
L'embauche de nouveaux salariés se transforme parfois en parcours du combattant. Entre les départs précipités, l'inadéquation entre les candidatures reçues et les profils recherchés, le déficit d'attractivité dans certains secteurs, les entreprises mettent parfois des mois, voire des années à trouver le bon profil. Et la situation est loin de s'arranger en France. D'après la dernière Grande consultation des entrepreneurs réalisée par OpinionWay pour CCI France, La Tribune et LCI, sur 56% des entreprises qui ont exprimé ces douze derniers mois leur intention de recruter, 29% n'ont pas atteint leurs objectifs. Dans le détail, seules 17% ont réussi en partie à remplir ces objectifs et 12% pas du tout.
A l'opposé, 27% ont complètement réussi et 44% n'avaient pas prévu de recrutements. Sans surprise, les obstacles sont plus fréquents dans l'industrie et la construction et moins répandus dans les services. « Il y a un véritable problème de pénurie. Ces pénuries de main-d'oeuvre s'expliquent par un manque d'anticipation sur les métiers de demain et les métiers en tension », a affirmé Alain Di Crezcenso, président de CCI France lors d'un point presse ce jeudi 6 avril.
Dans les récentes enquêtes menées par l'Association pour l'emploi des cadres (APEC), les entreprises ont également fait part de toutes ces difficultés. Le directeur général de l'organisation paritaire Gilles Gâteau a expliqué que c'était une préoccupation majeure lors d'un point presse cette semaine. « La guerre en Ukraine et la crise énergétique n'ont pas dissuadé les entreprises d'embaucher des cadres », a-t-il déclaré. 2023 pourrait à nouveau dépasser la barre des 300.000 recrutements pour la seconde année consécutive. Toutes ces pénuries de main-d'oeuvre résultent en partie de l'amélioration du marché du travail mais aussi d'une relation au travail bouleversée depuis la pandémie. De nombreux secteurs fonctionnant en horaires décalés (hôtellerie-restauration) ou avec des conditions de travail jugées pénibles sont toujours en manque de bras.
Raréfaction des profils recherchés dans les bassins d'emploi
La première cause évoquée par les entreprises (60%) est que les profils recherchés sont trop rares dans leur bassin d'emploi. Ce taux atteint même 70% dans le secteur industriel contre 57% dans les services. Le second motif le plus souvent mentionné (26%) par les entreprises interrogées est que le profil des candidats n'était pas satisfaisant.
Les dirigeants évoquent enfin à niveau égal la concurrence des entreprises sur leur territoire (21%) et les exigences jugées importantes des candidats (21%). A l'opposé, une très faible proportion (4%) estime que leur entreprise manque d'attractivité ou de ressource en interne pour recruter (5%).
Fatigue, désorganisation, perte de clients... des conséquences néfastes en cascade
Tous ces obstacles ont incontestablement des répercussions sur l'activité des entreprises et le moral des salariés. Parmi les conséquences évoquées, la première est la fatigue sur les salariés (59%). Arrivent ensuite la désorganisation des entreprises (38%), des renoncements à accepter des commandes ou des clients (31%), des commandes (31%), ou encore une perte de rentabilité (28%).
Une partie importante des répondants indique même des pertes de clients (26%) ou un allongement des délais de production (24%). Parfois, ces conséquences en cascade peuvent se cumuler pouvant représenter un risque pour la viabilité des entreprises.
55% des entreprises ressentent les effets du coût de l'énergie
Les prix de l'énergie continuent de peser sur l'économie tricolore. Malgré une chute enregistrée sur les prix pétroliers et certaines matières premières, 55% des entreprises affirment encore ressentir les effets de l'envolée des prix de l'énergie. C'est trois points de plus que lors de la précédente enquête menée en janvier 2023. Sans surprise, l'industrie est en première ligne (70%). Viennent ensuite le commerce (66%), la construction (51%) et les services (50%).
Comment expliquer le paradoxe du ralentissement des prix et de la hausse des effets ressentis ? Depuis le premier janvier dernier, le gouvernement a modifié les paramètres du bouclier tarifaire en limitant la hausse à 15% après un gel des prix pendant plus d'un an. En outre, plusieurs milliers d'entreprises ont dû renégocier leurs contrats d'approvisionnement en énergie dans un contexte de crise énergétique.
Ce qui a pu avoir des répercussions sur les factures des entreprises. « En janvier, beaucoup d'entreprises n'avaient pas encore renégocié leurs contrats d'énergie », a précisé Alain Di Crescenzo. Autant dire que la déflagration des prix de l'énergie sur les coûts de production risque de se prolonger.
Méthode : Étude réalisée auprès d'un échantillon de 1.013 dirigeants d'entreprise. L'échantillon a été réalisé par téléphone du 9 au 17 mars 2023. La représentativité de l'échantillon a été assurée par un redressement selon le secteur d'activité et la taille, après stratification par région d'implantation.