Les plus riches devront-ils financer la facture colossale de la transition écologique ?

Fini le temps des grandes stratégies climatiques à la mise en œuvre floue : l’heure est venue d’élaborer un plan précis pour que la France émette 50% de gaz à effet de serre en moins d’ici à 2030 par rapport à 1990, promet le gouvernement, qui a réuni ce lundi plusieurs acteurs de la société civile afin de définir un cap secteur par secteur. Mais cet objectif ambitieux promet de virer en gageure économique, sociale et financière, avec de lourds arbitrages budgétaires à venir, selon un rapport de France Stratégie commandé par Elisabeth Borne et publié ce même jour.
Marine Godelier
Elisabeth Borne a dévoilé à huis clos, lundi 22 mai, des objectifs chiffrés pour les grands secteurs de l'économie à l'horizon 2030 devant le Conseil national de la transition écologique (CNTE), organe consultatif rassemblant sur ces sujets les acteurs de la société civile.
Elisabeth Borne a dévoilé à huis clos, lundi 22 mai, des objectifs chiffrés pour les grands secteurs de l'économie à l'horizon 2030 devant le Conseil national de la transition écologique (CNTE), organe consultatif rassemblant sur ces sujets les acteurs de la société civile. (Crédits : SARAH MEYSSONNIER)

Qui dit objectifs ambitieux dit investissements massifs. La lutte contre les gaz à effet de serre, à l'origine du dérèglement climatique, ne fait pas exception : alors que Washington et Pékin passent la seconde, la France fait face à des besoins considérables pour financer sa transition écologique. Et pour cause, d'ici à la fin de la décennie, le pays devra réduire ses émissions de CO2 deux fois plus vite qu'aujourd'hui en moyenne. Une gageure économique, sociale et financière, qui demandera des arbitrages lourds en matière budgétaire.

Pour s'y attaquer, la Première ministre Elisabeth Borne a dévoilé à huis clos, lundi 22 mai, des objectifs chiffrés pour les grands secteurs de l'économie à l'horizon 2030 devant le Conseil national de la transition écologique (CNTE), organe consultatif rassemblant sur ces sujets les acteurs de la société civile. Le but : émettre 50% de gaz à effet de serre en moins d'ici à 2030 par rapport à 1990 pour se conformer aux objectifs européens, promet le gouvernement, qui visait -40% de CO2 « seulement » jusqu'alors. Autrement dit, il s'agira d'atteindre 270 millions de tonnes de CO2 équivalents par an lâchés dans l'atmosphère par la France à la fin de la décennie, contre 408 millions en 2022. Et ce, en décarbonant en priorité les transports, les usines et en éliminant les nouvelles chaudières à gaz, selon le projet présenté lundi.

Supplément d'investissement

Mais au-delà de « grands caps » définis secteur par secteur, plusieurs des organisations présentes restent sur leur faim. « On n'a toujours pas de mode d'emploi précis », fait valoir Anne Bringault, coordinatrice du Réseau Action Climat. « Il n'y a pas eu de grande annonce ce jour », abonde Matthieu Orphelin, directeur général de la Ligue de protection des oiseaux.

Surtout, une question majeure reste en suspens : qui paiera pour mettre en musique cette immense partition ? Selon un rapport commandé par Elisabeth Borne à l'économiste Jean Pisani-Ferry et publié lundi matin par France Stratégie, le défi sera de taille. Au point que les investissements colossaux nécessaires à la transition climatique ralentiront la croissance et alourdiront la dette publique. Concrètement, « la décarbonation va appeler à un supplément d'investissement » public et privé de 66 milliards d'euros par an, affirme le document, dont la rapporteuse est l'inspectrice générale des finances, Selma Mahfouz.

Lire aussiLa transition écologique coûtera cher mais beaucoup moins que l'inaction, selon le Giec

Remise en cause de la discipline budgétaire

Résultat : « les finances publiques vont être appelées à contribuer substantiellement à l'effort » et donc à alourdir l'endettement de l'Etat, de l'ordre de 10 points de PIB en 2030 (soit au moins 280 milliards d'euros, NDLR), 15 points en 2035, 25 points en 2040, selon France Stratégie. Un endettement « légitime », a néanmoins affirmé Jean Pisani-Ferry lors d'une présentation à la presse lundi, alors que la discipline budgétaire n'est pas au rang des priorités pour les Américains ni pour les Chinois, a-t-il constaté. « Il y a beaucoup de mauvaises raisons de s'endetter, le climat n'en fait pas partie », a ajouté l'ancien conseiller d'Emmanuel Macron en 2017, avant de demander à l'Europe de revoir ses règles, alors que le Vieux continent « ne peut pas être à la fois championne du climat, du multilatéralisme et de la vertu budgétaire ».

