« Si on veut des agriculteurs en France, il est inacceptable de payer le lait au prix actuel » (Michel Biero, Lidl)

Alors que le Salon de l'agriculture ferme ses portes ce dimanche, Michel Biero, le patron de Lidl France, partage à La Tribune ses convictions pour résoudre la crise agricole.
Michel Biero : « Une tête de chou-fleur est achetée à 25 centimes à un agriculteur et revendue à 4,09 euros dans certains grands magasins. Il y a de la marge ! Et aujourd'hui, cela ne dérange personne ».
Michel Biero : « Une tête de chou-fleur est achetée à 25 centimes à un agriculteur et revendue à 4,09 euros dans certains grands magasins. Il y a de la marge ! Et aujourd'hui, cela ne dérange personne ». (Crédits : Martine Frankreich)

LA TRIBUNE- Vous êtes l'un des rares acteurs favorables aux « prix planchers » évoqués par Emmanuel Macron parmi les solutions possibles pour résoudre la crise agricole. Il se murmure même que vous avez soufflé cette idée au Premier ministre. Qu'imaginez-vous ?

MICHEL BIERO- Je n'ai jamais parlé de « prix planchers », qui peuvent effectivement devenir des prix plafonds, mais de « prix minimums garantis ». Lidl en a eu l'idée dès 2018, lorsque nous avons proposé trois amendements à la loi Egalim I (non retenus, ndlr) : l'instauration de prix minimums garantis, mais aussi de prix minimums de vente pour les distributeurs et d'une interdiction de promotions pour les produits issus de l'élevage. Ces « prix minimum garantis » seraient des prix de référence basés sur les indicateurs des coûts moyens de production que les premiers acheteurs de la matière première agricole seraient tenus de respecter. En cas d'achat à un prix inférieur, ils devraient prouver à l'Etat que le producteur ne vend pas à perte. J'en ai reparlé ce vendredi avec la ministre chargée de la Consommation, Olivia Grégoire. L'enjeu est maintenant de mieux définir comment on fait pour aller dans une telle direction, si c'est ce choix qui est décidé. Je pose d'ailleurs une question : quelles solutions proposent ceux qui critiquent cette idée ?

Lire aussiAgriculture: les prix planchers sont « un frein dans la compétitivité européenne » pour le patron d'Intermarché

Le président de la République a parlé de prix « opposables » devant les juges. C'est votre idée ?

Moi, je ne veux pas opposer quoi que ce soit. Je ne suis ni avocat, ni politicien, mais j'essaie de soutenir le monde agricole et de proposer des solutions pour sortir de la crise actuelle. Mais les indicateurs moyens des coûts de production, qui existent déjà dans certaines filières, sont construits à partir de bases solides. Pourtant, alors que ces indicateurs déterminent que le lait conventionnel de plaine doit être payé 46 centimes le litre, tout le monde la paye aujourd'hui 41 centimes.

On objecte que cela impliquerait des prix plus élevés pour les consommateurs...

Je ne suis pas du tout d'accord avec cela. Aujourd'hui, une tête de chou-fleur est achetée à 25 centimes à un agriculteur et revendue à 4,09 euros dans certains grands magasins. Il y a de la marge ! Et aujourd'hui, cela ne dérange personne ! Si tout le monde vendait le litre de lait à 1 euro, on n'en vendrait pas moins. On ne s'inquiète pas de vendre plus cher que cela du soda de grande marque... La question est : veut-on continuer d'avoir des agriculteurs en France ? Si oui, c'est inacceptable de payer le lait au prix actuel.

On objecte aussi que cela pourrait nuire à la compétitivité des produits français sur le marché européen.

C'est bien pour cela que le président a parlé d'une loi Egalim européenne. Le problème des justes revenus est d'ailleurs partagé par les agriculteurs des divers Etats membres.

