Compte épargne temps universel (Cetu) : usine à gaz ou véritable progrès social ?

Promesse d'Emmanuel Macron, contrepartie à la réforme des retraites tant contestée, le compte épargne temps universel n'en finit plus de diviser syndicats et patronat alors que les négociations sur l'emploi des seniors arrivent à leur terme à la fin du mois. Si sa forme précise reste à définir, il permettrait aux salariés de cumuler des congés payés et RTT afin de les poser dans un plus long terme. Et ce, qu'il change d'emploi ou d'entreprise. Rêve accessible pour certains, simple chimère pour d'autres... l'avenir du Cetu est plus que jamais incertain.
Coline Vazquez
Le Cetu permettrait d'offrir aux salariés la possibilité d'épargner des jours de congés payés ou RTT non pris. (photo d'illustration)
Le Cetu permettrait d'offrir aux salariés la possibilité d'épargner des jours de congés payés ou RTT non pris. (photo d'illustration) (Crédits : DR)

C'était une promesse d'Emmanuel Macron lors de sa campagne pour son second mandat : que tous les travailleurs puissent bénéficier d'un compte épargne temps universel (Cetu). Un an plus tard, le sujet revenait sur le devant de la scène, porté par la Première ministre de l'époque, Elisabeth Borne, en guise de contrepartie à la réforme des retraites tant contestée. C'est désormais l'un des éléments clé des négociations sur l'emploi des seniors menées actuellement.

L'objectif : offrir aux salariés la possibilité d'épargner des congés payés ou RTT non pris, mais surtout, de les transférer d'une entreprise à une autre. Il serait alors possible de les poser en fin de carrière, par exemple, et ainsi gagner quelques mois, voire années.

Actuellement, il existe bien un moyen pour les salariés d'accumuler ces jours de repos, et, s'ils le souhaitent, de les transformer en complément de rémunération, grâce au compte épargne-temps (CET). Mis en place en 1994, il est néanmoins conditionné à la conclusion d'un accord d'entreprise ou de branche. Seuls 10 % à 20 % des salariés du secteur privé disposeraient d'ailleurs d'un CET, selon les chiffres de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) datant de 2022.

Surtout, ce cumul n'est pas conservé par le salarié lorsque celui-ci quitte son entreprise. À la différence du Cetu qui introduit l'idée d'une portabilité d'un emploi à l'autre et d'une entreprise à une autre.

Mais rien n'est gagné... loin de là. Il paraît, en effet, de moins en moins probable que le Cetu fasse partie des points sur lesquels se seront accordés le patronat et les syndicats. Et pour cause, le dispositif ne faisait ni partie des propositions avancées par le patronat - le Medef et la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) y étant farouchement opposés - ni des dix listées par les organisations syndicales en vue de l'énième journée de négociation, ce mercredi. Un nouveau round essentiel puisqu'il s'agit du dernier avant l'ultime séance du 26 mars, date butoir fixée par le gouvernement pour trouver un accord sur l'emploi des seniors.

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Un poids financier pour les entreprises ?

Au grand dam de la CFDT qui défend bec et ongles le Cetu. Elle en revendique d'ailleurs la paternité depuis plusieurs années, ayant émis l'idée dès 2018 d'une « Banque des temps » qui soit « un compte épargne temps universel, inspiré des CET tels qu'ils existent aujourd'hui » mais permettant « la portabilité des droits au temps ». Le syndicat assure, en effet, que le dispositif, tel qu'il l'imagine, n'est « ni coûteux, ni compliqué », évoquant « qu'un certain nombre de critères d'ancienneté, de saisonnalité » pourraient conditionner l'utilisation de ces jours par les salariés.

Autre argument : le poids économique du Cetu ne reposera pas sur les entreprises. Chaque année, les salariés indiqueraient le nombre de jours non pris et qu'ils souhaitent mettre sur leur compte épargne temps universel. L'entreprise en ferait alors part à un organisme de gestion de finance et lui verserait la somme correspondante. Lorsque, dans le futur, l'employé, désormais dans une autre entreprise, déciderait de prendre les jours en question, c'est l'organisme qui les financerait avec l'argent collecté en amont.

Mais à quel prix ? En effet, les congés payés ou RTT cumulés à un instant T n'auront pas la même valeur financière des années plus tard si le salarié a vu son salaire progresser.

Réaménager la fin de carrière ou frein à l'embauche ?

La CFDT avance également la possibilité d'utiliser ce temps disponible pour réaménager le temps de travail en fin de carrière, notamment. « Pour éviter l'usure ou la désinsertion professionnelle, l'aménagement du temps de travail est une solution intéressante pour les employeurs face à un senior qui ne pourrait pas travailler sur un temps plein », explique Isabelle Mercier, secrétaire nationale à la CFDT.

« Effectivement, si les heures du Cetu ne se positionnent qu'en fin de carrière, on peut admettre que ça permette l'aménagement de fin de carrière », reconnaît la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME). Mais cela pourrait aussi représenter un frein à l'embauche, en particulier pour les plus âgés, alerte son vice-président Eric Chevée. Car bien que le nombre de jours présents sur le Cetu serait confidentiel, « si le salarié est questionné à ce sujet lors de son entretien d'embauche et qu'il ne le dit pas, il risque de ne pas être retenu », rétorque Eric Chevée.