Que ce soit pour inciter à l'achat de véhicules électriques ou permettre le remplacement des chaudières dans les maisons, d'immenses efforts devront ainsi être fournis. Et pour cause, la décarbonation reposera à 85% sur la « substitution du capital aux énergies fossiles », aussi bien pour créer des réseaux de bornes de recharge, isoler les bâtiments ou construire de nouvelles centrales électriques, précise le rapport. « Personne ne pourra se planquer », assure-t-on au cabinet d'Elisabeth Borne.

Mettre les plus riches à contribution

Reste que « tout miser sur l'endettement serait imprudent », a nuancé Jean Pisani-Ferry. Selon l'économiste, les plus riches devront en effet participer à l'effort, à travers un « prélèvement dédié » qui pourrait « être assis sur le patrimoine financier des ménages les plus aisés ». « Cela ne se fera pas si les ménages ne sont pas convaincus qu'il y a une égalité des efforts qui sont demandés aux différentes catégories », a-t-il alerté.

« La transition est spontanément inégalitaire. Son coût pour les individus appellera des soutiens publics. La juste répartition des efforts, et des sacrifices, est une condition de son succès », souligne par ailleurs France Stratégie.

En effet, pour les ménages modestes, le coût de la rénovation thermique du logement et de l'acquisition d'un véhicule électrique représente plus de 4 années de revenus, et encore près de 2,5 années pour ceux qui sont au milieu de l'échelle des revenus, selon les calculs de l'organisme. La contribution de tous les secteurs ne suffira donc pas : la notion de justice sociale devra se trouver au cœur de la transformation de l'économie, affirme l'organisme rattaché à Matignon.

Pour l'heure, afin de préciser le plan d'Elisabeth Borne, le gouvernement prévoit une série de réunions thématiques entre ministres et acteurs concernés (énergie, agriculture etc) d'ici à fin juin, et la tenue d'un « conseil de planification écologique » autour d'Emmanuel Macron.

Lire aussiLoi Climat : « Il ne peut pas y avoir d'écologie sans justice sociale et fiscale » Lucas Chancel

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Marine Godelier

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Commentaires 39
à écrit le 31/05/2023 à 12:36
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Ce serait sans doute la mesure la plus appropriée compte tenu de la situation à laquelle le monde est confronté aujourd’hui et compte tenu des raisons qui ont conduit à cette situation. Depuis deux siècles, le monde s'est enrichi en surfant sur les f...

à écrit le 24/05/2023 à 9:35
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La france ne concentre qu'une infime partie des ces emissions 0, 2 ou 2% je ne sais plus. On veux nous faire prendre des vessie pour des lanternes. Comment avec no 2% mondiaux pourrions nous faire quelque chose ? Moi je vis en Thailande alors ici il ...

à écrit le 24/05/2023 à 8:05
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Pour l'instant tout prouve que non, c'est nous qui la payons leur transition vers le great reset et seulement nous autres et très cher on la paye.

à écrit le 23/05/2023 à 17:50
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Je pense que les riches pour ce qu'il en reste en France (ceux qui sont tondus faute de pouvoir s'exiler) vont aller VERDIR LES PARADIS FISCAUX aux eaux cristallines, aux plages de sable fin par exemple ce que j'ai bien connu: avoir une activité sur ...

le 23/05/2023 à 20:14
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Vous êtes un sacré comique, sachant que si l'on regarde juste l'impôt sur le revenu pour le groupe des 370 ménages ultra-riches, en France, le taux effectif d'imposition est de l'ordre de seulement 2 %. Et si l'on va encore plus loin avec les méga-ri...

à écrit le 23/05/2023 à 16:24
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Au lieu de toujours penser à tondre riches et moins riches, les gouvernants devraient enfin tout mettre en oeuvre pour l'augmentation de richesses par la France, ce qui créerait TVA, exportations et finirait, avec en plus une saine gestion, à remettr...

