
Les rachats d'actions sont à nouveau dans la ligne de mire de l'exécutif. Cette semaine, le ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave est revenu à la charge sur ce dossier brûlant. « Tous les groupes politiques m'ont interpellé sur la question des rachats d'actions, c'est-à-dire quand une entreprise utilise ses bénéfices pour racheter ses actions: ça peut être une pratique courante, mais aussi parfois une manière d'enlever du bénéfice qui aurait pu être redistribué aux salariés », a estimé le ministre sur Sud Radio au lendemain des Dialogues de Bercy.
Déjà au printemps, Emmanuel Macron avait déjà fustigé cette pratique répandue dans les grandes firmes américaines, par ailleurs championnes des versements de dividendes vertigineux. « Il y a quand même un peu un cynisme à l'œuvre, quand on a des grandes entreprises qui font des revenus tellement exceptionnels qu'ils en arrivent à utiliser cet argent pour racheter leurs propres actions » , avait déclaré le chef de l'Etat au moment des vives contestations sur la réforme des retraites.
Le locataire de l'Elysée n'avait pas cité d'entreprises précisément. En revanche, il avait demandé au gouvernement de plancher sur une contribution exceptionnelle pour que les salariés puissent « profiter de cet argent ». « Les grandes entreprises doivent distribuer davantage aux salariés », avait-il expliqué. Pour rappel, les entreprises tricolores de l'indice phare du CAC 40 ont distribué une montagne de dividendes en 2022 de l'ordre de 80 milliards d'euros selon la lettre spécialisée Vernimmen. Dans le même temps, les rachats d'actions ont atteint des sommets de 23 milliards d'euros contre 11 milliards d'euros en 2019. « 2022 était une année record sur les rachats d'actions, rappelle le député socialiste Philippe Brun, membre de la Nupes. Ce n'est pas un levier visant à accroître la production. C'est avant tout une manœuvre boursière », ajoute-t-il.
Bercy ouvert à un amendement
À quelques jours de la présentation du budget prévue le 27 septembre prochain, il reste beaucoup de zones d'ombre sur le mécanisme à adopter, les modalités de mise en œuvre, les entreprises concernées et les critères retenus. « J'ai annoncé que nous étions prêts à travailler avec toutes les forces politiques qui le demandaient pour que, dans le débat parlementaire, par amendement, on puisse avancer sur ce sujet », a déclaré Thomas Cazenave.
Dans la majorité, plusieurs députés avaient proposé à l'automne 2022 une hausse temporaire de 5 points du prélèvement forfaitaire unique (PFU) passant de 30 à 35% « sur les distributions de revenus par ces grandes entreprises supérieurs de 20% à la moyenne des revenus distribués entre 2017 et 2021 ». Adopté dans un premier temps, cet amendement du MoDem a finalement été rejeté dans la version finale du budget adopté à coup de 49-3 l'année dernière.
Un scénario qui pourrait se reproduire cette année en l'absence de majorité absolue pour le gouvernement. Malgré ce refus, le député et patron des élus MoDem au Palais Bourbon Jean-Paul Mattei devrait revenir à la charge la semaine prochaine avec un rapport consacré à la fiscalité du patrimoine co-rédigé avec le député Nicolas Sansu (PCF).
Le Maire plus favorable aux dispositifs de partage de la valeur
À Bercy, les équipes de Bruno Le Maire et de Thomas Cazenave planchent actuellement sur différentes options. Interrogé par La Tribune, l'entourage du ministre des Comptes publics est resté évasif sur ce dossier épineux. Au printemps, le ministre de l'Economie avait précisé sa position au Sénat. Il s'agit de « trouver le bon équilibre entre la compétitivité des entreprises et la nécessité de mieux partager la valeur », l'idée du gouvernement serait de contraindre les entreprises qui ont les moyens de racheter leurs propres actions sur les marchés à faire davantage profiter leurs salariés de leurs largesses financières. « Nous voulons les obliger à distribuer plus d'intéressement, plus de participation, plus de primes défiscalisées lorsqu'elles font du rachat d'action », avait-t-il ajouté.
La justice sociale et...le déficit
S'agissant de l'opposition, les parlementaires finalisent leurs amendements. « Le principe de notre amendement de 2022 s'inspirait du mécanisme mis en place par Joe Biden aux Etats-Unis », explique le député Philippe Brun, membre de la Commission des finances au Palais Bourbon. Outre-Atlantique, l'administration démocrate avait fait voter une taxe de 1% sur les rachats d'actions des entreprises faisant plus de 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires en 2022.
De son côté, l'élu normand compte bien remettre cette option au cœur du débat. « On demande beaucoup d'efforts aux Français avec la fin des boucliers tarifaires et la hausse des prix des carburants. Il y a un besoin de justice et d'équité ».« Le creusement des déficits et la perte de recettes fiscales (TVA) », seraient un motif légitime de mettre en place ce levier estime Philippe Brun. Mais le gouvernement est actuellement pris « au piège sur sa position de ne pas augmenter les impôts ». Face à la montagne d'investissements à financer pour assurer la transition écologique, l'exécutif est sur une ligne de crête budgétaire.