Appartenons-nous tous à la classe moyenne française ? C'est un peu la question que pose l'étude très fournie menée par Lisa Thomas-Darbois, et que l'institut Montaigne publie ce 24 janvier. Dans une réflexion de 42 pages, ce think tank réputé libéral et influent estime que la moitié des ménages français appartiennent à cette catégorie. Et pour cause, pour les définir, il faut aller bien plus loin que le seul critère traditionnel de catégorie socioprofessionnel souvent retenu, car cela signifie qu'il exclut d'emblée les chômeurs, les retraités mais aussi un emploi non salarié. Ce qui est une erreur. Aujourd'hui, des cadres comme des professeurs, sont de par leur revenu des classes moyennes.
Sortir d'une définition unique
Pour les chercheurs, il faut donc dépasser le seul critère du revenu. Pour l'institut Montaigne, appartiennent à la classe moyenne tous ceux qui se situent entre les « 30 % les plus modestes, et les 20% les plus riches ». Soit la moitié de la population française de plus de 15 ans. Sachant qu'il est possible d'avoir des catégories au sein même de cette dénomination, avec une classe moyenne inférieure, intermédiaire et supérieure. D'un point de vue économique, l'étude précise, que la classe moyenne commencerait pour une personne seule à un peu moins de 1.500 euros net mensuel - 1440 euros- et irait jusqu'à un peu plus de 3.000 euros de revenu mensuel - 3100 euros par mois.
Reste que pour Lisa Thomas -Darbois, ces Français voient non pas leur revenu baisser facilement, mais leur pouvoir d'achat s'éroder, au fil du temps. L'âge d'or patrimonial de la classe moyenne s'est érodé, assure la chercheuse. En cause, la structure de leurs dépenses. « Les fondamentaux de l'Etat providence n'assument plus leur rôle », explique la chercheuse. Alors même que ces classes moyennes représentent une véritable force contributive : 40 % des foyers fiscaux et 100 milliards d'euros d'impôts directs, soit près de 5 fois plus que les classes populaires.
« La France des effets de seuils »
Les classes moyennes sont aussi une masse assez floue, « une masse gélatineuse », « un ventre mou », qui se définit aussi en opposition avec les autres catégories, peut-on lire dans l'étude. Ni élitiste, ni ouvrière, ni pauvre, ni riche. Dans sa conférence de presse du 16 janvier dernier, Emmanuel Macron avait évoqué pour parler de la classe moyenne de « la France de l'angle mort ». Aussi, font-ils partie, toujours selon le président, de ces « Français qui gagnent trop pour être aidés, et pas assez riches pour bien vivre ». Et la pression fiscale qui s'exerce sur eux est de plus en plus forte.
Lisa Thomas Darbois évoque « la France des effets de seuils ». De fait, ils n'ont pas accès au logement, à l'éducation comme ils le souhaitent. Ils craignent la ghettoïsation, la mise à l'écart. « L'inflation est un facteur aggravant, mais devoir renoncer à l'achat de produits ou de marques en raison de leurs prix alimente un sentiment de déclassement social », écrit Lisa Thomas Darbois. Ces classes moyennes se saignent pour rester vivre dans des zones tendues d'un point de vue immobilier, pour payer des écoles privées et des cours supplémentaires à leurs enfants... Ils sont de plus en plus souvent dans le renoncement, et l'arbitrage. La mobilité sociale leur semble de plus en plus inaccessible. L'accès à la propriété est plus compliqué qu'auparavant.
Des déceptions à venir
Cette classe moyenne est très courtisée par les politiques. Gabriel Attal a depuis longtemps, la volonté de s'adresser à elle. Alors ministre des comptes publics, il avait évoqué un grand « plan Marshall » des classes moyennes, promettant deux milliards d'euros de baisse d'impôts. Celles-ci n'interviendront qu'en 2025. Et pour l'heure, les modalités ne sont pas définies.
Pour la chercheuse, peu importe, cette politique fiscale ne peut suffire. Surtout, elle promet d'être déceptive. Tout comme, la voiture électrique en leasing à moins de 100 euros par mois, promise par l'exécutif, qui finalement leur échappera. Les personnes de la classe moyenne ne seront pas éligibles au dispositif. En attendant, dans son discours de politique générale, Gabriel Attal aura à cœur de leur montrer qu'il est à l'écoute de ces Français, et qu'il cherche à répondre à leurs attentes. Pour l'heure, note la chercheuse, ces classes moyennes appartiennent à une France peu contestataire, qui ne vote pas encore extrême, qui reste républicaine. Mais Lisa Thomas-Darbois alerte : « Ces classes moyennes ne peuvent pas être qu'un drapeau politique brandi à chaque crise démocratique. »