Les dossiers sensibles s'accumulent sur le bureau de Franck Riester. À peine arrivé en poste dans le gouvernement Attal, le ministre va devoir s'attaquer aux chantiers immenses du redressement de la balance commerciale et du maintien de l'attractivité de l'Hexagone.
L'ancien ministre chargé des relations avec le Parlement de l'exécutif prend la suite d'Olivier Becht, ministre du commerce extérieur sous les deux gouvernements d'Elisabeth Borne. Passé sous les radars pendant le remaniement, ce passage de relai soulève pourtant des enjeux majeurs.
L'ancien président du groupe Agir (centre droit) à l'Assemblée nationale connaît bien ce portefeuille. Entre juillet 2020 et juillet 2022, il avait déjà occupé ce poste particulièrement exposé pendant la période de pandémie. La fermeture des ports de commerce partout sur la planète avait provoqué des difficultés en pagaille dans le commerce mondial.
À l'époque, les exportations avaient plongé à un niveau record. Il avait confié lors d'un entretien à La Tribune ses inquiétudes sur le tourisme et l'aéronautique. L'éclatement de la guerre en Ukraine a une nouvelle fois précipité les acteurs du commerce extérieur dans la tourmente. Deux ans après l'éclatement du conflit, les derniers indicateurs ne montrent pas de retour à la situation d'avant crise sanitaire.
Le redressement de la balance commerciale en trompe l'œil
Les dernières statistiques des douanes dévoilées la semaine dernière soulignent que la balance commerciale s'est redressée pour revenir sous la barre des 100 milliards d'euros en 2023. Après un plongeon abyssal en 2022 à 164 milliards d'euros, le déficit s'est établi à 99 milliards d'euros. Les importations (-7,1%) ont chuté en raison presque exclusivement de la baisse des approvisionnements en énergie. Les importations en biens manufacturés baissent légèrement.
En revanche, ce redressement est assombri par l'explosion des importations de voitures électriques et hybrides en provenance d'Asie (+16,7%). En parallèle, les exportations ont augmenté (1,5%) en 2023, mais moins vite qu'en 2022 et 2023. Surtout, elles n'ont toujours pas retrouvé leur niveau d'avant crise sanitaire.
Parmi les points noirs, figure la baisse du poids du matériel de transport dans le commerce extérieur tricolore. Cette part est passée de 23,2% en 2019 à 19,4% en 2023. Sur le plan commercial, la France a regagné quelques parts de marché à l'échelle planétaire en 2023, mais celles-ci demeurent très en deçà de son niveau d'avant pandémie.
Pire, les parts de marché de la France dans le commerce mondial sont deux fois inférieures à leur niveau du début des années 2000. « L'énergie a contribué à ce déficit depuis 2022, mais la dégradation est assez générale. Ce creusement n'est pas seulement dû aux importations mais aussi à des pertes de parts de marché. Quatre ans après le début de la pandémie, nous ne sommes plus dans des facteurs temporaires » , a résumé à La Tribune, l'économiste de Rexecode Olivier Redoulès. « Le risque est que la France connaisse de nouveau des pertes de compétitivité structurelles par rapport à 2019, poursuivant la descente des deux dernières décennies ».
L'essoufflement de l'attractivité, l'autre chantier important de Riester
Franck Riester va également devoir plancher sur le dossier de l'attractivité tricolore. Porté depuis 2017 par le chef de l'Etat, ce sujet est devenu un axe majeur de la politique économique de l'exécutif. Tous les ans, l'Elysée organise le sommet Choose France au château de Versailles.
Durant une journée, Emmanuel Macron déroule le tapis rouge aux grands patrons des multinationales de la planète. Mises sur pause pendant la pandémie, ces cérémonies fastueuses ont retrouvé en 2023 l'enceinte du Roi Soleil. L'année dernière, la présidence avait annoncé une moisson d'investissements record de 13 milliards d'euros.
Mais derrière cette vaste opération de communication, les indicateurs ne sont pas tous au vert. « L'attractivité montre des signes d'essoufflement », explique Olivier Redoulès.
« La France était bien placée dans les classements jusqu'en 2022. Le rebond s'enclenchait. L'emploi industriel est remonté, même si sa part a continué à baisser dans l'emploi total. Le retournement conjoncturel et la dégradation financière changent la donne, et les derniers indicateurs sur l'investissement ne sont pas bons », poursuit-il.
200.000 entreprises exportatrices à l'horizon 2030
L'autre grand chantier qui attend le ministre du Commerce extérieur est l'accompagnement des entreprises à l'export. Le pari de l'exécutif est d'atteindre l'objectif de 200.000 entreprises en 2030 contre 150.000 actuellement. « Plus de 13.200 entreprises ont été accompagnées en 2023, soit une progression de 28% sur un an », s'est réjoui le directeur général de Business France Laurent Saint-Martin, sous la bannière de la Team France Export (TFE), un guichet unique destiné aux entreprises qui s'internationalisent.
« Dans un contexte international troublé, les entreprises françaises ont de plus en plus besoins d'accompagnement à l'étranger », a ajouté le patron de l'opérateur de l'Etat, en poste depuis janvier 2023, lors d'un événement consacré à l'export la semaine dernière à Bercy. Entre l'Elysée, Bercy et le ministère des Affaires européennes, Franck Riester va devoir trouver sa place. Une gageure pour le nouveau ministre du Commerce extérieur.