Une déflagration médiatico-politique. Les déclarations « chocs » d'Emmanuel Macron dans son interview donnée au Parisien ont suscité un tombereau de critiques. Beaucoup se sont offusqués de cette sortie « digne d'Audiard » comme tentent de la présenter certains soutiens du président : « les non-vaccinés, j'ai très envie de les emmerder ». Moins, en dehors des oppositions, ont condamné des propos autrement plus étonnants dans la bouche d'un président de la République : « Un irresponsable n'est plus un citoyen ».
Plus surprenant encore, au cœur de cette polémique de rentrée, c'est Edouard Philippe, l'ancien Premier ministre d'Emmanuel Macron, qui a fait immédiatement entendre sa différence. Dès mercredi matin, lors de l'émission « les Quatre Vérités » de France 2, Edouard Philippe a pris clairement ses distances avec le chef de l'État. « Nous voulons nous départir de l'acidité, de l'immédiateté, des polémiques incessantes, des petites phrases qui pourrissent le débat », a taclé le maire du Havre. Et pour enfoncer le clou, il a également affirmé son soutien à la vaccination obligatoire, alors que le gouvernement n'a cessé de rejeter cette option. Ambiance.
Depuis longtemps, les relations entre Édouard Philippe et Emmanuel ne sont plus au beau fixe. Les premières anicroches sont venues dès l'affaire Benalla, puis les tensions sont montées d'un cran lors du mouvement des Gilets Jaunes, mais c'est lors des premiers mois d'épidémie en 2020 que la rupture fut consommée entre les deux hommes.
Aujourd'hui pourtant, l'heure n'est plus à un mouvement d'humeur. Si Édouard Philippe fait entendre sa différence, c'est qu'il souhaite creuser son propre sillon politique. Que ça plaise ou pas du côté du Château. Déjà, en septembre dernier, Édouard Philippe avait profité d'une interview à Challenges pour sonner l'alerte sur l'état des finances publiques après le « quoi qu'il en coûte ». Est venu ensuite en octobre le lancement de son parti « Horizons », puis l'installation de celui-ci dans l'ancien QG de Jacques Chirac, gagnant de la présidentielle en 1995... « Entre Emmanuel et Édouard, il y a eu un avant et après covid. La Covid, c'est un peu comme Jésus Christ en termes de temporalité, c'est le marqueur de la temporalité de ce quinquennat », ironise un ancien macroniste.
Alors, forcément du côté de la macronie officielle, la petite musique d'Édouard Philippe a le don d'irriter. Les proches du président de la République souhaiteraient que l'ancien Premier ministre « mouille davantage sa chemise durant cette campagne ». Tous ont bien compris que le maire du Havre souhaite maximiser la présence de ses troupes lors des prochaines élections législatives. Au coeur des tensions entre Édouard Philippe et l'Élysée : les négociations sur les futures investitures. Le rapprochement entre Horizons et Agir a ainsi déclenché la fureur d'Emmanuel Macron, et le projet a finalement quelque peu avorté. « Bien sûr. Je ne suis pas venu pour beurrer les tartines », a ainsi rappelé Philippe lors de son interview à France 2.
En réalité, une proche d'Édouard Philippe avait annoncé la couleur en fin d'année. La maire d'Albi, Stéphanie Guiraud-Chaumeil, tout juste nommée référente Occitanie d'Horizons, a expliqué à La Dépêche du Midi qu'elle n'aurait « aucun soutien public pour ces élections ». Ni Macron, ni Pécresse donc... Et la maire d'Albi d'ajouter sans ambiguïté : « Mon candidat, c'était Édouard Philippe... » Il est donc aujourd'hui très clair que les troupes du maire du Havre rêvent à la présidentielle, mais à celle de 2027, et non à celle de 2022.
Emmanuel Macron peut donc encore attendre qu'Horizons se mette réellement en marche pour lui... Et suite à ses déclarations tonitruantes, il a déjà perdu 4 points dans les sondages de popularité. Comme le rappelait un vieux routier de la politique, Jacques Chirac, « Les emmerdes, ça vole toujours en escadrille ».