Ecotaxe : l'Etat solde le fiasco par un amendement à 339 millions d'euros

La facture totale de ce "véritable échec de politique publique", selon l'expression de la Cour des comptes, se monte à près de 1 milliard d'euros pour le contribuable français. L'instauration en 2013 d'une taxe poids-lourds s'est transformée en déroute politique après la fronde des "bonnets rouges". Quatre ans après, ce solde versé à Ecomouv' permet de clore ce douloureux chapitre. Pourtant, des formes d'écotaxes fonctionnent ailleurs en Europe et, face au désengagement de l'Etat, plusieurs régions de France songe à la ressusciter...
L'Etat français n'avait pas su endiguer la fronde des "Bonnets rouges", à base de manifestations et de sabotages d'installations, contre le projet de taxe poids-lourds lancé en 2013 par Ségolène Royal, la ministre de l'Ecologie du gouvernement de François Hollande.

Hier soir, lundi 4 décembre, les députés ont adopté un amendement proposé par le gouvernement afin de solder définitivement le fiasco de l'écotaxe en remboursant 339 millions d'euros de la dette de la société Écomouv' qui aurait dû collecter la taxe avant que celle-ci ne soit abandonnée en 2014.

L'amendement au projet de budget rectificatif "vise à réajuster à hauteur de 339 millions d'euros, pour l'année 2017, le montant de la part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) qui est affectée à l'Agence de financement des infrastructures de transport en France (AFITF) afin de pouvoir assurer le remboursement de 339 millions d'euros en une fois de la dette de la société Écomouv' ", a expliqué le secrétaire d'Etat Olivier Dussopt pour sa première intervention dans l'hémicycle depuis son entrée au gouvernement.

Une ardoise de près de 1 milliard ou de... 10 milliards d'euros ?

Jamais mise en service, cette taxe sur les poids lourds avait été suspendue en octobre 2013 après la fronde menée par les "bonnets rouges", et des négociations avaient été menées, avant la résiliation, le 30 octobre 2014, du contrat passé avec Ecomouv', consortium franco-italien chargé de la mise en oeuvre de cette taxe.

Et l'État s'était retrouvé au final avec une lourde ardoise: 957,58 millions d'euros d'indemnités à verser à Ecomouv' et ses partenaires.

"Le processus de solde de l'arrêt de l'écotaxe arrive à son terme : après l'arrêt du contrat et le reclassement désormais achevé des personnels de la société Écomouv', le maintien de l'existence de cette société n'est désormais plus justifié et est à l'origine de coûts pour les actionnaires", souligne l'amendement. "Sa liquidation est ainsi programmée, entraînant le solde des encours de dettes aux banques commerciales et aux fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignation, couverts par une cession Dailly acceptée par l'État. Il convient donc d'assurer ce paiement final qui éteint les dettes liées à ce contrat", ajoute-t-il.

Ce qui ne prend pas en compte les recettes attendues de l'écotaxe, lequel dispositif était censé rapporter 1,15 milliard d'euros par an, (dont 20% pour Ecomouv', soit 250 millions d'euros, un montant lui aussi qui avait attisé la polémique à l'époque).

Lire aussi : Ecotaxe : le contrat de la collecte devient un enjeu politique

Sur dix ans, le manque à gagner est de peu ou prou 10 milliards d'euros pour l'Etat français...

Au final, pas d'incidence sur le déficit de la France

Pour empêcher une dégradation du solde budgétaire, le gouvernement a rajouté 300 millions d'euros de recettes au titre de la convention conclue entre le parquet national financier et HSBC afin d'éviter un procès "pour blanchiment de fraude fiscale" au géant bancaire. L'UDI Charles de Courson s'est dit choqué par cette convention, estimant qu' HSBC s'était comportée comme des "canailles", faisant du "vol organisé" en démarchant des fortunes françaises pour les soustraire au fisc.

Les députés ont par ailleurs adopté un autre amendement du gouvernement pour augmenter les fonds du Centre national pour le développement du sport (CNDS) de 27 millions d'euros, compensés par un prélèvement équivalent sur la trésorerie de l'Agence française pour la biodiversité. Au final, le déficit budgétaire reste inchangé à 74,1 milliards d'euros, soit 2,9% du PIB.

Lire aussi : Déficit: la France espère qu'Eurostat ne prendra pas en compte la taxe sur les dividendes

Taxe poids-lourds, le retour ?

Malgré ce désastre, qualifié en février dernier par la Cour des comptes de "désastre de politique publique", il se pourrait que l'écotaxe renaisse de ses cendres en France. Sous la forme d'une taxe régionale. En effet, face au désengagement de l'Etat, plusieurs régions ont publié un livre blanc début novembre, dans lequel elles se disent prêtes à expérimenter de nouvelles "redevances régionales d'infrastructures" de type écotaxe.

Lire aussi : Des régions étudient le retour de l'écotaxe, face au désengagement de l'État

Et, en juillet dernier, le gouvernement d'Emmanuel Macron indiquait clairement qu'il réfléchissait à relancer cette mesure phare du Grenelle de l'Environnement en 2007. En l'occurrence, la ministre des Transports, Elisabeth Borne, dans une interview aux "Echos", ouvrait la possibilité d'une taxation des camions sur des routes nationales.

Lire aussi : Écotaxe, le retour ? La ministre des Transports veut "faire payer" les poids lourds

Ailleurs en Europe, le principe pollueur-payeur fonctionne

Ailleurs en Europe, la fiscalité écologique n'a pas eu autant de difficulté à s'implanter, même si elle n'est pas généralisée, loin s'en faut. Voici quelques exemples, à titre d'illustration.

