Favoriser le retour au travail des plus de 55 ans : tel est l'objectif du gouvernement. Et pour cause, en la matière, la France est à la traîne. Le taux d'emploi des 55-64 ans est en moyenne de 56 % contre presque 72 % en Allemagne ou aux Pays-Bas, 76 % en Suède. Aujourd'hui, dans l'hexagone, plus d'un tiers - 35,5 % - des plus de 61 ans ne sont ni en emploi, ni à la retraite. Ils sont au chômage, en invalidité, au RSA...
Améliorer l'emploi des seniors est aussi présenté par l'exécutif comme le pendant du décalage de l'âge de départ à la retraite de 62 à 64 voire 65 ans. A partir de ce mardi, Olivier Dussopt, le ministre du Travail convie les syndicats et le patronat pour un cycle d'échanges sur le sujet. A priori consensuelles - tout le monde est favorable à ce que les quinquagénaires ne soient plus exclus du marché du travail - les discussions risquent d'être animées. Il faut dire que le gouvernement avance quelques petites "bombes" sociales.
Baisser la durée d'indemnisation au chômage
La première proposition de l'exécutif est la réduction de la durée d'indemnisation des demandeurs d'emploi âgés de plus de 55 ans. Aujourd'hui, ils bénéficient de 36 mois d'allocation chômage à Pôle emploi, contre 24 mois jusqu'à 53 ans, et 30 mois entre 53 et 55 ans. Une durée trop importante, qui fonctionne comme un effet d'éviction du marché de l'emploi, un encouragement à rester au chômage, "une voie de délestage", selon l'exécutif. Aussi, Olivier Dussopt va-t-il soumettre aux partenaires sociaux de réduire cette durée. Les syndicats y sont opposés, car ce serait faire peser aux seuls seniors leurs difficultés d'embauche. Si les actifs les plus âgés ont tant de mal à se faire embaucher, c'est parce que le problème est aussi culturel. Les seniors sont perçus comme moins productifs, plus fragiles, réfractaires au changement...Ils pâtissent de préjugés.
Enfin, la proposition du gouvernement risque d'autant plus d'être rejetée qu'elle est faite dans un contexte, où parallèlement, les centrales syndicales bataillent contre la réforme de l'assurance chômage du gouvernement.
Inciter les plus de 55 ans à prendre un emploi moins bien payé
L'autre idée choc du gouvernement est d'inciter les plus de 55 ans au chômage à accepter un emploi moins bien payé que le précédent. L'exécutif estime qu'en fin de carrière, le salaire est souvent un frein à la reprise d'activité.
Pour y remédier, il propose que Pôle emploi continue d'indemniser les plus de 55 ans qui reprennent un job moins bien rémunéré, pour compenser le manque à gagner. Cela leur permettrait de maintenir leur revenu et coûterait moins cher à la collectivité puisque Pôle emploi continuerait à verser une indemnité chômage, mais moindre que si le senior ne travaille pas du tout.
En revanche, là aussi, les syndicats pourraient ne pas être très allants, car les grandes gagnantes seraient les entreprises : elles embaucheraient à moindres frais des travailleurs expérimentés. Et cela reviendrait selon les syndicats à brader le salaire des seniors.
Améliorer les fins de carrière
Le patronat le reconnaît : « On n'est pas bons sur les fins de carrière, le passage à la retraite tombe souvent comme un couperet », explique le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux. Pourtant, améliorer la transition vers la retraite, en adaptant le temps et la charge de travail est une solution qui a fait ses preuves, dans les pays nordiques notamment, pour maintenir plus longtemps les salariés dans l'emploi.
Aussi, le gouvernement est-il prêt à encourager la retraite progressive. Ce dispositif permet à partir de 60 ans, de travailler à temps partiel et de compléter son revenu avec une fraction de sa pension, tout en continuant à cotiser. Le gouvernement pourrait permettre à plus de seniors de bénéficier de ce dispositif en revoyant à la baisse le minimum de trimestres nécessaires pour y entrer.
L'exécutif veut aussi se pencher sur le cumul emploi/retraite. En 2020, selon la Dress, rattachée au ministère de la Santé, près de 500.000 personnes, soit à peine 3,5 % des retraités de 55 ans ou plus, déclarent une activité professionnelle. Un taux qui peut être amélioré en changeant quelques paramètres, notamment le plafond de la pension.
Les syndicats ne sont pas contre sur le principe, mais se méfient des détails et de la façon dont seront placés les curseurs.
Créer un index seniors sur le modèle de l'index égalité Hommes/femmes
Cette idée a déjà quelques années. Elle a été lancée par l'ANDRH, l'association nationale des directeurs des ressources humaines. L'idée est de sensibiliser les employeurs sur la première des discriminations : l'âge. Un index professionnel serait créé qui permettrait de noter les entreprises en fonction de leur politique envers les plus âgés. Recrutent-elles des seniors ? Combien ? À quel niveau de responsabilité et de salaires ? Offrent-elles des formations aux quinquagénaires ? Les accompagnent-elles dans les fins de carrière ? Autant de réponses qui participeraient à l'élaboration d'indicateurs.
Le gouvernement entend s'inspirer de l'index égalité professionnelle homme/femme mis en place par Muriel Penicaud, ancienne ministre du Travail, en 2018, pour les entreprises de plus de 50 salariés.
Seul hic : les résultats de cet index hommes/femmes sont mitigés. Ne serait-ce que parce que les entreprises ont un peu de mal à jouer la carte de la transparence. Le gouvernement a d'ailleurs dû prendre par décret en 2021 des mesures pour les inciter à transmettre les données. Certes, l'index n'a que trois ans, et la période de pandémie fausse un peu les résultats, mais pour l'heure, la différence de salaire entre les hommes et les femmes reste de 16 % en moyenne dans le privé pour un poste équivalent.
Si l'ANDRH, qui a porté au départ l'idée d'un index senior, la soutient, elle se méfie : « trop d'index risque aussi de tuer l'index! », confie Benoit Serre son vice-président.
Les syndicats sont tout aussi partagés. Ils militent pour plus de sanctions des entreprises. Car, s'il y a eu des rappels à l'ordre pour l'index égalité homme/femme, à peine une dizaine de sociétés ont été sanctionnées en 2021 pour leurs piètres résultats.
Repousser l'âge de départ à la retraite
Le gouvernement base tout son argumentaire sur ce point : décaler l'âge légal de départ encourage l'emploi des seniors. Les entreprises comme les salariés voient leur horizon repoussé et une dynamique de maintien ou de reprise d'emploi se crée. Selon un rapport de France Stratégie de 2018, l'âge de départ à la retraite et la durée de cotisation ont d'ailleurs « un impact fort » sur le taux d'emploi des quinquagénaires.
Mais, ce que ne manqueront pas de répliquer les syndicats, unanimes contre le recul de l'âge, c'est que cette même étude montre que ce raisonnement fonctionne pour une partie seulement des salariés. Par exemple, le relèvement de l'âge d'ouverture des droits de 60 à 62 ans, en 2010, s'est traduit par une progression de l'emploi pour la moitié seulement des personnes concernées. Les autres sont en inactivité ou au chômage.