à écrit le 23/05/2023 à 14:12
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Les plus riches peuvent compter sur le soutien de Bruno le Maire. L'écologie attendra car le maintien du patrimoine des plus riches demeure pour notre ministre l'absolue priorité.

à écrit le 23/05/2023 à 12:03
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Dans les dépenses publiques françaises il ya des gisements d'économies que par lâcheté personne ne veut toucher (record de dépenses sociales, des subventions à des associations qui ne contribuent pas à la prosperité du pays et record d'administratifi...

à écrit le 23/05/2023 à 10:57
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Inutile de changer sa chaudière , il suffit d'installer des panneaux solaires qui permettront de chauffer et d'avoir une climatisation l'été. voir de charger sa voiture.Une technologie qui a beaucoup progressé , 8 panneaux pour 100 M2 pour un coût m...

le 23/05/2023 à 13:51
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Bonjour, Beaucoup d'optimisme dans votre simulation financière de coût d'acquisition de panneaux solaires (compter plutôt autour de 2000€ pour 6-8 m²), et encore plus dans la pertinence de l'opération en raison de l'inadéquation entre le décalage te...

à écrit le 23/05/2023 à 10:46
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"Les plus riches devront-ils financer la facture" Les mêmes qui ont eu l'ISF supprimé en 2017 par ce gouvernement ?

le 23/05/2023 à 13:59
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Bonjour, Ce serait très logique ! L'emprunte carbone des plus riches est très supérieure à celle des pauvres ! Aussi ce n'est qu'un juste retour des choses. Le 10ème décile des plus hauts revenus français produit plus de CO2 que les 5 premiers déci...

à écrit le 23/05/2023 à 10:18
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Sachant qu'un milliardaire émet en moyenne, dans le monde, 8190 tonnes de CO2 par an soit 1000 fois plus qu’un·e Français·e moyen (8 tCO2 eq., pour la consommation moyenne hors patrimoine financier), ça, laisse songeur. À moins que nous voulions fair...

à écrit le 23/05/2023 à 10:01
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c est sur qu on veut relancer l industrie et le lendemain on annonce qu on va taxer ceux qui investissent dedans ... tres logique comme raisonnement. Taxer le patrimoine pourquoi pas, mais pourquoi diable exempter l immobilier ou l art ? si j achete ...

à écrit le 23/05/2023 à 9:50
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Si la transition qui pointe consiste essentiellement en investissements offrant une rentabilité, elle peut très bien se financer par l’emprunt !! Actuellement l’Etat emprunte essentiellement pour financer son fonctionnement, ce qui est une aberration...

le 23/05/2023 à 10:04
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Quand dans une entreprise, on est obligé de changer des équipements pour des raisons réglementaires, pour une production restant au même niveau, alors la rentabilité est nulle. C'est un investissement qui rapporte zéro Euros.

à écrit le 23/05/2023 à 9:13
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La première condition pour réaliser une transition énergétique c'est d'avoir un programme technique. En avez-vous vu un ou entendu parler d'un, moi, rien de rien !!! A part investir massivement dans des centrales nucléaires pour produire notre énergi...

à écrit le 23/05/2023 à 9:06
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Cela veut essentiellement brasser de la monnaie pour communiquer ! Mais, moins de carbone, c'est sortir de la politique de l'offre et de ses publicités pour répondre à la demande réelle !

à écrit le 23/05/2023 à 7:17
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Politiciens ridicules qui in fine ont peur de finir pendus. Tout le monde a compris qu'il ne s'agit pas de sauver la planète vu que la Chine et l'inde ouvrent des centrales à charbon et que l'Afrique et la Russie polluent comme jamais...non, il faut ...

le 23/05/2023 à 9:36
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On a le même constat et nous ne devons pas être les seuls. Quand on ne peut répondre à de simples questions de bons sens des citoyens que par de la taxation à outrance et que l'on se refuse au devoir de mémoire économique en pointant depuis 40 ans le...

à écrit le 22/05/2023 à 23:02
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Charité bien ordonnée commence par soi même, qu'ils suppriment tous les artifices de fonction de nos élus et qu'ils vendent les palais nationaux dont la Lanterne, leur garçonnière, au fait elle est quelle classe d'isolation celle là?

le 23/05/2023 à 7:03
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Qu'ils arrêtent le cirque avec la patrouille de France. On fera des économies et on baissera la pollution également.

le 23/05/2023 à 9:16
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Cher citoyen blasé.. Robert O Paxton indique dans son livre la France de Vichy qu'une partie de la catastrophe de 40 est celle de l'élite et bien nous y sommes et quand un bateau va sur le caillou se n'est pas la faute du graisseur de fond de cale. N...

