Réindustrialisation : le gouvernement face à l'immense défi du recrutement des jeunes

L'industrie va devoir recruter plus de 1 million de personnes dans les 10 années à venir. Face à ce défi colossal, le gouvernement compte sur la semaine de l'industrie pour mener une opération séduction auprès des jeunes. Mais la tâche pour redorer l'image du secteur va être immense après des années de marasme et de discours sur la société post-industrielle.
Grégoire Normand
Le ministre de l'Industrie Roland Lescure lors de la visite d'une école de formation à Montreuil en octobre 2023.
Le ministre de l'Industrie Roland Lescure lors de la visite d'une école de formation à Montreuil en octobre 2023. (Crédits : Reuters)

Les enjeux de recrutement pour réussir la bataille de la réindustrialisation sont immenses. Après plusieurs décennies de marasme, le gouvernement veut mettre le paquet sur l'attractivité des métiers dans l'industrie. À l'occasion de la semaine de l'industrie qui doit se dérouler du 27 novembre au 3 décembre, Bercy a mis en place une opération séduction à destination des jeunes. « Il y a 60.000 emplois vacants dans l'industrie », a rappelé le ministre de l'Industrie Roland Lescure, lors d'une réunion avec des journalistes.

Et les enjeux dans les dix ans à venir sont immenses. « L'industrie va avoir besoin de recruter plus d'un million de personnes », a insisté le locataire de Bercy. Le ministre n'a pas hésité à parler d'une « bombe démographique » pour évoquer les « 800.000 départs » à la retraite dans les dix ans à venir.

Jugés comme « ringards » pendant longtemps, les métiers de l'industrie ont souffert d'un déficit d'attractivité. Pour inverser la tendance, le gouvernement et BPI France veulent changer le regard sur ces fonctions. « Le défi majeur de cette semaine de l'industrie est de lutter contre les idées reçues. L'industrie ça paie, elle se décarbone et permet de faire carrière aussi à l'international », a résumé Roland Lescure. Pendant cette semaine, le ministère de l'Economie va accueillir « 1.500 jeunes issus des quartiers de politique de la ville pour découvrir les métiers de l'industrie ».

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60% des industriels en manque de bras

L'embellie sur le marché du travail s'est brutalement interrompue il y a quelques mois. Le ralentissement de l'économie a poussé les entreprises à appuyer sur le frein des recrutements. Résultat, le chômage est reparti à la hausse depuis deux trimestres au grand dam de l'exécutif qui vise toujours un objectif de plein emploi. Malgré ces baisses de tensions sur le marché du travail, les industriels sont toujours à la peine pour recruter.

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Selon la dernière enquête de la direction statistique du ministère du Travail (Dares) dévoilée cette semaine, 60% des chefs d'industrie ont déclaré avoir des difficultés de recrutement. Cette proportion est en baisse depuis juillet dernier. Mais demeure à un niveau élevé. Après avoir souffert de fortes difficultés d'offre dans le contexte de la pandémie, les industriels font part d'un problème de demande. Les carnets de commandes sont en berne. Ces difficultés de ressources humaines provoquent des conséquences en cascade. En octobre dernier, près du quart des dirigeants dans l'industrie affirmaient que leur activité était limitée par le manque de personnel.

Et les difficultés de recrutement pourraient s'amplifier si la réindustrialisation de l'Hexagone se confirme. En effet, l'implantation d'un site de production en France peut avoir « un effet d'entrainement » très important sur un territoire. Dans une étude récente, l'Insee a montré que « la localisation en France plutôt qu'à l'étranger d'activité manufacturière générant directement 1 milliard d'euros de valeur ajoutée créerait 24.400 emplois en tout »

Les femmes ne représentent que 30% des salariés du secteur

Pour pallier les pénuries, l'autre levier sur lequel veut insister Bercy concerne les femmes. « Le secteur souffre d'un manque d'attractivité auprès des femmes qui représentent moins de 30% des salariés du secteur », explique le ministère de l'Economie. « Elles restent peu présentes dans les fonctions de direction, occupent majoritairement des fonctions support et sont souvent exclues de la conception et de la production ».

