Catherine Vautrin, la ministre du Travail a-t-elle remporté son bras de fer face à Bruno Le Maire, à Bercy ? D'après nos informations, qui viennent confirmer celles des Echos, le gouvernement a tranché en faveur de la locataire de la rue de Grenelle, qui militait pour la mise en place d'une participation forfaitaire de 100 euros par formation lors de l'utilisation du compte personnel de formation (CPF).
100 euros pour tous, sauf de rares exceptions
Initialement, Bercy plaidait plutôt pour un reste à charge calculé en pourcentage du montant de la formation achetée - le niveau de 10 % était avancé.
Mais l'exécutif a finalement opté pour une somme de 100 euros, par formation, que devront payer de leur poche les salariés qui veulent se former. Soit un coup de rabot moins important que prévu, et donc plus favorable aux utilisateurs du CPF : « Car pour les formations professionnelles longues et chères comme les reconversions, demander 10 % à un travailleur du bas de l'échelle des salaires peut s'avérer dissuasif », explique une source proche du dossier. A partir du 1er mai prochain, tous les actifs qui voudront utiliser leur CPF, se verront donc amputer de la somme de 100 euros par formation.
A deux exceptions près : les demandeurs d'emploi, qui, eux, n'auront pas de reste à charge à payer. Ils représentent 30 % des usagers du CPF. Mais aussi ceux dont la formation professionnelle sera enclenchée par leur employeur.
Objectif : 375 millions d'euros d'économie en année pleine
Alors que l'exécutif cherche à réaliser 10 milliards d'euros d'économie dès cette année, ce ticket modérateur vise, en premier lieu, à rapporter de l'argent dans les caisses de France compétences, la structure qui paie le CPF, grâce notamment à la contribution des entreprises.
Selon les projections de Bercy, l'instauration de ce reste à charge devrait permettre de regagner 250 millions d'euros cette année, et jusqu'à 375 millions en année pleine, soit dès l'an prochain.
Des fonds générés en partie par les sommes payées par les actifs et d'autres part, par des économies générées via le taux de non recours aux formations qui augmentera. Autrement dit, comme il faudra désormais payer une partie de sa poche, des actifs abandonneront l'idée de se former. Le gouvernement espère ainsi, sans le dire, dissuader tous ceux qui utilisent leur CPF sans débourser un euro pour passer leur permis moto ou pour s'offrir une formation-plaisir. « Notre volonté est de resserrer le CPF sur les nécessités professionnelles », plaide ainsi un ministre.
Suivi des préconisations de la Cour des comptes
Cela fait plusieurs années que le gouvernement étudie la mise en place d'une participation des actifs au CPF. Plusieurs scénarios ont été étudiés et pour rappel, Bercy espérait, au départ, faire une économie de 800 millions d'euros en année pleine.
L'an dernier, selon le ministère de l'enseignement, 1,25 million de Français ont eu recours à leur CPF, pour des formations d'un montant moyen de 1.560 euros. En deux ans, le nombre d'utilisateurs du CPF a été multiplié par quatre, dont près de 70 % d'ouvriers et d'employés.
Les employeurs sont plutôt favorables à la mise en place de ce reste à charge. Beaucoup en coulisses râlent contre ces formations « macramé et céramiques », qu'ils financent en partie en abondant les CPF de leurs équipes.
Les syndicats contre ce ticket modérateur
En revanche, les syndicats de salariés, eux, sont résolument contre. Cherchant à renouer avec le dialogue social, Catherine Vautrin, la ministre du Travail, devait échanger avec les partenaires sociaux avant d'annoncer l'arbitrage final. Le gouvernement espère que sa décision d'opter, in fine, pour un forfait plutôt qu'un pourcentage, rendra la pilule un peu moins amère.
Rien n'est moins sûr, car certains macronistes sont aussi montés au créneau. Ainsi, Muriel Pénicaud, ancienne ministre du Travail d'Emmanuel Macron en 2017 s'est insurgée contre cette demande de participation qui, de facto, va éloigner le CPF de son objectif initial : rendre accessible la formation à tous les actifs, y compris les moins bien payés et les moins bien qualifiés. Son directeur de cabinet Antoine Foucher, fondateur de Quintet Conseil, dénonce lui aussi ce ticket modérateur, qui agira selon lui, comme une véritable « barrière financière à la formation ».