Croissance : l'Insee table sur une reprise poussive de l'économie au premier semestre

Plombée par des investissements dans le rouge, l'économie française peine à sortir de sa léthargie de la fin de l'année 2023. Après avoir fait du surplace pendant six mois, la croissance du PIB devrait légèrement accélérer à 0,2% durant les deux premiers trimestres de 2024, anticipe l'Insee.
Grégoire Normand
Dans la construction, les projets d'investissement sont en berne.
Dans la construction, les projets d'investissement sont en berne. (Crédits : Reuters)

L'économie française peine à sortir la tête de l'eau. Frappée de plein fouet par l'inflation et l'envolée des taux d'intérêt, la France demeure empêtrée dans une activité atone. La croissance du produit intérieur brut (PIB) a, certes, augmenté de 0,9% en 2023. Mais ce chiffre résulte en grande partie d'un rattrapage : l'activité en rythme trimestriel, elle, plafonne à zéro durant trois trimestres sur quatre. Et les six prochains mois ne s'annoncent pas miraculeux non plus. Dans son point de conjoncture dévoilé ce mercredi, l'Insee table sur une croissance du PIB de... 0,2% pour les deux premiers trimestres de 2024.

Dans les faits, l'institut n'a pas modifié ses prévisions par rapport à décembre. « Il faut s'attendre à une reprise très modérée », a confirmé Dorian Roucher, nouveau chef du département de la conjoncture, lors d'une réunion avec des journalistes.

« L'économie française a fait du surplace ces six derniers mois. Pour le premier semestre 2024, on peut espérer un redémarrage timide de l'activité », a-t-il ajouté.

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De son côté, le gouvernement table toujours sur une croissance du PIB de 1,4% en 2024. Mais ce pari est désormais de moins en moins crédible aux yeux de la plupart des économistes.

De son côté, l'OCDE a dégradé sa projection de 0,2 point lundi dernier : à 0,6%, contre 0,8% en novembre. L'exécutif devrait réviser prochainement son chiffre de croissance. Et pour cause, en zone euro, les moteurs de l'activité sont au point mort.

« Pénalisée par le choc inflationniste et le resserrement monétaire, l'activité y stagne depuis, avec cinq trimestres consécutifs de croissance quasi nulle », indiquent les auteurs du point de conjoncture.

Des investissements en berne

Sur le front des investissements, les mauvaises nouvelles s'accumulent. Après une année 2023 morose, l'Insee ne prévoit pas d'embellie pour les mois à venir. Quelques indicateurs avancés, comme le climat des affaires dans le commerce de gros ou les investissements prévus dans les services, poursuivent leur chute inexorablement depuis deux ans.

« L'investissement des entreprises serait à l'arrêt sous l'effet du resserrement de la politique monétaire et de l'attentisme des dirigeants à l'égard de la demande », souligne Dorian Doucher.

« Jusqu'au début de l'année 2023, il y avait une résistance de l'investissement des entreprises. Mais désormais, c'est l'atonie ».

Du côté des ménages, le repli de la fin de l'année 2023 (-1,4% au dernier trimestre) se poursuivrait au moins jusqu'au premier semestre 2024. « Le principal canal par lequel passe les effets de la politique monétaire est l'investissement des ménages », explique le conjoncturiste. Résultat, les secteurs de la construction et de l'immobilier risquent de souffrir pendant encore un long moment. « Globalement, les promoteurs immobiliers sont très pessimistes dans les enquêtes ». Compte tenu du temps de propagation des effets de la politique monétaire sur l'économie estimée entre 12 et 18 mois, l'horizon risque de rester sombre pendant encore longtemps pour les acteurs de la construction.

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L'industrie toujours dans le rouge

Dans l'industrie, les indicateurs sont également décevants. Le climat des affaires dans les grandes branches de l'industrie manufacturière sont en chute libre depuis le début de l'année 2021. La réouverture de l'économie au moment du déconfinement post-pandémie avait provoqué un rebond des moteurs de l'industrie tricolore. Mais passé cet effet de base, le « Made In France » est toujours à la peine.

Hormis dans la fabrication des matériels de transport, les indices de confiance sont bien inférieurs à leur moyenne de long terme. « Il y a une forte disparité entre les matériels de transport et l'industrie agroalimentaire », remarque Dorian Doucher. Mais la tendance globale des courbes est plutôt défavorable.

climat des affaires industrie

L'inflation serait à 2,5% en juin..

Sur le front des prix, l'inflation pourrait redescendre à 2,5% d'ici juin prochain. Après avoir atteint 3,7% en décembre, l'indice général des prix est retombé à 3,1% à la fin du mois de janvier. « L'alimentation a été la principale contribution à l'inflation entre septembre 2022 et septembre 2023 », a résumé Clément Bortoli, chef de la division Synthèse conjoncturelle.