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Face à ces enjeux, plus de 1.400 événements vont être consacrés aux enjeux de la mixité dans le secteur au cours de la semaine de l'industrie. Comme ailleurs, les inégalités salariales sont particulièrement criantes dans l'industrie. Selon l'Insee, l'écart entre les hommes et les femmes serait de 13% pour un poste à temps plein dans l'industrie.

Des enjeux immenses de formation et de compétences pour les métiers de l'industrie

En outre, la transition écologique et la décarbonation de l'économie va provoquer des bouleversements colossaux en termes de formation et de compétences. Lors d'un déplacement dans les Hauts-de-Seine ce vendredi 23 novembre, la ministre de l'Energie Agnès Pannier Runacher et celle de l'enseignement professionnel Carole Granjean ont ainsi sensibilisé les jeunes aux enjeux de la formation sur les débouchés de la transition énergétique.

Dans une récente note, les économistes du conseil d'analyse économique rattaché à Matignon ont, eux, alerté sur la nécessité de renforcer l'attractivité des métiers de la transition. « Les secteurs nécessaires à la transition ont déjà des problèmes d'attractivité à la base. Pour atteindre les objectifs de réduction de CO2, les entreprises ne vont pouvoir recruter que si les métiers sont attractifs. Et ce n'est pas seulement une question de salaire. Ces emplois sont souvent également difficiles sur le plan physique », a confié à La Tribune Aurélien Saussay, co-auteur de la note et professeur d'économie à la London School of Economics (LSE).

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Pour améliorer l'attractivité des métiers, il faut mettre l'accent sur les territoires explique à La Tribune un expert dans les politiques industrielles et fin connaisseur des rouages politiques consulté par Bercy. « Les salariés sont très attachés aux territoires sur lesquels ils travaillent. Il faut plus travailler sur les territoires pour les besoins du territoire avec les gens habitants du territoire. Il faut répondre aux besoins locaux des entreprises ». Récemment, le gouvernement a lancé la seconde phase du programme des territoires d'industrie. Reste à savoir si ce prolongement va s'accompagner d'une ambition importante sur l'attractivité des métiers de l'industrie.

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Grégoire Normand
Commentaires 26
à écrit le 28/11/2023 à 8:05
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Lorsque l'on constate les salaires en Allemagne et en Suisse, faut pas s'étonner de l'attractivité nulle des entreprises françaises. En France on me limiterait a 3K avec l'excuse du diplôme et de la "grille salariale", là où en Allemagne je tourne à ...

à écrit le 26/11/2023 à 20:21
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Apparemment la France n'a pas assez de Chaïd Akabli (cf. meutre raciste de Crépol) pour relancer l'industrie des pompes funèbres après avoir relancé l'industrie du voyage à la fin de la guerre d'Algérie (cf. la valise et le cercueil).

à écrit le 26/11/2023 à 7:33
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La main d'oeuvre? On l'aura: l'immigration, bien sur! Mais aurons nous l'Industrie? Et les matières premières? Faudra-t-il recourir à la Dette? Encore de la dette?

à écrit le 25/11/2023 à 18:23
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Bonjour, déjà pour recruter du personnel, ils faut payé un salaire proportionnelle au travail demandé. Payé les heures supplémentaires et que les conditions de travail soit acceptable... Maintenant, plus personne ne veux travailler comme un esclave...

à écrit le 25/11/2023 à 17:41
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Pourquoi il n'y a pas de lumière naturelle dans les usines ? comme dans les bureaux ? On est pas des taupes !

à écrit le 25/11/2023 à 13:36
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C'est étrange, à lire les commentaires, je me dis que certains ayatollah du libéralisme auraient fait d'excellents Gardes Rouges au plus fort de la Révolution Culturelle. Quelqu'un pourrait-il m'expliquer cet étrange paradoxe?

à écrit le 25/11/2023 à 10:55
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Avant de recruter il faut former des professions souvent pointues et l’ère Chirac a tourné le dos à ces formations au profit de la seule conception et du commerce. Je me souviens de tas de machines outils partant à la casse.

le 25/11/2023 à 13:57
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Sauf qu'aujourd'hui les machines outil tout comme les automates programmables sont à commandes numériques ; fini le temps du pied à coulisse et des clefs de serrage ...ce qui explique les machines qui partent à la casse .

le 25/11/2023 à 14:04
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@albert : si c'était des machines à commandes manuelles, c'est tout à fait normal. C'était d'ailleurs la raison de la retraite à 60 ans, remplacer 100 ouvriers aussi fatigués que leurs machines outils par une dizaine de jeunes ouvriers travaillant pl...

