, un tiers des quelque 500.000 agriculteurs seront en âge de partir à la retraite d'ici dix ans. Le texte ne donne toutefois aucun objectif chiffré pour les nouvelles installations.

En parallèle, il crée un nouveau diplôme de niveau bac+3 (« bachelor agro ») et instaure un réseau « France services agriculture » : un guichet ou point d'entrée unique pour les prétendants à l'installation sous l'égide des chambres d'agriculture. Le projet de loi permet aussi de créer des « groupements fonciers agricoles d'investissement » ou GFAI qui vont lever de l'argent auprès d'investisseurs afin d'acheter des terres pour les louer à de nouveaux agriculteurs.

Le texte accorde une présomption d'urgence en cas de contentieux autour de la construction d'une réserve d'eau pour l'irrigation. Objectif : réduire les délais de procédures et « purger le contentieux en moins de dix mois ». Cette présomption d'urgence concernera aussi des projets de bâtiments d'élevage, dont les permis de construire sont régulièrement l'objet de recours d'associations de défense de la nature.

Le gouvernement veut adapter l'échelle des peines et remplacer des sanctions pénales par des sanctions administratives dans certains cas d'atteinte à l'environnement.

(Avec AFP)

Commentaires 3
à écrit le 10/04/2024 à 11:20
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Les agriculteurs ne diront pas merci à LFI !

à écrit le 09/04/2024 à 16:54
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Si le Conseil d'Etat émet un avis négatif, à quoi bon déranger le Conseil Constitutionnel (qui ne devrait pas exister): ce Conseil est composé de conseillers ayant, pour la plupart, la même formation que ceux composant le Conseil d'Etat. On peut se d...

le 10/04/2024 à 11:22
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Pas une grande confiance dans le Conseil d'Etat. Il change d'avis comme de chemise, et surtout ses avis sont beaucoup plus politiques que juridiques. S'il faut n'en garder qu'un, c'est le CC.

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