Attractivité de la France : un boom des investissements étrangers en trompe-l'œil

Le nombre de décisions d'investissements a atteint un sommet en 2023 selon l'agence Business France, avec 1.815 projets recensés contre 1.725 en 2022 et 1.607 en 2021. Porté par les Etats-Unis, ce classement a cependant fait l'objet d'un changement de méthode. Désormais, l'agence Business France prend en compte des investissements de « pérennisation » sur la décarbonation et le numérique. ll faudrait exclure 112 projets d'investissements pour pouvoir comparer les résultats de 2023 et ceux de 2022.
Grégoire Normand
Le quartier de la Défense.
Le quartier de la Défense. (Crédits : Reuters)

L'image de la France à l'étranger résiste. En plein ralentissement économique sur le continent européen, les entreprises étrangères ont poursuivi leurs annonces d'investissements dans l'Hexagone. Selon le bilan de Business France dévoilé ce jeudi 29 février, le nombre de décisions d'investissements s'est établi à 1.815 en 2023 contre 1.725 en 2022. « Ces annonces vont permettre la création ou le maintien de 59.254 emplois contre 58.810 en 2022. Ces chiffres sont excellents », s'est réjoui l'Elysée à l'annonce de ces résultats.

Sur les réseaux sociaux, le chef de l'Etat Emmanuel Macron et le ministre de l'Economie n'ont pas manqué de se féliciter. « Grâce aux réformes et à notre stratégie d'attractivité, la France attire toujours plus d'investissements internationaux. Nos partenaires nous font confiance. C'est bon pour l'emploi et la vie des territoires », a réagi le chef de l'Etat.

Derrière ce récit, l'économie française peine à retrouver du souffle. La croissance du produit intérieur brut (PIB) a certes augmenté de 0,9% en 2023 mais l'activité a quasiment fait du surplace en fin d'année (+0,1% au dernier trimestre) après un troisième trimestre à zéro. S'agissant des perspectives, la croissance devrait rester poussive selon l'Insee.

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Un record en trompe l'oeil

Les chiffres présentés par l'entourage du président et celui du ministre du Commerce extérieur Franck Riester font état d'une hausse entre 2022 et 2023. Mais ces données sont à prendre avec des pincettes. L'agence en charge de collecter les décisions d'investissement a changé de méthode en 2023. « Le périmètre de comptabilisation des projets est élargi », explique l'opérateur à La Tribune.

Désormais, Business France dirigé par Laurent Saint-Martin prend en compte «les investissements de décarbonation, digitalisation, sauvegarde et partenariats technologiques, lorsqu'ils ne génèrent pas d'emplois, car ils renforcent l'outil industriel français, modernisent les sites des investisseurs étrangers et entrent dans la stratégie d'attractivité France 2030 ». Ce changement de périmètre conduit à gonfler le bilan général de 112 investissements supplémentaires selon l'Elysée. Si on retranche ce chiffre au bilan, « on aboutit au même nombre de projets (entre 2022 et 2023) à quelques dizaines près », précise l'entourage du président.

Les Etats-Unis en tête mais l'attractivité de la France montre des signes d'essoufflement

Sur le podium des pays arrivant en tête dans l'Hexagone, figurent sur les trois premières marches les Etats-Unis (305 projets ;17.000 emplois), l'Allemagne (272 projets ; 6.815 emplois) et enfin le Royaume-Uni (173 projets ; 4.435 emplois). Arrivent ensuite la Belgique (126 projets ; 3.585 emplois) et enfin l'Italie (126 projets ; 2.611 emplois).

La puissance américaine fait toujours la course en tête. Mais des signes d'essoufflement apparaissent. Le dernier baromètre de la chambre de commerce américaine (AmCham) dévoilé ce mercredi 28 février souligne que l'attractivité de l'Hexagone s'est « effritée » au cours de l'année 2023.  « La France reste attractive mais on ne peut ignorer les signaux d'alerte », a prévenu Marc-André Kamel, associé et directeur chez Bain & Company et vice-président de l'AmCham France. Ce constat rejoint les enseignements de l'institut de Rexecode sur la compétitivité française publiés début février.

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Occupant pendant plusieurs années la première place du classement, l'Allemagne appuie désormais sur le frein des investissements dans l'Hexagone. La première économie de la zone euro est actuellement frappée par la récession. En première ligne dans la crise énergétique et la guerre en Ukraine, l'industrie outre Rhin paie un lourd tribut pour sa dépendance au gaz russe bon marché. A cela s'ajoute, le coup de frein économique de la Chine restée pendant des années un débouché important pour le Made in Germany. Résultat, des fleurons du « Mittelstand » allemand taillent dans leurs effectifs.

