À quoi va ressembler le marché du travail en 2030 ? Entre la crise sanitaire, le réchauffement climatique et les départs en cascade de milliers de retraités, l'emploi risque d'être complètement chamboulé en France. L'éclatement de la guerre en Ukraine a amplifié ce brouillard. Malgré un fort ralentissement de la croissance, le rythme des créations d'emplois est resté dynamique avec 647.000 nouveaux emplois recensés par la Banque de France en 2022 contre 709.000 emplois en 2021.
Dans ce contexte, France Stratégie et la direction statistique du ministère du Travail ont mené un vaste travail de prospective (196 pages) dévoilé ce mardi 24 janvier. D'ici à 2030, 800.000 postes seront à pourvoir chaque année, a rappelé France Stratégie lors d'un point presse.
La façade Atlantique et l'Occitanie très dynamiques, le Grand Est et la Bourgogne Franche-Comté en bas de classement
Sur le front des créations d'emplois, les régions les plus dynamiques se situent plutôt sur la façade Atlantique et le Sud Ouest. L'Occitanie apparaît en tête de classement (+8%) sur la décennie 2019-2030. Viennent ensuite la Loire-Atlantique (+7,3%), la Bretagne (+5,7%) et l'Auvergne-Rhône-Alpes (+5,9%) quasiment au même niveau. « Les régions de la façade Atlantique sont très dynamiques et créent beaucoup d'emplois. Elles ont un peu plus de départs en fin de carrière que la moyenne nationale et moins de jeunes débutant sur le marché du travail, » a expliqué Dorian Roucher, sous-directeur emploi et marché du travail de la Dares, interrogé par La Tribune.
La région Provence-Alpes-Côtes d'Azur (PACA) et l'Ile-de-France apparaissent en position intermédiaire (+ 2,8%) à l'échelle nationale. A l'opposé, le Grand Est (-0,8%) et la Bourgogne Franche-Comté (-0,9%) arrivent en bas de classement. « Ces deux derniers espaces s'insèrent pour partie dans la « diagonale des faibles densités » des Ardennes au Massif central en passant par le Centre-Ouest, qui s'est par le passé caractérisée par sa faible dynamique de l'emploi, » soulignent les auteurs du rapport.
Enfin, la Normandie (0%), le Centre-Val-de-Loire (0,1%) et les Hauts-de-France (1,1%) vont connaître une stagnation ou une légère hausse dans les années à venir.
Difficultés de recrutement et déficits de main d'oeuvre à venir
Les difficultés de recrutement déjà présentes depuis la crise sanitaire vont sans doute s'amplifier dans les années à venir. Outre les frictions engendrées par les confinements à répétition, d'autres phénomènes démographiques continuent de peser sur l'équilibre entre l'offre et la demande d'emploi.
Les arrivées en retraite de la génération du « baby-boom » sont très loin d'être remplacées. « Ces départs en fin de carrière des baby-boomers seront en partie comblés par les jeunes débutant en emploi, qui sont particulièrement présents en Île-de-France et en Hauts-de-France. Mais, quel que soit le territoire, ces nouveaux entrants sur le marché du travail seraient globalement moins nombreux que les seniors le quittant définitivement », explique France Stratégie.
Agents d'entretien, enseignants, aides à domicile : des milliers de postes à pourvoir dans les années à venir
Parmi les métiers avec le plus de postes à pourvoir figurent en premier lieu les agents d'entretien, puis viennent les enseignants et les aides à domicile. Une très grande partie de ces emplois s'explique par le départ de plusieurs centaines de milliers de personnes dans les années à venir.
« Il y a des métiers à fort besoin de recrutement notamment car il y a peu de jeunes débutants dans les métiers de l'entretien, les aides à domicile, les conducteurs, » a déclaré Cédric Audenis, commissaire général adjoint de France Stratégie.
A l'inverse, les postes d'ingénieurs ou de cadres dans l'industrie, de techniciens de maintenance figurent en bas du classement des postes à pourvoir. En Ile-de-France, la croissance de l'emploi devrait être tirée par l'informatique, la communication, la recherche et développement ou encore le soin à la personne.
L'Ile-de-France demeure la région la plus attractive pour les jeunes
La région la plus peuplée de l'Hexagone devrait rester la plus attractive pour les jeunes dans les années à venir. En Ile-de-France, le flux de jeunes débutant en emploi va atteindre 31% d'ici 2030, soit le niveau le plus haut dans l'Hexagone. « En raison d'une grande offre d'enseignement supérieur, la région francilienne est le lieu d'études de nombreux jeunes qui y débutent aussi leur carrière professionnelle. Cette situation renvoie aux conditions favorables du marché du travail francilien : l'insertion professionnelle des jeunes Franciliens les plus diplômés y est meilleure qu'en province,» indiquent les rapporteurs.
En revanche, l'Ile-de-France devrait souffrir d'un départ massif de travailleurs en milieu de carrière. Les chercheurs affirment que l'Île-de-France est la première région à pâtir du départ d'actifs en emploi vers d'autres régions : environ 8 % de l'emploi y serait ainsi à pourvoir du fait des mobilités résidentielles des travailleurs franciliens vers d'autres régions.
Au classement des régions les plus attractives pour les jeunes viennent ensuite les Hauts-de-France (28%) et le Grand Est 28%). Ces pourcentages relativement élevés s'expliquent par des populations plutôt jeunes à la base et la présence de nombreux pôles universitaires, dans l'Est notamment.
En revanche, la Nouvelle Aquitaine et l'Occitanie figurent en bas de classement.« Le Sud-Ouest est, en effet, alimenté par un afflux de retraités ou de ménages sans enfants et peut souffrir dans certains territoires d'un départ des jeunes qui vont étudier ou chercher un premier emploi ailleurs », précise France Stratégie.