« Ce sont désormais les services qui devraient principalement contribuer à l'inflation avec la dynamique des salaires », a-t-il poursuivi.

Dans le secteur privé, « les salaires ralentissent un peu (après environ +4,5% en moyenne annuelle en 2023), mais restent assez dynamiques car les négociations se fondent sur l'inflation passée. L'acquis de croissance du salaire moyen par tête à mi-année serait de +2,6% », détaille à La Tribune, Dorian Roucher.

Du côté du secteur public, « le salaire moyen par tête a évolué à un rythme proche, mais légèrement inférieur à celui du secteur privé (+4,0% en 2023), notamment du fait des mesures catégorielles en faveur des enseignants et de la revalorisation du point d'indice au 1er juillet 2023. Début 2024, de nouvelles mesures ont été mises en œuvre et l'évolution resterait un peu inférieure à celui du secteur privé. L'acquis de croissance du salaire moyen par tête à mi-année serait de +1,9% »

L'inflation sous-jacente irait vers les  2% en juin

Concernant l'inflation sous-jacente, elle pourrait s'établir à 2%. Pour rappel, cet indice « exclut les éléments les plus volatils c'est-à-dire les prix soumis à l'intervention de l'État (électricité, tabac...),  les produits pétroliers ou les produits frais ».

L'inflation sous-jacente « traduit mieux que l'indice d'ensemble les tensions inflationnistes, car moins perturbée par des phénomènes exogènes », rappelle Dorian Roucher.

« D'ici juin, l'inflation sous-jacente refluerait nettement comme l'inflation d'ensemble (2,1% attendu sur l'inflation sous-jacente contre 2,6% pour l'inflation d'ensemble). Ce reflux s'explique notamment par la décrue attendue de l'inflation des produits alimentaires (hors frais) ainsi que des produits manufacturés », ajoute-t-il.

Cette évolution des prix se rapproche l'objectif de la Banque centrale européenne (BCE) fixé à 2%. Mais les banquiers centraux de la zone euro n'ont pas l'air pressé de baisser les taux. Lors de ses dernières interventions, la présidente de la BCE, Christine Lagarde, s'est montrée particulièrement prudente. Pourtant, les effets du resserrement de la politique monétaire ont déjà fait plonger l'activité de la zone euro au cours de l'année 2023. Et les répliques de la hausse des taux pourraient encore de se propager pendant encore de longs mois sur l'économie de l'union monétaire engluée dans une croissance particulièrement faible.

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Reprise de la consommation

Cette désinflation devrait redonner du souffle au pouvoir d'achat des ménages et aux salariés. Pressés par la poussée de fièvre des prix, de nombreux Français ont dû tailler dans leurs dépenses de consommation pour pouvoir boucler leur fin de mois pendant près de deux ans. Pour le premier semestre, l'Insee considère que « la consommation sera le premier moteur de l'activité », fait valoir Dorian Roucher. La confiance des ménages français a regagné du terrain en fin d'année 2023. Mais son niveau reste 10 points en deçà de sa moyenne de long terme (100).

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Ce qui signifie qu'une grande partie des Français ayant la plus forte propension à consommer vont continuer de se serrer la ceinture. Et les ménages plus aisés pourraient continuer d'épargner. Le taux d'épargne (autour de 17%) demeure en moyenne supérieur à son niveau de 2019. Mais il serait amené « à se stabiliser », prévoit Dorian Roucher.

« Les revenus du patrimoine ont une propension plus importante à être épargnés. Ce sont les ménages les plus aisés, c'est-à-dire le dernier quartile, qui ont continué d'épargner après la crise sanitaire. En revanche, les autres ménages sont revenus à un niveau d'épargne plus normal ».

Autant dire que le levier de l'épargne pour faire repartir la consommation reste relativement limité.

Grégoire Normand
Commentaires 4
à écrit le 08/02/2024 à 9:04
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C'est la conséquence de ces prélèvements obligatoires titanesques et de ces déficits incontrôlés. L'état devrait se révolutionner pour retrouver une bonne croissance.

le 08/02/2024 à 16:53
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Vous pensez sérieusement que le pouvoir en place va dire à ses plus fidèles électeurs de bien gentiment mettre fin à leurs jours au nom du redressement du commerce extérieur? :-)

à écrit le 07/02/2024 à 19:34
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C'est fou le nombre de gens qui ont leur propre institut de statistiques !

à écrit le 07/02/2024 à 17:26
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En PIB réel (hors inflation), l'économie française peine à sortir de sa récession courant 2023: T3 -0,03 % et T4 -0,02 %. Le reste blablabla de l'Insee.

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