Les nuages s'amoncellent au-dessus de l'économie française. Après une année 2023 au ralenti, la croissance du produit intérieur brut (PIB) devrait marquer le pas cette année. Le gouvernement a fini par réviser sa prévision de croissance à 1%, mais il reste au-dessus de la plupart des instituts de prévision. En zone euro, la croissance fait également du surplace, plombée par les vastes difficultés de l'économie allemande.
Dans ce climat troublé, les entreprises américaines portent un regard mitigé sur l'image de la France. « Il y a un certain nombre de bonnes nouvelles. La France a toutes les cartes en main pour être attractive », a déclaré Marc-André Kamel, associé et directeur chez Bain & Company et vice-président de l'AmCham France, lors d'un point presse ce mercredi 28 février.
« Dans un contexte turbulent et chahuté, il y a cependant quelques messages d'alerte. L'attractivité de la France s'est érodée. Certaines faiblesses historiques de la France, comme le coût du travail et les difficultés administratives, remontent à la surface », a-t-il énuméré.
Pour rappel, « les Etats-Unis restent le premier investisseur étranger en France ». À l'Elysée, l'attractivité est un thème particulièrement scruté par le chef de l'Etat, Emmanuel Macron, et son entourage. Le président en a d'ailleurs fait un axe majeur de sa politique économique en baissant la fiscalité sur le capital depuis son arrivée au pouvoir en 2017. Mais force est de constater que « l'attractivité s'est effritée ».
Un regard plus négatif
Les résultats du baromètre dressent un tableau plus pessimiste que l'année dernière sur le regard des entreprises américaines dans l'Hexagone. En 2023, 52% des investisseurs interrogés avaient une perception bonne (45%) ou excellente (7%) de la France. C'est 6 points de moins qu'en 2022 (58%) et 12 points de moins qu'en 2021 (64%). À l'époque, la reprise post-Covid avait dopé l'optimisme des entreprises étrangères implantées en France. Mais, même avant la crise sanitaire, le point de vue des investisseurs américains étaient bien plus favorables.
En parallèle, les entreprises étrangères portent un regard plus critique sur la France. Ainsi, 48% des interrogés ont une perception moyenne (38%) ou mauvaise (10%). En 2022, cette proportion s'élevait à 41% et 37% en 2021.
« Les perspectives économiques sont meilleures que l'année dernière en raison du ralentissement de l'inflation, la baisse espérée des taux d'intérêt, les plans d'investissements publics. Certains secteurs connaissent du dynamisme comme l'aérospatial, la défense, le tourisme. Mais on n'est pas revenu à l'euphorie de 2021 et 2022 », ajoute Marc-André Kamel.
Il faut, en outre, rappeler que sur le front social, l'année 2023 a marqué l'entrée en vigueur de la réforme contestée des retraites après un printemps particulièrement électrique. Après les multiples manifestations et grèves, le gouvernement Borne avait échappé de peu à la motion de censure dans un parlement au bord de l'explosion.
Coût de la main-d'œuvre et climat social
Les répondants ont salué la qualité de la main d'œuvre, le système de formation professionnelle et les capacités d'innovation en France. En revanche, les investisseurs américains pointent le coût global de la main d'œuvre, la législation sociale, le climat social, la complexité administrative et réglementaire.
« La disponibilité de la main d'œuvre, le climat social et la stabilité politique font partie des priorités d'amélioration », souligne Marc-André Kamel.
S'agissant des collaborateurs étrangers, ils plébiscitent la qualité de vie et la culture, l'accès aux services de santé ou encore les infrastructures. En revanche, « le premier irritant pour les collaborateurs des entreprises américaines est le climat social. Le deuxième irritant est la fiscalité des particuliers », pointe le spécialiste du luxe.
La France ne prépare pas aux métiers d'avenir ?
Parmi les autres points faibles évoqués, figure le retard de la France pour préparer les jeunes aux métiers d'avenir. « Le système éducatif français ne prépare pas assez aux enjeux de demain, selon une grande partie des répondants. Il y a un écart entre les besoins de recrutements et les formations sur la transition écologique, le numérique » , souligne Marc-André Kamel. Résultat, les pénuries de main d'œuvre restent un sujet de préoccupation aux yeux des investisseurs américains.
Toujours sur le plan éducatif, « les dirigeants américains estiment que la réforme des lycées professionnels ne va pas assez loi pour résorber le déficit de profils techniques », rapporte l'expert. « Certaines filières ont clairement été abandonnées ».
Face à ce constat, « il faut maintenir le cap des réformes », estime Natacha Rafalski, présidente de l'AmCham France et présidente de Disneyland Paris. « La France est le pays le plus attractif en Europe. Il est important de célébrer les succès de la France ». Reste à savoir si Paris va conserver cette première place.