Face aux difficultés de recrutement, Pôle emploi veut des listes de « candidats employables »

Pôle emploi planche sur la création d'un « vivier » de demandeurs d'emploi employables rapidement pour répondre aux offres des secteurs les plus « en tension ». Car de nombreux secteurs - industrie, transports, éducation et même ingénierie - peinent à trouver des candidats. Un phénomène loin d'être propre à la France puisque similaire à de nombreux pays partout dans le monde.
Sollicité, Pôle emploi s'est pour le moment refusé à tout commentaire.
Sollicité, Pôle emploi s'est pour le moment refusé à tout commentaire. (Crédits : Reuters)

Répertorier, dans chacune de ses quelque 900 agences, les « candidats motivés et prêts à l'emploi ou susceptibles de l'être moyennant une action rapide d'adaptation », voilà la solution pensée par Pôle emploi pour faire face aux difficultés de recrutement dans de nombreux secteurs. Dans des documents internes consultés par l'AFP ce jeudi 8 septembre, et dévoilés la semaine dernière par Mediapart, l'objectif de l'établissement public est d'identifier les candidats qui peuvent être mobilisés au plus vite sur les postes où la main-d'œuvre manque le plus.

Lire aussiHausse des créations d'emplois dans le privé, mais les entreprises peinent toujours à recruter

Pôle emploi a identifié 23 métiers jugés « particulièrement en tension », c'est-à-dire « générant un nombre d'offres d'emploi significatif sans susciter des candidatures en nombre suffisant ». Ces métiers, constituant « un cadre a minima » qui pourra être complété, sont répartis dans trois secteurs (hôtellerie/restauration, santé/social et transport) et vont de cuisinier à infirmier en passant par livreur.

Le document évoque une « mise en œuvre opérationnelle » du plan au 19 septembre. À cette date, un portefeuille de suivi de 150 à 200 candidats sera créé dans chaque agence. Sollicité par l'AFP, Pôle emploi a indiqué qu'il s'agissait d'un « document de travail », se refusant à tout commentaire.

Du côté des syndicats de l'opérateur, Michel Breuvart (SNU-FSU) déplore que cela « accrédite une nouvelle fois dans l'opinion publique l'idée qu'un certain nombre de demandeurs d'emploi se complait dans le chômage alors que des postes restent vacants ». « Aucune leçon n'est tirée de la crise Covid qui a vu des milliers de travailleurs dans ces secteurs d'activités se détourner de ces métiers car premières victimes de la crise sanitaire », ajoute-t-il, pointant « des conditions de travail souvent désastreuses dans ces secteurs ».

Lire aussiLes difficultés de recrutement au sommet, le tassement de la croissance se confirme, selon la Banque de France

De nombreux secteurs peinent à recruter

En France, la pénurie de main-d'œuvre touche de nombreux secteurs. Parmi eux : l'industrie. « 70.000 emplois sont non pourvus », a affirmé le ministre Roland Lescure devant le patronat fin août. La métallurgie souffre particulièrement : chaudronniers, tôliers et soudeurs font partie des 10 métiers où recruter est le plus difficile en 2022, selon l'enquête « Besoins en main-d'œuvre » de Pôle Emploi, publiée en avril.

La construction aussi est touchée. En juillet, 61% des entreprises du bâtiment déclaraient avoir des difficultés de recrutement, selon un point de conjoncture de la Banque de France publié en août. En tête des postes les plus compliqués à pourvoir, selon Pôle Emploi : les couvreurs. Dans le top 10 également, les menuisiers et ouvriers de l'agencement.

Du côté des transports, 78% des entreprises du secteur signalaient en juillet des difficultés à recruter, selon la Banque de France. Raison principale de ce désamour : des conditions de travail et des salaires qui n'attirent pas. « Il faut travailler les week-ends, le soir, les jours fériés. Les vacances en juillet-août, il faut les oublier, surtout au début », détaille Didier Mathis, secrétaire général de l'Unsa-Ferroviaire.

Lire aussiLes pénuries et le risque politique poussent l'industrie automobile à revoir son modèle industriel

 Les entreprises manquent aussi d'ingénieurs et de consultants, en raison d'une « pénurie des talents » et d'une « forte concurrence des entreprises sur certains profils », selon la fédération Syntec, qui regroupe des syndicats dans ces métiers.

Le secteur de l'éducation connaît, lui, une crise inédite du recrutement d'enseignants, avec plus de 4.000 postes non pourvus aux concours cette année, sur 27.300 postes ouverts dans le public et le privé (et 850.000 enseignants au total).

Enfin, dans l'ensemble de la branche sanitaire, médico-sociale et sanitaire à but non lucratif, quelque 45.000 postes sont à pourvoir, selon les estimations de Nexem, une des principales organisations professionnelles du secteur.

Lire aussiFace à la pénurie d'enseignants, Emmanuel Macron promet un salaire de départ à 2.000 euros nets par mois

 Manque de main-d'œuvre mondial

« Les entreprises continuent à dire dans les enquêtes d'opinion mondiales qu'il est très difficile d'embaucher » depuis la pandémie, constate Ariane Curtis, économiste à Toronto pour le cabinet Capital Economics. Elle signale des difficultés aiguës parmi les pays d'Europe occidentale, en Amérique du Nord mais également en Europe de l'Est, en Turquie et en Amérique latine.

