Les crises continuent de donner le vertige aux économistes. Après un long tunnel de pandémie et une guerre aux portes de l'Europe, l'économie française peine à redémarrer. La flambée des prix et les frictions sur les chaînes d'approvisionnement planétaires pèsent toujours sur le niveau de l'activité. Dans sa dernière enquête de conjoncture dévoilée ce mardi 12 juillet, la Banque de France table sur une légère hausse de la croissance du produit intérieur brut (PIB) de 0,25% au cours du second trimestre après un repli entre janvier et février.
Les économistes n'ont donc pas dégradé leurs prévisions de juin où ils avaient écarté le scénario noir d'une récession. « L'enquête mensuelle de conjoncture montre que l'activité a continué de résister au mois de juin et que cette résistance se maintiendrait au mois de juillet », a déclaré le directeur des études, Olivier Garnier, lors d'un point presse. Dans ce contexte de croissance morose, les entreprises peinent toujours à recruter.
Les tensions sur le recrutement au plus haut
Les difficultés de recrutement exprimées par les entreprises sont au plus haut. Au mois de juin, 58% des dirigeants expliquaient avoir dû mal à embaucher. Il s'agit d'un sommet depuis que cette question a été mise en place en mai 2021. À l'époque, 37% des entreprises avaient exprimé ce type de difficulté. En juin dernier, le bâtiment a connu un pic à 63%, suivi des services (61%) et de l'industrie (50%). Dans l'industrie, le pourcentage a quasiment doublé depuis mai 2021 (24%) alors que la production est fortement perturbée depuis des mois.
Dans le détail, la programmation et le conseil (73%), l'aéronautique (71%) ou encore l'intérim (70%) sont les trois secteurs les plus en tension. « La reprise de l'emploi a été plus marquée qu'anticipée en 2021 et jusqu'au début d'année 2022. ll y a eu un redémarrage fort de l'activité après une période d'hibernation », rappelle Olivier Garnier. « Même avant la crise, beaucoup d'entreprises exprimaient déjà des difficultés de recrutement. On le voit au bout des deux extrémités, à la fois sur des compétences très pointues et des postes moins qualifiés », ajoute-t-il.
Des créations d'emploi boostées par l'apprentissage et l'alternance
Malgré ce tassement de la croissance française, les entreprises ont continué de créer des emplois au premier semestre 2022. D'après le dernier point de conjoncture de l'Insee dévoilé à la fin du mois de juin, l'économie française a créé 79.000 emplois au premier trimestre et 37.000 au deuxième. Comment expliquer ces embauches ? Interrogé par La Tribune, Olivier Garnier souligne « qu'il y a toujours un décalage entre l'activité et l'emploi dans les cycles économiques. »
Cela signifie que les entreprises ont continué de recruter malgré la détérioration de la conjoncture. « Il y a eu une croissance riche en emplois sur les 18 derniers mois », poursuit l'économiste en rappelant que « certains phénomènes comme l'alternance et l'apprentissage contribuent à ces bons chiffres de l'emploi. » La Banque de France s'attend tout de même « à une stabilisation de l'emploi, voire une légère baisse dans les mois à venir ».
Baisse des tensions sur l'approvisionnement
La réouverture de l'économie mondiale en 2021 après de longs de mois de confinement avait entraîné de fortes perturbations sur les chaînes d'approvisionnement mondiale au moment de la reprise. Avec l'éclatement du conflit en Ukraine, ce phénomène s'est amplifié partout sur la planète mettant en difficulté les entreprises dépendantes de l'étranger pour se fournir en matières premières ou en pièces électroniques. Après avoir bondi brutalement entre janvier et mars, les tensions sur l'approvisionnement ne cessent de s'infléchir dans l'industrie pour passer de 64% en avril à 51% en juin.
Dans le bâtiment, cette proportion est passée de 55% en mars à 52% en juin. En dépit de ces améliorations, ces difficultés sont encore loin d'avoir retrouvé leur niveau de mai 2021, date du début de l'enquête. Au printemps 2021, 44% des industriels et 50% des dirigeants dans le bâtiment exprimaient ce type de difficulté. Avec le prolongement du conflit en Ukraine, le retour à la normale n'est pas pour demain.