
La transition écologique et énergétique va provoquer des bouleversements considérables sur le marché du travail. Entre l'inexorable chute du moteur thermique, la rénovation énergétique des bâtiments et le développement des énergies renouvelables, l'économie française va devoir opérer un basculement brutal dans les années à venir. Dans ce contexte chahuté, l'économiste Jean Pisani-Ferry a remis un rapport de synthèse lundi 22 mai sur les incidences économiques de l'action climatique à la Première ministre, Elisabeth Borne, et une dizaine de focus plus détaillés.
Parmi ces travaux de prospective très documentés, la direction statistique du ministère du Travail (Dares) et France Stratégie ont planché sur les répercussions du changement climatique sur le marché du travail. Premier enseignement, la transition permettrait de créer entre 200.000 et 500.000 emplois, selon les scénarios et les modèles. Derrière ce tableau favorable, il existe toutefois de fortes disparités entre les métiers et les secteurs.
La construction et les services marchands, grands gagnants de la transition
Les entreprises dans la construction et le bâtiment devraient embaucher à tour de bras dans les années à venir. La revue de littérature menée par les statisticiens montre qu'entre 100.000 et 200.000 emplois devraient être créés dans la construction d'ici à 2030. L'adaptation au réchauffement climatique va nécessiter des investissements faramineux dans la rénovation des bâtiments privés et publics, mais aussi dans les infrastructures. Ces travaux vont obliger beaucoup d'entreprises à trouver de la main-d'œuvre alors que les tensions dans ces secteurs sont déjà au plus haut.
Dans les services marchands, les créations d'emplois devraient également bondir. Les statisticiens de la Dares évoquent 50.000 emplois dans l'ingénierie, la recherche et développement ainsi que dans la maintenance des équipements (entretien des infrastructures). Enfin, dans l'agriculture, les avis sont plus partagés. Après avoir enregistré une chute spectaculaire pendant des décennies, le déclin de l'emploi agricole pourrait marquer le pas. Le nécessaire entretien des forêts et le développement de l'agriculture biologique devraient permettre de créer des milliers d'emplois à court terme.
Hécatombe dans les transports thermiques et les énergies non-renouvelables
À l'opposé, la transition vers une économie verte risque de provoquer une hécatombe dans certains secteurs et filières. C'est d'ailleurs déjà le cas dans l'automobile. Depuis plusieurs années, les fermetures de fonderies spécialisées dans la fabrication de pièces pour les moteurs thermiques se multiplient partout sur le territoire, à l'instar de l'emblématique SAM dans l'Aveyron ou des fonderies de Bretagne.
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Dans l'industrie automobile, l'électrification des véhicules pourrait détruire des milliers d'emplois. Et même si les récentes annonces d'investissements d'usines de batteries électriques laissent présager des embauches dans le Nord de la France, elles pourraient être loin de compenser les pertes d'emploi induites par le passage aux voitures électriques. Sur le front de l'énergie, la transition vers une économie décarbonée risque aussi de faire des dégâts. L'association Négawatt avait estimé il y a quelques années la destruction de 100.000 emplois dans les énergies non-renouvelables en prenant en compte les réseaux et les infrastructures d'acheminement.
Vers un difficile ajustement ?
Il est encore difficile à ce stade d'anticiper l'intégralité des conséquences de la transition sur le marché du travail. Mais les ajustements risquent de laisser des traces. Dans une récente note instructive, les économistes du CEPII (Centre d'études prospectives et d'informations internationales) ont passé au scalpel les dégâts de la désindustrialisation du tissu productif tricolore.
Résultat, « les salariés et les territoires sont durablement affectés par un choc négatif sur le marché du travail et il a été très difficile, voire impossible, pour les politiques publiques de réellement cibler les personnes touchées », soulignent les chercheurs. Ils pointent l'importance de ne pas rater le virage de l'industrie verte face à une concurrence internationale féroce. La semaine dernière, le gouvernement a promis la création de 40.000 emplois, grâce à son projet de loi industrie verte. Mais cette projection serait très loin d'effacer les 2 millions de postes détruits dans l'industrie hexagonale depuis cinq décennies.
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