à écrit le 22/05/2023 à 21:52
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Pouvez-vous, svp, nous rappeler où passent les 33,9 milliards dépensés annuellement dans le Ministère de la transition bidule? Cela serait utile pour savoir s’il faut remettre au pot! Merci aux journalistes qui comprennent qu’il importe de savoir ce ...

à écrit le 22/05/2023 à 21:51
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F Asselineau "LE G7 EST DEVENU FOU Comme tous ses prédécesseurs, le sommet du G7 (tenu cette année à Hiroshima Japon) a pondu un "Communiqué final" dans lequel ces 7 États flanqués de la Commission Européenne, s'estiment fondés à donner leurs inst...

le 22/05/2023 à 22:24
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Le G7 lui-même est devenu un mécanisme de sabotage, de division et de confrontation dans le processus d’intégration économique mondiale. C’est un mécanisme qui va à contre-courant de l’histoire a déclaré Lü Xiang, chercheur à l’Académie chinoise des ...

à écrit le 22/05/2023 à 21:47
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Cet hiver, ils menaçaient de nous couper l’électricité. Cet été, ils menacent de nous couper l’eau. Bientôt, ils menaceront de nous couper les c… !

à écrit le 22/05/2023 à 21:45
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Ici le cofondateur de Greenpeace, le Dr Patrick Moore nous parle de l’arnaque climatique, visionner "Odyssée Le cofondateur de Greenpeace, le Dr Patrick Moore parle de l'arnaque climatique". Après l' arnaque du co-vide .."pangolinesque",...

à écrit le 22/05/2023 à 21:20
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Bonjour, je rappelle que les plus riches. Ils ons du mal a payé une part d'impôts raisonnable... Tous utilisent tous les moyen légaux pour éviter l'impôt, voir d'ailleurs les moyens non légaux pour passé a travers les trous de la raquette... Donc ,...

à écrit le 22/05/2023 à 21:18
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Il peut déjà arrêter la gabegie : cette année, le gouvernement a dépensé 5 fois plus en chèques pétrole et chauffage qu’en investissements pour réduire la consommation.

à écrit le 22/05/2023 à 20:45
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Louable, mais...c'est cuit! Ça va chauffer inexorablement.

à écrit le 22/05/2023 à 20:43
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Il faudrait savoir à partir de combien on est riche. Si c'est à partir de 4000€ de revenu par mois comme Hollande le disait cela va faire mal.

à écrit le 22/05/2023 à 20:42
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"Washington et Pékin passent la seconde..." C'est la moindre des choses, ils sont parmi les plus pollueurs par habitant.

à écrit le 22/05/2023 à 20:30
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Il en est bien évidemment hors de question. Il faut juste subventionner les entreprises avec l'argent des classes moyennes et des des moins favorisées. Tout ceux qui ne peuvent faire de l'optimisation fiscale, et qui n'ont pas la chance de ne payer ...

le 23/05/2023 à 0:38
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Il y a 10 millions de personnes qui possèdent des actions dont la grande majorité par leurs plans d'épargne entreprises. Tous ces gens sont loin d'être milliardaires. Vous parlez de dividendes taxés à 14 % (vous oubliez au passage les 16% la CSG/CRDS...

à écrit le 22/05/2023 à 20:17
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Les riches vont payer ??? Mort de rire ceux qui l'ont élu vont devoir passer à la caisse ??? C'est bien sûr impossible ou cela se passera sous les projecteurs de la com. Et ensuite cela se fera comme avec la Deutsche compagnie ils negocieront pour...

à écrit le 22/05/2023 à 19:47
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Jamais les Américains, les Chinois, les Indiens ou les Russes n'accepterons de ruiner leur économie.

à écrit le 22/05/2023 à 19:37
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La quoi?..! La transition de "schwab de davos"? Comme rappelé hier le G7 a déjà rincé en 3O ans ttes les économies mondiales et européennes le composant, lesquelles sont passées de 45% à 28 % du PIB mondial et pours...

à écrit le 22/05/2023 à 18:50
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Il n'y aura pas de transition écologique

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