En Belgique, les compagnies de transport routier paient un prélèvement kilométrique depuis avril 2016. En 2005, l'Autriche a été le premier Etat-membre de l'UE à taxer les camions de plus de 3,5 tonnes, ses routes comportent quelque 430 portiques à cet effet et a rapporté 750 millions d'euros.

La Suisse a été la première en Europe, en 2001, à mettre en place une taxe poids-lourds sur le principe du pollueur-payeur, après un référendum d'initiative populaire réalisé en 1992 (la chronologie mentionne un premier référendum dès 1984). Le tarif mis en place par la RPLP ("redevance poids lourds liée aux prestations") fonctionne par tonne-kilomètre (ct./tkm) et a été fixé au départ à 1,68 centime (de franc suisse), pour atteindre progressivement 2,70 ct./tkm en 2008.

En 2015, le bilan de la RPLP exprime, chiffres à l'appui, une amélioration sensible de l'efficacité du transport routier de marchandises, avec notamment une stabilisation du trafic qui jusque-là ne cessait d'augmenter d'année en année, un meilleur remplissage des camions (+60% en 4 ans), un faible renchérissement, un environnement ménagé par un net recul des émissions polluantes.

(avec AFP)

Commentaires 17
à écrit le 05/12/2017 à 19:07
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Fiasco de l'Etat?....non reculade des hommes politiques qui prétendent diriger le pays....un engagement de Nicolas Sarkozy à l'issue du Grenelle de l'environnement 😂😂😂 qu'il a filé à Hollande😁 qui, y a renoncé 😂

à écrit le 05/12/2017 à 17:37
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le pire est que Mme royal apres le trou d'un milliard que les français vont payer a reussi a se faire recaser,allait faire sa dans le prive? cette personne devrait avoir une interdiction a vie d'exercer une fonction gouvernementale!!!!!

à écrit le 05/12/2017 à 16:44
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74 milliards avec un dépassement de combien???

à écrit le 05/12/2017 à 15:35
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Le principe du pollueur-payeur ma paraît juste. En plus de la pollution, il y a aussi le fait que les camions dégradent plus le réseau routier que les voitures. Donc il est légitime qu'ils paient. Les transporteurs français vont râler en disant qu'il...

à écrit le 05/12/2017 à 15:16
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Une petite vignette pour que les camions puissent circuler sur nos routes, c'était trop simple. Nos têtes pensantes (tu parles!) ont préféré construire une usine à gaz, comme d'habitude. C'est comme le 80 km/h sur les routes, soi-disant pour amélior...

à écrit le 05/12/2017 à 13:33
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Cela solde définitivement le dossier ? Certainement pas pour les régions qui payent l’entretien du réseau routier, ni pour les Français qui continuent à payer la facture par l’intermédiaire de la TICPE (2 cts par litre de gazole qui sont venus s’ajo...

le 05/12/2017 à 19:39
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A propos de factures payer par les Français à noter, lorsque l'on fait des recherches sur les histoires d'écotaxe, de pollution et de CO2 on tombe aussi sur l'arnaque du siècle dont a été victime la France sur les quotas carbone. Une escroquerie qui...

à écrit le 05/12/2017 à 12:02
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Il faut donc en l'urgence porter plainte ..contre Ségolène Royale ..qui a sabordé ce projet..!

à écrit le 05/12/2017 à 11:18
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On devrait faire payer aux Bretons le vrai prix de l'électricité vu qu'ils refusent toutes installations de production sur leur terre, histoire de leur faire comprendre le prix de leur fronde. L'autre problème est que l'Etat a le monopole de lever de...

à écrit le 05/12/2017 à 10:26
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C'est l'etat qui regle l'ardoise. Donc les francais.

à écrit le 05/12/2017 à 10:25
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Merci qui ? Merci Ségolène et François !

le 05/12/2017 à 15:09
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Merci plutôt Sarkozy, Fillon, Borloo et Kosciusko-Morizet ! Ce sont eux qui ont cette brillante idée au nom du "Grenelles de l’environnement", qui ont conçu cette pétaudière, ont choisit le contrat léonin avec Ecomouv (privatisation d'un impôt). ...

à écrit le 05/12/2017 à 10:18
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Mr Hollande n'a pas fait que des bêtises, mais la reculade sur la taxe PL, en rase campagne contre les benêts rouges, a été une grosse erreur politique avec des conséquences énormes sur les projets d'investissements. Chaque région va donc tenter de...

à écrit le 05/12/2017 à 10:13
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La formule de l'écotaxe était tout simplement inacceptable, sakozy demande à un pote à lui de s'occuper du dossier, son pote accorde le marché à un autre pote qui prévoit de récupérer plus de la moitié des bénéfices, c'est à cause de cela que l'on pe...

le 05/12/2017 à 12:10
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Pourquoi incriminer Sarkozy.. ? , alors que s'est Ségolène Royale qui fait exploser ce projet ...? d'ailleurs, à l'encontre des contres vérité que vous assénez, les logiciels du système Ecomouv' , étaient localement parfaitement ajustables , pour...

le 05/12/2017 à 12:43
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C'est Hollande qui a "calé" devant les benêts rouges, pas Sarkozy, même si avec la cohérence typique des politicards, l'UMP, qui avait initié le projet a fini par le combattre. Les lobbies pétroliers n'ont pas d'avis sur la question. Les camions c...

le 07/12/2017 à 9:34
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Pour les bons soldats du temple, vu que vous m'épuisez en grands discours, volontairement, voici des petits dessins faciles à comprendre, parfaitement donc adaptés à vos situations, merci. "Ecotaxe : la société Ecomouv', "héritage des années Sar...

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