La France ne pèse peut être plus grand chose dans le concert des Nations, mais comme membre permanent du conseil de sécurité de l'ONU, sa voix compte toutefois encore un peu. Sur le front économique, la bataille semble perdue face aux mastodontes américains et chinois, sans compter l'Asie dans son ensemble. Mais au sein de l'Union Européenne, la France est encore la seconde économie après l'Allemagne. Dans des styles différents, Emmanuel Macron, comme Jean-Luc Mélenchon, aiment régulièrement le rappeler à leurs contradicteurs. Lors de sa récente conférence de presse, mercredi sur TF1, le chef de l'État a d'ailleurs présenté ses grandes ambitions en la matière, n'hésitant pas à réaffirmer sa volonté de mettre en place une « Europe puissance ».
En réemployant ce cheval de bataille européen, Emmanuel Macron se glisse de nouveau dans le costume du candidat qu'il avait été en 2017. Il se présentait alors comme fièrement européen face aux solutions de repli. Ses troupes présentaient alors les termes du débat de cette manière : européens vs nationalistes.
La vision 2017 de Macron en échec
En cinq ans pourtant, sa stratégie européenne a totalement échoué, se mettant à dos dès le début les Italiens et les Allemands. Alors que la France prend en janvier la présidence du conseil de l'Union européenne pour six mois, Emmanuel Macron tente de le faire oublier. Rappelons que cette institution réunit les ministres des États membres par domaine d'activité. C'est, avec le Parlement européen, le co-législateur de l'UE.
À grand renfort de communication, le président français tente d'utiliser cette nouvelle position pour s'affirmer de nouveau sur la scène internationale.
Il y a trois semaines, il a déjà réussi à faire oublier les tensions nombreuses entre la France et l'Italie durant son quinquennat, en signant en grande pompe avec Mario Draghi un traité de coopération bilatéral entre les deux pays. Pour rehausser sa posture, et faire oublier son impasse stratégique en Europe, Emmanuel Macron compte également profiter du départ d'Angela Merkel en Allemagne, et réussir à se rapprocher du nouveau chancelier SPD, Olaf Scholz, qui fut... le ministre des Finances d'Angela Merkel.
Un bloc européen pour exister
Mais à quelques mois de la présidentielle française, c'est sur la question de l'affrontement grandissant entre Chine et États-Unis que la carte européenne d'Emmanuel Macron pourrait peser auprès de l'opinion française. Car l'argument de « l'union fait la force » face aux géants américain et chinois est facilement intelligible et porteur.
Certes, les sceptiques rétorqueront que l'UE n'a pas démontré son efficacité ces dernières années sur le terrain de la guerre économique et des industries stratégiques. C'est un euphémisme. Malheureusement, les débats lors d'une présidentielle ne sont vraiment pas l'occasion d'échanges empreints de complexité.
En attendant, les concurrents d'Emmanuel Macron ont parfois du mal à se positionner face à cette nouvelle guerre froide entre Chine et États-Unis. L'extrême droite est focalisée sur l'Islam et les pays musulmans, et n'a pas de réelle stratégie internationale, et se réfugie souvent derrière des discours (faussement) gaulliens qui tournent quelque peu à vide. De son côté, Valérie Pécresse n'a encore guère exposé ses inclinations dans ce domaine. Elle, comme ses anciens concurrents de la primaire LR, ont peu débattu des questions internationales lors des précédents débats...
Les oppositions françaises en quête de stratégie
Se tournera-t-elle vers la Russie comme François Fillon en 2017 ? Ou saura-t-elle concilier intérêts français, enjeu européen, et équilibre des forces entre Chine, États-Unis et Russie ? La candidate de la droite républicaine aurait tout intérêt à se concilier le grand frère américain qui n'a guère montré ses derniers mois son attachement pour Emmanuel Macron. Au-delà de la crise des sous-marins, l'administration Biden depuis son arrivée a clairement fait de l'Allemagne son interlocuteur privilégié en Europe, snobant le président français.
Mais c'est à gauche que les débats sont les plus rudes. Yannick Jadot s'est clairement affiché comme portant les valeurs occidentales et des droits de l'homme face à la Chine. Ce fervent promoteur de la transition écologique apporte cependant peu de réponses à la question cruciale des terres rares et des métaux stratégiques principalement situés en Chine. L'écologiste a néanmoins initié une réflexion sur la nécessaire relocalisation de certaines activités industrielles en France, notamment pour lutter plus efficacement contre le dérèglement climatique.
À l'exacte opposé de Yannick Jadot sur le terrain international, on trouve Jean-Luc Mélenchon. Ce dernier a en effet déclamé il y a quelques jours à la tribune de l'Assemblée nationale un discours totalement pro-Chinois sur la question de Taïwan, suscitant pourtant peu de commentaires, et prenant clairement ses distances à l'égard de la stratégie de containment de l'administration Biden : « Je défends la position de la France de de Gaulle », a alors déclamé le leader de l'Union Populaire. Il oublie de préciser que De Gaulle, comme Mitterrand, se sont toujours inscrit dans le giron occidental. Alliés, mais non alignés.
Jean-Luc Mélenchon, à la recherche du bon équilibre ?
Ces dernières années, Emmanuel Todd a d'ailleurs souligné à de nombreuses reprises le paradoxe de la posture internationale de Jean-Luc Mélenchon : comment être à la fois anti-allemand (et critique de l'UE) et anti-américain à la fois ? Todd ne fait pas mystère de sa préférence américaine face à l'Allemagne, pointant le fait que les idées de gauche ont le vent en poupe outre-Atlantique, de Bernie Sanders aux plans de relance de Joe Biden.
D'ici à l'élection d'avril, Jean-Luc Mélenchon, l'anti-impérialiste « nord américain », saura-t-il mâtiner ses positions internationales de davantage de nuances ? Lui qui se veut le chantre de « l'indépendance » de la France, réussira-t-il à trouver le juste équilibre ? En période d'élection, contrairement à la diplomatie, celui qui se présente pour la troisième fois à la présidentielle devrait se souvenir que l'ambiguïté gagne toujours sur la franchise. Et à ce jeu-là, Emmanuel Macron a des longueurs d'avance, peu importe les maigres résultats qu'il a obtenus au niveau international depuis bientôt cinq ans.