à écrit le 25/11/2023 à 10:21
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La proposition d'Attal de mettre de nouveau le redoublement à l'école comme dans les années 70 n'est pas innocent à l’époque celui qui redoublait finissait généralement dans un CET pour faire un métier manuel.Ce qui déterminait à cette époque l'aveni...

le 25/11/2023 à 10:33
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Ce que vous dites ne correspond pas à ce que j'ai vécu dans les années 70, avez-vous des chiffres fiables à l'appui de vos affirmations ?

à écrit le 25/11/2023 à 9:18
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Ben bosser dans des entrepôts amazone ou bien dans des usines à goudron c'est pas fun !

à écrit le 25/11/2023 à 7:51
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Et si l'école s'occupait de l'apprentissage et de la formation des jeunes au lieu de l'éducation de la sexualité et du genre?

le 25/11/2023 à 9:18
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Et si l'argent public arrêtait d'arroser l’économie "privée" ? Histoire qu'elle retrouve un semblant de dignité.

à écrit le 24/11/2023 à 21:04
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et oui on est devant les vrais problèmes économiques .....le travail en France a rarement été mis en avant..... depuis 1981 on a bercé la France sur le temps de travail , sur les vacances et les loisirs et on continue avec l'assistanat ....on a même ...

le 25/11/2023 à 9:34
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"et on continue avec l'assistanat ." Le travail gratuit offert aux entreprises privés c'est de l'assistanat ? Ah oui en effet, de l’assistanat envers les plus riches. Mais comment font ils pour se regarder dans un miroir tous ?! Quelle affligeante mé...

le 25/11/2023 à 18:22
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Oh, vous savez, il y a un pays ou le travail était obligatoire, ce pays s'appelait l'URSS :-)

à écrit le 24/11/2023 à 19:08
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La France est perdue Grande territoire aucune opportunité

à écrit le 24/11/2023 à 18:22
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« Il y a 60.000 emplois vacants dans l'industrie », a rappelé le ministre de l'Industrie Roland Lescure Selon une étude parue en juillet 2023 sur le site de la Fabrique de l’Industrie, le nombre de formations dispensées est suffisant, mais moins d...

le 25/11/2023 à 13:21
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Et on pourrait ajouter que les français mobiles aspirent bien davantage à travailler dans la bureaucratie d'entreprise.

à écrit le 24/11/2023 à 18:21
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wow, l'etat stratege fait de la comm, ' et en meme temps' diminue les budgets de l'apprentissage!!!!!!!!! faut pas etre manchot pour par s'etouffer!!! sinon, on reprend depuis le debut...la france a fait le choix de faire la chasse au capital capital...

à écrit le 24/11/2023 à 17:21
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Pas terrible la photo de jeunes devant un moteur à pétrole dont on sait qu'ils seront (en principe) interdits de construction en 2035..

à écrit le 24/11/2023 à 17:04
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Le travail dans l'industrie en moyenne paye mieux. L'education, les compétences et les vocations et donc, en résumé le facteur humain, est de loin le plus important. Mais le fait d'avoir favorisé le nivellement par le bas des salaires sur le smic e...

le 24/11/2023 à 20:09
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"en pillant tous les salaire entre 1,5 et 7 fois." 7 fois 1 383,08 € par mois, il doit bien en rester un peu non par rapport à celui qui est pillé avec 1,5 fois le smic .

à écrit le 24/11/2023 à 16:56
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L'industrie n'attire pas en raison des salaires , un jeune ingénieur gagnera mieux sa vie dans le conseil, la logistique sans parler de la banque assurance que dans une usine .Après former aux métiers de l'industrie c'est bien à condition de mettre e...

le 25/11/2023 à 13:07
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Pour sûr la saillie de Serge Tchurük sur sa prophétie "d'entreprise sans usine" a eu un impact dévastateur, Louis Gallois déplorant quelques années plus tard que les 3/4 des élèves de Sup-Aéro aspiraient à travailler dans la finance...

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