
« Je ne sais pas ce que c'est qu'un superprofit. Je sais que les entreprises doivent être profitables, c'est tout ce que je sais ». Devant un parterre de grands patrons réunis à l'hippodrome de Longchamp pour la rencontre des entrepreneurs français (REF) en août 2022, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire avait balayé d'un revers de main la question brûlante des profits mirobolants des grands groupes. Cette réaction avait suscité un malaise au sein de la majorité parlementaire.
Le député et patron du groupe MoDem à l'Assemblée nationale, Jean-Paul Mattei avait bien porté un amendement portant sur les superdividendes. Mais, d'abord adopté dans le projet de loi de finances 2023, il avait finalement été rejeté dans la version adoptée à coup de 49-3.
Un an après, ce débat hautement inflammable refait surface au grand dam de l'exécutif. Dans le contexte des débats budgétaires à l'Assemblée, le réseau action climat (RAC) est revenu à la charge sur une hausse de la fiscalité des superprofits ce mardi 3 octobre. « Chaque degré compte et chaque loi doit intégrer le virage économique et social », a déclaré Anne Bringault, directrice des programmes du réseau fédérant plusieurs dizaines d'associations lors d'un point presse organisé à proximité de l'Assemblée nationale. Une semaine après la présentation du budget par le gouvernement, le projet de loi de finances 2024 (PLF 2024) a entamé son parcours parlementaire la semaine dernière. Et en dépit des menaces de 49-3 qui planent au-dessus du budget, Anne Bringault estime «qu'il y a des marges de manoeuvre pour améliorer le PLF 2024 ».
La taxe sur les superprofits pourrait rapporter entre 8 et 12 milliards d'euros par an
Malgré les réticences du ministre de l'Economie, l'exécutif s'était tout de même résolu à mettre en place une contribution exceptionnelle sur les profits des énergéticiens à la fin de l'année 2022. Mais au sujet de ce texte voté au Parlement européen, le RAC estime que « cette mesure ne va pas assez loin, car elle ne cible pas tous les secteurs et que le taux fixé est trop faible ». Dans leur proposition, les associations demandent une taxation des entreprises les plus polluantes.
Mais « ce n'est qu'un premier pas ». « On demande également une taxation des superprofits générés de manière aléatoire », ajoute Elise Nacaratto de l'ONG Oxfam. Du point de vue des recettes fiscales, les responsables tablent sur une enveloppe « de 8 à 12 milliards d'euros chaque année ». Concernant les modalités, « nous sommes ouverts à la discussion sur le niveau de la taxation et l'assiette », assurent-ils.
Des économistes proches de Macron favorables à une taxation exceptionnelle
Cette proposition d'une taxe sur les superprofits est loin de se limiter aux ONG. Plusieurs économistes ayant participé au programme économique du chef de l'Etat en 2017 sont montés au front pour défendre cette fiscalité exceptionnelle. Lors de la remise d'un rapport très attendu à la Première ministre Elisabeth Borne au printemps, l'économiste Jean Pisani-Ferry a mis sur la table l'option d'une telle taxe pour financer la montagne d'investissements dédiée à la transition écologique. Interrogé par La Tribune il y a un an, le président du conseil d'analyse économique Philippe Martin s'était montré également favorable à cet outil fiscal.
« Le bouclier tarifaire a bénéficié aux plus aisés. C'est un signe de solidarité dans ce contexte de crise énergétique. L'outil fiscal est ce qu'il y a de plus efficace pour assurer de la redistribution », expliquait-il.
Une loi de programmation pour le financement de la transition
S'agissant du financement de la transition, les associations ont défendu l'idée d'une loi de programmation pluriannuelle des finances publiques pour la transition. « La question des financements est centrale sur la planification. Il faut que les financements soient massifs, justes, cohérents et durables. Le PLF propose 7 milliards d'euros. C'est un premier pas. Mais il reste des zones d'ombre sur la part du privé et la part du public », a expliqué Elise Nacaratto, lors de la réunion avec des journalistes.
Pour « donner de la visibilité aux acteurs », les représentants des associations réclament la mise en place d'une loi de programmation pluriannuelle des finances publiques pour la transition. Ils proposent en outre de véritablement mettre fin aux dépenses néfastes à l'environnement chiffrées à 22 milliards d'euros et veulent multiplier le conditionnement des aides aux entreprises. L'objectif est de conditionner les aides publiques à l'évolution du bilan des émissions pour les grandes entreprises de plus de 500 salariés et ayant un chiffre d'affaires supérieur à 40 millions d'euros. Autant dire que les débats promettent d'être explosifs au palais Bourbon.