Pendant le Salon, vous avez signé de nombreux contrats tripartites. Vous comptez désormais 5.000 éleveurs engagés dans un contrat tripartite avec Lidl. Êtes-vous favorable à une généralisation de ce modèle dans lequel la rémunération négociée avec les agriculteurs doit être respectée dans les accords entre transformateurs et distributeurs ?

Je serai sans doute favorable à l'inscription dans la loi d'une obligation pour les distributeurs de déterminer les prix d'un certain volume de leur approvisionnement en contractualisation tripartite, que ce soit pour les produits de marque distributeur ou de grande marque nationale

Aujourd'hui, les négociations avec les grandes marques sont régies par la loi de modernisation de l'économie (LME), que vous suggérez de réformer voire d'abroger avant de revoir une nouvelle fois les lois Egalim. Qu'est-ce qui pose problème précisément ?

Selon la loi de modernisation de l'économie, qui régit 70% des produits alimentaires vendus en grande distribution, le point de départ de la négociation est le tarif proposé par les agro-industriels, qui ne sont pas du tout transparents. La négociation porte ensuite sur les services rendus par les distributeurs.

Par définition, en vertu de cette loi, les prix sont construits en marge arrière, sans tenir compte de la rémunération des producteurs. Et aujourd'hui, la LME écrase complètement les lois Egalim, qui essaient d'inverser le mécanisme.

Emmanuel Macron avait aussi suggéré en septembre 223 la conclusion d'un « accord sur la modération des marges » avec les industriels et les distributeurs. L'idée, un temps abandonnée, semble revenir. Qu'en pensez-vous ?

Je serai d'accord, à la condition que tout le monde le respecte. Or, aujourd'hui, le gouvernement refuse même de nommer ceux qui font des marges excessives.

Pour défendre leurs centrales d'achat naissantes, vos concurrents français accusent Lidl de vendre en France des produits achetés ailleurs en Europe. Que répondez-vous ?

Lidl a de vraies centrales d'achat, qui achètent au niveau européen les produits qui sont distribués dans tous ses magasins d'Europe. Cela représente 25% des produits vendus par Lidl France. Nos concurrents français ont à l'étranger, non pas des centrales d'achat, mais des centrales de négociation de services, complètement déconnectées de la question du juste prix payé aux producteurs. A ce niveau-là, on ne sait même pas que l'agriculteur existe.

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Commentaires 22
à écrit le 02/03/2024 à 21:45
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Vivement que le Secteur Primaire (agriculteurs, pêcheurs,...) bénéficient de l'amélioration de leurs conditions de travail à l'image des secteurs Secondaires et Tertiaires, que ce soit en terme de revenus, de pensions et de confort de vie. Existerion...

à écrit le 02/03/2024 à 17:16
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Bonjour, bon avant toute chose, ils n'est pas acceptable que l'agriculture soit a ce point subventionné... Surtout que les denrées alimentaires sont vendus très très chère... Donc forcément certains s'enrichissent énormément... Donc tous cela n'est ...

à écrit le 02/03/2024 à 16:18
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aux 42 centimes qu'il propose il faut quand meme ajouter toutes les subventions de la PAC elles ne sont pas minces mais nos journalistes et nos agriculteurs le cachent

à écrit le 02/03/2024 à 15:49
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Entre celui qui nourrit et trait les vaches, et celui qui met le lait en rayon qui gagne le plus ?

à écrit le 02/03/2024 à 12:59
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j'achète le lait, le beurre, les yaourts C'EST QUI LE PATRON et j'ai confiance en eux pour rémunérer correctement les producteurs.

le 02/03/2024 à 17:20
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Le Patron n'a du lait qu'en bricks ? J'en ai vu y a qq temps mais à part le frais, pas de lait... Une entreprise de Haute-Savoie (Poch*) a été rachetée par Lacta*, le beurre et le Reblochon sont donc optimisés (pour rapporter plus). Quand le beurre ...

le 02/03/2024 à 19:11
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oui, le lait C QUI LE PATRON ne vend que du lait en bricks (pas de lait cru) et je ne trouve plus que le brick bleu alors qu'autrefois y'avait le lait bio et le lait entier. J'achetais aussi des sardines mais la production a été arrêtée. Y'a de la ...

