La bataille budgétaire s'apprête à monter en intensité. Deux semaines après la présentation du budget 2024 à Bercy, la Commission des finances de l'Assemblée nationale se prépare à attaquer l'examen du texte ce mardi 10 octobre. Les parlementaires vont devoir passer au crible plus de 3.000 d'amendements. Face à cette montagne, le gouvernement devrait écarter les propositions les plus coûteuses pour les finances publiques. Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire veut engager un plan d'économies drastiques de plus de 16 milliards d'euros en 2024.
À la veille de l'examen du texte de loi au Palais Bourbon, le locataire de Bercy veut amplifier le coup de rabot budgétaire. « Ce serait formidable si la France pouvait envoyer ce message, gouvernement et majorité, que nous sommes capables d'améliorer la copie du gouvernement non pas avec de nouvelles dépenses, mais avec 1 milliard d'économies supplémentaires, voilà l'ambition que je fixe à notre majorité », a expliqué Bruno Le Maire sur l'antenne de Sud Radio.
Confronté à une dette de plus de 3.000 milliards d'euros, l'exécutif veut donner des gages de sérieux budgétaire. Les ministres de Bercy ont répété ces dernières semaines leur objectif de ramener le déficit public en dessous du seuil des 3% d'ici 2027. A quelques semaines du verdict attendu des agences de notation Fitch et S&P Global, le gouvernement veut à tout prix faire bonne impression après l'avertissement cinglant du printemps en pleine contestation de la réforme des retraites.
La baisse des boucliers tarifaires, principale source d'économies en 2024
Après l'éclatement de la guerre en Ukraine en février 2022, le gouvernement a déployé un arsenal de dispositifs pour limiter l'impact de la flambée des prix sur la facture des Français et des entreprises. Parmi les outils mis sur la table figure en premier lieu le bouclier tarifaire. Sur les 16 milliards d'euros annoncés, l'exécutif prévoit 10 milliards d'euros d'économies avec la fin du bouclier. Le reste doit venir d'une réforme des aides aux entreprises pour 4,4 milliards d'euros, 1 milliard sur les politiques de l'emploi et 700 millions sur l'assurance-chômage. Mais ce programme d'économies pourrait rapidement se révéler intenable au regard de la poursuite de l'inflation.
L'indice des prix à la consommation a certes ralenti depuis plusieurs mois en raison d'un coup de frein des tarifs de l'énergie. Mais la remontée du baril de pétrole cet été et la situation chaotique entre Israël et la Palestine risquent de faire flamber encore les prix de l'or noir pendant encore quelques mois. Résultat, le gouvernement va devoir sans doute faire des rallonges budgétaires malgré l'aide spécifique carburant pour les travailleurs de 430 millions d'euros l'année prochaine. Beaucoup de ménages en bas de la distribution restent confrontés à des prix alimentaires particulièrement élevés.
Des économies peu documentées
L'autre critique adressée au ministre de l'Economie Bruno Le Maire est que les économies présentées dans le projet de loi de programmation des finances publiques sont « peu documentées ». Dans un avis sévère dévoilé fin septembre, le président de l'institution Pierre Moscovici a taclé la trajectoire dessinée par l'exécutif. « L'absence de précision sur la nature de ces économies ne permet pas au Haut Conseil de juger le réalisme de la trajectoire de dépenses ni par ailleurs d'en apprécier les conséquences sur le scénario macroéconomique ».
En outre, le gouvernement compte bien faire des économies sur les réformes menées au pas de charge depuis un an (assurance-chômage, retraites). Mais là encore, les sources d'économies présentées par le gouvernement ont soulevé de nombreux doutes chez les experts. En effet, la réforme va entraîner de nombreuses mesures de compensation (retraites minimum, carrières longues, pénibilité, minimas sociaux) dont les coûts sont encore difficiles à estimer à ce stade.
Tensions sur les obligations
La remontée des taux depuis l'été 2022 a provoqué de vifs remous sur le marché des dettes souveraines. La semaine dernière, la brutale remontée des taux sur les dettes allemande et française à des niveaux jamais vus depuis une dizaine d'années ont suscité des inquiétudes. Le taux de la dette allemande à dix ans avait dépassé les 3% mercredi pour la première fois depuis le 6 juillet 2011. Quant au taux à 10 ans sur la dette française, il dépassait la barre symbolique des 3% également. Après avoir atteint un pic à 3,5%, le taux à 10 ans tricolore est redescendu à 3,3% ce lundi en fin d'après-midi. Mais il demeure au-dessus de sa moyenne des dernières années. De quoi mettre la pression sur l'exécutif.