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Réindustrialisation : le parcours d'obstacles

L'entourage d'Emmanuel Macron n'a pas hésité à vanter l'importance des réformes structurelles et les différentes baisses de fiscalité menées depuis 2017 avec la baisse de l'impôt sur les sociétés (de 33% à 25%) et des impôts de production (10 milliards), la transformation du CICE en baisse pérenne de cotisation. Malgré la satisfaction affichée du gouvernement, l'industrie tricolore continue de souffrir amplement. Sur le plan macroéconomique, les indicateurs d'attractivité parfois critiqués ne témoignent pas forcément de la réalité d'un secteur. Ainsi, la production manufacturière a fini l'année 2023 à zéro selon les derniers chiffres de l'Insee dévoilés ce jeudi 29 février après un troisième trimestre dans le rouge. L'indice PMI des directeurs d'achats, un indicateur avancé très regardé dans les milieux économiques, s'est redressé en février. Mais il est toujours en territoire négatif et demeure très loin de son niveau de 2019.

L'autre indicateur inquiétant est que la part de l'industrie manufacturière dans le PIB tricolore est encore très basse et reste très loin de son niveau des années 70. Et l'objectif du gouvernement d'augmenter cette part de 5 points paraît bien optimiste aux yeux de plusieurs experts. « Le poids de l'industrie manufacturière dans l'économie française ne va pas remonter à 15%. Le premier objectif est de stabiliser cette part. Il faut arrêter ce processus mortifère », a alerté l'économiste de Rexecode, Denis Ferrand lors d'une audition à l'Assemblée nationale ce mercredi 28 février.

Sur le front de l'emploi, les derniers indicateurs pour 2023 témoignent de créations d'emplois nettes positives. L'industrie tricolore a créé environ 20.000 emplois l'année dernière passant de 2,845 millions à 2,865 millions. L'emploi dans le Made in France dépasse même son niveau d'avant pandémie de 2,8%. Mais sur le long terme, les chiffres de l'institut de statistiques indiquent que la désindustrialisation a fait des ravages sur l'emploi en France. Autant dire que les investissements étrangers sont encore très loin de compenser les milliers de destructions de postes et les délocalisations en pagaille.

Industrie Insee

Grégoire Normand
Commentaires 8
à écrit le 01/03/2024 à 14:54
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Je ne comprends pas cette « part de l’industrie dans le PIB tricolore…. » Elle est mesurée comment ?? La seule mesure valable est la contribution à la valeur ajoutée, comme le fait le FMI pour la Banque Mondiale, et concernant la France, elle s’établ...

le 01/03/2024 à 15:43
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Les données sont priises différement mais compatibles. Le UK et les USA sont les deux autres champions de la désindustralisation sauf que les USA vont réussir à réindustrialiser alors que nous on stagne

à écrit le 01/03/2024 à 14:43
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Le gouvernement ment comme il respire, la France est dans un état catastrophique, c’est déjà le dépôt de bilan… il n’y a que les francais qui pensent que la France va bien… lamentable ce pays..,

le 01/03/2024 à 15:44
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Si on n'aime pas le mensonge on ne fait pas de la politique et surtout on ne gagne jamais les élections

le 01/03/2024 à 16:20
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La France est arrivée au bout du bout dans sa politique de dépenses publiques. Le serrage des boulons est inévitable et le prochain gouvernement y sera confronté et sera obligé de faire des choix très douloureux d'autant plus que pleins de crédules a...

à écrit le 29/02/2024 à 23:13
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Avec ce graphique : On peut remarquer que quelque soit le gouvernement la courbe baisse. La droite n a pas plus de légitimité que la gauche sur le sujet depuis 1974….

à écrit le 29/02/2024 à 18:31
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110 en plus ou en moins, c'est un bilan toujours aussi excellent. très forte hausse ces dernières années. l'Hexagone domine largement en Europe sur l'industrie manufacturière et la R&D (Baromètres EY de l'Attractivité de la France). ça s'ajoute au gr...

le 01/03/2024 à 6:35
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Les chiffres plus il y en a plus on se contente de peu. Le politique mais peut être êtes vous dans cette caste de flambeurs aime manipuler les chiffres à son avantage. Dans ces chiffres le point qui a une vérité la France n'arrive pas à se re industr...

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