à écrit le 02/03/2024 à 12:50
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Il faut une TVA de 5,5% sur les circuits courts et de 25% sur le reste. Nos agriculteurs non-exportateurs finiront par augmenter leur part de valeur ajoutéé

à écrit le 02/03/2024 à 10:55
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La grande distribution se targue de défendre le pouvoir d'achat, et les agriculteurs se flinguent parce qu'ils n'ont pas assez d'argent pour vivre : il y a un truc qui cloche, c'est sûr.

le 02/03/2024 à 11:51
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Début d'explication, un bon nombre d'agriculteurs ont été poussés à se lancer dans des activités ; cultures ou élevage entrainant des investissements qui à l'arrivée ne dégagent pas de revenus suffisants pour rembourser les crédits et vivre .Et là s...

le 02/03/2024 à 17:28
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La Grande Distribution achète-t-elle directement aux producteurs ? Pour les plats préparés, non. A une époque il y avait eu une idée loufoque, afficher à côté du prix à payer le prix d'achat ! On voyait une marge de 75-100% pour les fruits légumes (...

à écrit le 02/03/2024 à 8:21
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"Convictions " peut-être mais seulement marchandes.

le 02/03/2024 à 8:51
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m macron fustige la russie et l'arestation de personne mais que fait il avec les agriculteurs qui exprime leur désaccord sur le model agricole voulu par le pouvoir et rejeté par toute la france et meme l'europe c'est cela sa vision de la democrat...

le 02/03/2024 à 10:20
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@ludwig - Vous ne pouvez pas opposer la Russie et l'agriculture Française ! Le modèle agricole francais n'existe pas. il s'inscrit dans une politique globale Européenne et mondialisee. On peut le regretter, mais en sortir est utopique.

à écrit le 01/03/2024 à 22:33
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Un choix fleurs acheté 0,25 € au producteur et revendu 4€ .. c est pour ça que j en Mange plus depuis des années .. ainsi que certains produits comme le concombre acheté en Espagne ou au Pays Bas. 0,15 € mais revendu à 1€30 cet été en idf … prati...

le 02/03/2024 à 10:17
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"comme un Arracheur de dent" Caroline Pursey souffrait trop pour attendre trois mois pour obtenir un rendez-vous avec un dentiste du service public et n'avait pas les moyens de payer un dentiste exerçant en cabinet privé.La douleur était devenue i...

à écrit le 01/03/2024 à 22:04
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Ce monsieur devrait faire ses courses chez LIDL. Il pourrait constater qu'il y a un grand nombre de produits provenant du bout du monde, beaucoup de fruits et légumes qui sont emballés notamment sous carton. Je le mets au défi de voir l'état des prod...

à écrit le 01/03/2024 à 21:33
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On en veut pas, de votre lait, c'est quand meme pas complique a comprendre ?

à écrit le 01/03/2024 à 21:03
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Quel prix permettrait la journée de 8h, la semaine de 35h, 6 semaines de congé...?

à écrit le 01/03/2024 à 20:08
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"Si on veut des agriculteurs en France" les industriels transformant le lait n'en ont cure de savoir d'où il vient, ça voyage en camions, voire citernes sur les trains, le lait. Il a aucun 'terroir' le lait (dans l'absolu, les lait spécifiques sont r...

à écrit le 01/03/2024 à 20:06
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si on veut des agriculteurs en france il faut 1 distinguer les cerealiers avec 500 hectares ou le vignerons qui gagnent bien sa vie et le fermier de la lozere avec moins de 100 hectares qui ne la gagne pas surtout sil fait de l'elevage ou d...

à écrit le 01/03/2024 à 19:57
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Lactalis propose 420 euros les 1.000 litres soit 0,42 euros le litre alors que la coopérative cantaveylot offre 0.55 euros du litre à ses adhérents.... et Lidl ?

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