En Allemagne, 887.000 emplois attendaient d'être pourvus en août, tant dans le social ou la construction que dans l'informatique. « Où que l'on regarde, on manque de main-d'œuvre qualifiée partout », indique un chef d'entreprise, pointant des problèmes de formation. Les chiffres américains donnent encore plus le tournis dans un pays où les panneaux "On embauche !" pullulent devant les restaurants ou les bus. Ainsi, plus de onze millions de postes étaient vacants fin juillet pour près de moitié moins de travailleurs disponibles.

Selon un rapport de l'OCDE de juillet, les tensions sur les postes vacants ont considérablement augmenté fin 2021 aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Australie et au Canada par rapport à l'avant-pandémie.

Lire aussiEmploi : en Europe, le taux de chômage se maintient à un niveau historiquement bas

 (Avec AFP)

Commentaires 15
à écrit le 11/09/2022 à 18:41
Signaler
On pourrait faire une liste avec les chômeurs employables, une liste des agents de Pôle Emploi en France prêts à mettre en relation ces personnes avec des entreprises qui recrutent sans les arnaquer, une liste des formations bidons qui sont proposées...

à écrit le 10/09/2022 à 9:01
Signaler
Faire la liste des entreprises où travailler est possible serait judicieux: un vrai salaire payé à la fin du mois, un manageur intelligent a minima, 35 heures / semaine avec des heures sup éventuelles rémunérées, la possibilité vraie d'un CDI à la fi...

à écrit le 09/09/2022 à 15:21
Signaler
"Répertorier les « candidats motivés et prêts à l'emploi ou susceptibles de l'être moyennant une action rapide d'adaptation », voilà la solution pensée par Pôle emploi." Et moi qui naïvement pensé que c'était déjà la mission et le rôle de Pole emplo...

le 09/09/2022 à 17:27
Signaler
Ils vous répondent encore et toujours: " cela n'entre pas dans le cadre de nos attributions". On pourrait faire la liste des agents de Pôle Emploi motivés et disponibles capables de remplir cette mission ?

à écrit le 09/09/2022 à 15:09
Signaler
Vous serez "formé" dans le meilleur des cas en 45 secondes sur une machine éteinte. Votre chef d'équipe est également le gestionnaire du personnel même s'il ne connait pas les tables de multiplication ni distinguer les orientations "gauche-droite". I...

à écrit le 09/09/2022 à 12:56
Signaler
étonnant dans la liste même la sncf n' arrive plus a recruter des conducteurs de trains ( surtout rer /ter sans doute les plus mal payés) voir article du figaro c est vrai que la perte du statut ( donc de l emploi protégé), les réformes de retraite ...

le 09/09/2022 à 15:29
Signaler
Oui, les réformes sans revalorisation en conséquence du salaires des nouveaux entrants a pour effet de pousser bon nombre d'entre eux à démissionner avant même la fin du cycle de formation...

à écrit le 09/09/2022 à 10:42
Signaler
Vouloir en pleine période d'inflation orienter de force des travailleurs vers des métiers où le dialogue social est parfois tellement exécrable que les grilles de salaire sont gelées depuis 20 ans, c'est sûr, ça va marcher! Quant aux manque de pro...

à écrit le 09/09/2022 à 10:08
Signaler
Juin 2021 : L'Europe comptera 95 millions de travailleurs de moins en 2050 qu'en 2015, ce qui entraînera des tensions budgétaires importantes et un ralentissement de la croissance économique, selon une étude du Center for Global Development qui pr...

à écrit le 09/09/2022 à 8:33
Signaler
Jeunisme, préférence pour la main d'œuvre étrangère ("on en a besoin"), Troubles Musculo-Squelettiques, obligation de refuser la mutuelle de l'entreprise par un document fournit par la DRH qui doit être signé afin d'être recruté, absence d'aide au tr...

à écrit le 08/09/2022 à 20:22
Signaler
...." Pôle emploi a identifié 23 métiers jugés « particulièrement en tension », c'est-à-dire « générant un nombre d'offres d'emploi significatif sans susciter des candidatures en nombre suffisant ». Ces métiers, constituant « un cadre a minima » qui ...

le 09/09/2022 à 9:20
Signaler
On pourrait ajouter que le durcissement des conditions d'accès à l'indemnisation du chômage a contribué à aggraver le manque d'attractivité de bon nombre d'emplois tellement fragmentés que les indemnités chômage sont devenues une part intégrante de l...

à écrit le 08/09/2022 à 19:11
Signaler
Des listes d'entreprises circulent parfois sur les réseaux sociaux ou bien elles sont notées dans les sites emplois et commentées par les (anciens) salarié-e-s. Il suffit parfois de lire les avis Google. La rotation de personnel est permanente dans c...

à écrit le 08/09/2022 à 18:59
Signaler
Je ne comprends pas qu'avec toutes les agences d'intérim et sites web d'offres d'emploi que le contribuable doit encore financer les rabatteurs du MEDEF chez Pôle Emploi feu ANPE... Quel intérêt de relayer de multiples offres issues des agences ...

le 08/09/2022 à 21:09
Signaler
Je me souviens d'une époque où Pole Emploi filtrait ce genre d'employeurs tandis que l'APEC était bien moins regardante car à la différence de Pôle Emploi, les annonceurs paient pour que leurs offres soient publiées. Et dans certains cas, il s'agi...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.