« Le Cetu n'est rien d'autre qu'une usine à gaz qui pose beaucoup plus de questions qu'elle ne résout de problèmes », résume-t-il. En particulier pour les TPE (très petites entreprises, moins de 20 salariés) et les PME (moins de 500 employés). Malgré les garanties avancées par la CFDT, notamment des conditions pour utiliser le temps disponible sur son compte, la CPME s'inquiète, en effet, de voir un salarié s'absenter plusieurs mois alors qu'il vient d'être embauché.

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Un moyen d'encourager la formation ?

Si le Medef s'oppose lui aussi à la création d'un Cetu, estimant que le dispositif, trop complexe, ne répond pas aux attentes des entreprises et des salariés et comporte des « obstacles insurmontables » selon ses propos lors de la onzième séance de discussions avec les syndicats, une des organisations patronales participant aux négociations s'y montre, à l'inverse, favorable : l'Union des entreprises de proximité (l'U2P).

Interrogé par La Tribune, son président, Michel Picon, balaye d'un revers de la main les arguments avancés par les détracteurs du Cetu : « C'est neutre pour l'entreprise », assure-t-il, estimant que la gestion des heures, jours, déposés sur les comptes, par un organisme tiers, qui pourrait être la Caisse des dépôts et consignations, élimine toute contrainte. Comme la CFDT, l'U2P admet néanmoins que des conditions pourraient être imposées aux salariés comme un délai d'ancienneté. Quant à la crainte de voir un nouvel arrivant dans une entreprise poser immédiatement tout son temps accumulé depuis plusieurs années : « Pour avoir cinq mois, il faut avoir bossé plus de vingt ans », rétorque Michel Picon.

Selon lui, c'est un véritable « progrès social » qui pourra bénéficier aux travailleurs dans « le deuxième et troisième tiers de leur carrière. Ceux qui ont déjà acheté un logement, eu un enfant, auront peut-être davantage un intérêt à le faire, notamment pour s'occuper d'un proche aidant », explique-t-il. Pour le président de l'U2P, « le Cetu pourrait même, dans un second temps, devenir un outil de rémunération complémentaire pour fidéliser et attirer des talents : On pourrait imaginer dans la restauration par exemple qu'un employeur verse une majoration dans le Cetu à un salarié qui accepterait de travailler davantage le week-end », détaille-t-il. Et de conclure : « Nous verrons au fil des années comment nous pouvons l'enrichir ».

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Le Cetu définitivement enterré ?

Car si le CET dans sa forme actuelle apparaît trop fastidieux pour les très petites entreprises à mettre en place, avec le Cetu, ces dernières pourront rivaliser avec les très grosses en termes d'attractivité, estime-t-il.

D'autant que « si on rend copie blanche, le gouvernement va se pencher dessus et faire comme il l'entend », s'inquiète Michel Picon. En cas de non-accord, le Cetu pourrait bien voir le jour tant bien que mal, à l'initiative de l'exécutif ou des parlementaires. De quoi convaincre les organisations patronales réticentes à rester autour de la table lors des négociations pour trouver un accord sur le sujet ? Si une partie du patronat semble catégorique, la CFDT l'est tout autant : « Il n'est pas question de signer un accord dans lequel il n'y aurait pas le Cetu », tranche Isabelle Mercier.

Coline Vazquez
Commentaires 6
à écrit le 21/03/2024 à 16:44
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Ce conseil d'administration et son CEO feraient bien d'arrêter de perdre du temps à faire de la petite cuisine dans son laboratoire économique. D'ailleurs, les chefs de projets se succèdent dans cette entreprise Française, mais sa gouvernance confond...

à écrit le 21/03/2024 à 11:20
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Je trouve ça risible de parler d'un compte temps si l'on sait que le compte formation a présent n'est plus accessible sans payer ! vous croyez qu'ils ne vont pas faire la même chose? si ils sont capables de faire travailler les gens au rsa qui n'est...

à écrit le 21/03/2024 à 9:46
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A noter , que le Cetu ,c'est aussi le Centre d'Études des Tunnels, qui est un service technique central du ministère en charge des transports.

à écrit le 21/03/2024 à 9:06
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Par contre pour baisser les salaires et dégrader les conditions de travail cela a été immédiat, Mc Kinsey avait déjà tout (mal et très chèrement) préparé. Nos dirigeants sont nuls.

le 21/03/2024 à 12:09
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non, ils ne sont pas nul, ils bossent juste pour des donneurs d'ordres !

le 22/03/2024 à 8:27
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Ben ils ne sont pas dirigeants alors, donc ils sont nuls en tant que dirigeants mais bons en tant que larbins. Écoutez donnez moi 100 balles par message et je retire qu'ils sont nuls mais je revendique la propriété intellectuelle de cette idée aussi ...

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